Les RH et les chiffres

Comment les indicateurs stimulent la qualité des soins dans les EMS

Une récente étude* de l’Université et de la Haute école de santé de Fribourg montre comment les indicateurs sont intégrés dans les processus de travail pour garantir la qualité des soins et des conditions de travail.

Nous sommes passés à la transparence et au travail avec l’erreur», résume Emmanuel Michielan, secrétaire général de l’Association Fribourgeoise des Institutions pour Personnes Agées (AFIPA). Cette formule illustre le changement de paradigme vécu par les établissements médico-sociaux fribourgeois et vaudois depuis 2009. En 2015, 48 EMS ont accepté de donner leur retour sur ce processus, dont douze établissements alémaniques. L’impulsion du départ est venue des bailleurs de fonds, soit les cantons de Fribourg et Vaud qui souhaitent obliger les EMS à engager une démarche qualité au début des années 2000. «A Fribourg, au lieu de prendre la voie d’un audit ISO, nous avons d’abord mis sur pied notre propre référentiel qualité, puis nos propres indicateurs avec nos collègues vaudois, le but étant de vérifier la qualité des soins et la qualité de vie de nos collaborateurs», explique Emmanuel Michielan.

Depuis 2015, en collaboration avec la Haute école de santé de Fribourg, le comité de pilotage a défini une dizaine d’indicateurs dans le domaine des soins et dans le domaine des RH (voir ci-contre sur les RH). Emmanuel Michielan: «Le domaine des soins est un domaine très subjectif. La qualité des soins est perçue très différemment selon les collaborateurs. Prenez l’exemple du nombre de plaintes qui remontent à la direction. Comment définir une plainte? Pour certains, une plainte est une affaire qui se termine au tribunal. Pour d’autres, un résident qui se plaint de la qualité de son café suffit ... Notre travail consiste donc à mettre tout le monde d’accord sur les définitions pour récolter les données et créer des standards ou moyennes pour que les directeurs d’établissements soient en mesure de comparer ce qui est comparable.»

Benchmarking et échange de bonnes pratiques
C’est donc ce travail de benchmarking qui va permettre d’objectiver la qualité des soins et celle des conditions de travail. «Je dirais même qu’un indicateur sans benchmark ne vaut pas grand’chose. Mais ce benchmarking pose plusieurs difficultés. La récolte des données se fait-elle de la même manière d’un établissement à un autre? Nous avons par exemple essayé de mesurer la qualité des soins en recensant le nombre de chutes, les escarres (nécrose de la peau, ndlr) et les mesures limitatives de liberté imposées aux résidents (barrières autour du lit par exemple). Ces données sont disponibles, mais la comparaison entre établissements est très délicate car toute le monde ne définit pas ces incidents de la même manière.» Finalement, la comparaison des données RH est, sans doute, plus simple et objective; elles se doivent, toutefois, d’être corrélées avec les résultats dans le domaine des soins.

Ces données sont ensuite discutées lors des comités de direction et à tous les niveaux de l’organisation. «Ce dialogue autour des indicateurs et des benchmarks est sans doute le moment le plus utile de tout le processus. Notre démarche qualité vise avant tout à créer une culture de l’échange et de la remise en cause. Réunir les directeurs d’établissement ou les chefs d’équipe en petit comité est un levier puissant pour faire changer les pratiques professionnelles. Les uns apprennent des expériences des autres et vice-versa», conclut Emmanuel Michielan.

Gérer avec les indicateurs: quelques recommandations

Absentéisme
1. Distinguer l’absentéisme de longue et courte durée. Identifier les absences courtes récurrentes. Identifier les ‘0 absence’.
  > Entretiens individuels. Rendre visible. Modifier les contrats. Remercier les ‘0 absence’.
2. Analyser l’absentéisme par équipe, par groupe d’âge, par groupe de qualifications.
Identifier les groupes malades.
  > Entretiens individuels, entretiens de groupe (que pouvons-nous faire pour votre santé?), entretiens avec superviseurs.
3. Sensibiliser aux coûts organisationnels des absences et au stress.
  > Séances d’équipe; organisation des suppléances; debriefings réguliers.
4. Au moment de l’absence,
  > Exiger un certificat médical immédiatement? Assurer un suivi. Entretiens de retour systématiques. Différents types d’entretiens pour les 1ères, 2e, 3e, 4e absences.

Formation
1. Analyser les besoins et les demandes par secteur, par équipe, par fonction, par niveau hiérarchique, pour l’ensemble de l’établissement.
  > Etablir un plan de formation. Répartir sur les différentes populations. Proposer.
2. Renforcer le ROI – Plusieurs facteurs: contenu de la formation, qualités du formateur, contexte du transfert, rôle du superviseur, motivation et préparation de l’apprenant,
suivi.
  > Sélection des formations, objectifs de transfert pré-fixés, suivi post-formation.

Taux de rotation
Moins utile comme indicateur pour les petits établissements, où la problématique des départs est souvent plus qualitative que quantitative.
> Analyses historiques et prévisionnelles par populations et par postes clés.
> Analyse des causes de départ: entretiens de départ, statistiques par cause de départ.
> Réfléchir aux dimensions d’une politique de rétention (rémunération, formation,
identification, ambiance de travail, flexibilité ...).

Enquête de sastisfaction
1. Diffuser le questionnaire de manière régulière, et viser un retour élevé.
  > Relances, moments clés.
2. Analyser les évolutions par secteur et par équipe de manière régulière.
  > Feuilles de couleur, codes par équipe.
3. Accorder de l’importance aux points faibles et aux commentaires négatifs.  
> Fixation d’objectifs prioritaires.
4. S’en servir comme instrument de dialogue.
  > Séances et colloques.

 

L’intervenant
Emmanuel Michielan est le secrétaire général de l’Association Fribourgeoise des Institutions pour Personnes Agées (AFIPA-VFA, www.afipa-vfa.ch)

* Eric Davoine, Céline Overney et Clélia Rossi: L’utilisation des indicateurs RH par les directeurs d’EMS. Une étude exploratoire, Présentation AFIPA-VFA 2016

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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