Comment révéler les traits invisibles et les signaux faibles du collectif?
Dans une économie bousculée par les imprévus, les solutions de gestion des compétences offrent des outils pour anticiper les évolutions et mieux exploiter les atouts de l'organisation.
Photo: Vlad Hilitanu / Unsplash
Dans les années 1990, l’anthropologue britannique Robin Dunbar a émis l’idée d’une corrélation entre la taille du cerveau des primates et la taille du groupe auquel ils appartenaient. Par analogie, il en a déduit la taille du réseau relationnel qu’un homme pouvait entretenir. Selon les individus, il se situerait entre 100 et 230 personnes (150 étant le nombre moyen traditionnellement retenu). Au-delà, nous ne serions pas en mesure de maintenir des relations stables et satisfaisantes.
Si ce calcul peut se discuter pour plusieurs raisons, il fait écho à des expériences que nous avons tou(te)s vécues: plus le groupe dans lequel nous nous trouvons grandit et plus la proportion de personnes que nous côtoyons et connaissons vraiment diminue.
Des équipes de 12 personnes max
Cette situation n’est pas sans impact sur l’efficacité de notre travail. Trois chercheurs américains (1) ont en effet montré que, plus une équipe grossit, plus les tâches prennent de temps car:
- La coordination s’avère plus difficile, compte tenu notamment du nombre de liens qui peuvent exister entre les membres et donc du nombre de communications parallèles.
- La motivation a tendance à décliner, parce qu’il est moins évident de déterminer son influence sur le travail du groupe ou parce qu’il est plus courant d’y voir des membres profiter du travail des autres en tout impunité.
- Les conflits sont plus fréquents et la solidarité entre les membres, moins forte.
Ces constats militent pour une structuration des organisations en équipes restreintes (dix-douze personnes maximum) plutôt qu’en vastes départements impersonnels.
Un réseau exponentiel
Néanmoins, la pertinence de l’organisation n’enlève rien à sa complexification: plus elle grandit, plus le nombre de relations qui s’y nouent explose. Ainsi, lorsque vous travaillez au sein d’une équipe de dix personnes, vous évoluez au cœur d’un réseau de 45 relations. Mais si vous vous retrouvez dans une entreprise de 200, ce sont 19’900 relations qui sont susceptibles de se tisser. Et potentiellement près de 500’000 dans un groupe de 1000 collaborateurs·trices.
Savoir ce qu’il se dit et ce qu’il se passe dans votre entreprise, pour peu qu’elle grandisse régulièrement ou qu’elle ait déjà atteint une taille respectable, semble donc hors de portée d’un cerveau humain. Et pourtant, votre intuition vous dit que vous ne pouvez pas vous contenter de cette ignorance.
Du profil individuel...
Vous n’allez évidemment pas demander à chaque salarié de vous tenir au courant de ses derniers projets, découvertes ou actions de formation. Cela dit, vous pouvez leur offrir un espace où les répertorier. C’est – entre autres – ce que proposent les solutions de gestion des compétence.
Ces solutions donnent la possibilité à chaque collaborateur·trice de saisir son profil de compétences, ses expériences et ses appétences puis de les mettre à jour au fil du temps. Si ce procédé déclaratif ne suffit pas, elles peuvent également les inviter à réaliser leurs propres autodiagnostics (via des tests psychométriques, par exemple) ou inviter des tiers (managers, formateurs, clients...) à les évaluer. Est ainsi obtenu, pour chacun·e, un aperçu en temps réel de ses souhaits, de ses savoirs, de ses savoir-faire et de ses savoir-être.
... à l’image du collectif
Chaque aperçu individuel peut ensuite être consolidé avec ceux des autres membres de l’équipe. Un manager va alors disposer non seulement d’une vision globale des compétences actionnables à un instant t, mais également des envies de travail, de développement ou d’évolution de son groupe.
À leur tour, les portefeuilles de compétences et d’appétences de toutes ces équipes peuvent être mis en commun et un directeur de département ou un responsable RH aura, sous les yeux, une ou plusieurs images de son collectif (selon les paramètres qu’il aura sélectionnés). Ce qui semblait insurmontable à un cerveau humain devient soudain limpide grâce à de telles solutions. Encore faut-il savoir exploiter ces données.
Évaluer la disposition au changement
Cette visualisation du set de compétences disponibles dans votre entreprise vous sera utile dans bien des situations. Prenons ce cas à la fois courant et complexe d’une situation de transformation. Vous venez d’aboutir à une nouvelle stratégie et il vous faut à présent la déployer. Deux questions pointent à l’horizon:
- Avez-vous les moyens de vos ambitions? Dit autrement, les compétences requises par cette nouvelle stratégie sont-elles déjà effectives au sein de votre entreprise?
- Avez-vous de quoi hausser votre potentiel? Dit autrement, comment allez-vous faire monter en compétences celles et ceux qui ne sont pas encore au niveau?
Grâce à votre solution de gestion des compétences, vous obtiendrez une idée précise des écarts à combler et des actions à mener.
Des écarts invisibles
Mais aussi juste que soit votre analyse, elle ne suffira pas. Combien de projets de transformation n’a-t-on pas vu échouer alors que tout, sur le papier, les destinait à la plus belle des réussites? Sylvain Mossière, PDG et fondateur de Skillspotting, en est convaincu: «L’aptitude au changement d’une équipe ou d’une entreprise se mesure d’abord à l’état d’esprit du collectif. Plus il est aligné, plus le changement sera aisé; plus il est distribué, moins il sera facile.»
C’est pourquoi Emilee (la branche technologique de Skillspotting) propose, avec sa solution, de combiner une analyse d’écarts en compétences et appétences avec une analyse du «potentiel changement» du collectif. En fonction des résultats, vous saurez si vos velléités de transformation rencontreront un écho favorable ou s’il vous faudra procéder à des actions préalables. «Si vous ne savez pas de quoi est composé votre terreau, vous ne saurez pas ce qui peut y pousser rapidement», glisse en un sourire Sylvain Mossière.
Identifier les signaux faibles
Aviez-vous vu arriver la crise financière en 2007? Plus près de nous, aviez-vous prédit la crise sanitaire et son ralentissement de l’économie? La guerre en Ukraine et son impact sur les marchés des matières premières? Notre monde est de plus en plus difficile à appréhender et fait «la part belle à l’imprévu» (2). S’il faut être capable d’agir vite, il faut davantage encore être capable de réagir vite.
Une organisation en équipes restreintes relativement autonomes permet d’entretenir une diversité cognitive et une souplesse organisationnelle essentielles pour se réinventer. Mais elle n’empêche pas d’être pris par surprise.
Voir plus loin
«En comparant l’évolution des compétences au sein de l’entreprise avec les données du marché, en projetant cette évolution sur six mois ou un an, on identifie les dynamiques naissantes en avance de phase», confie Jean-Philippe Couturier, PDG de Whoz.
Avec son arsenal complet d’indicateurs et sa capacité à relier les compétences aux projets menés par les collaborateurs·trices, cette solution permet de repérer les situations de sous ou surcapacité en compétences et de préparer les équipes aux attentes à venir du marché. Notre expérience récente nous l’a confirmé: être en mesure d’anticiper les événements et d’envisager des scénarios alternatifs est une compétence organisationnelle capitale.
Quatre collaborateurs·trices sur cinq sont aujourd’hui disposés à partager leur profil de compétences avec d’autant plus d’empressement que la moitié estime ne pas exploiter toutes leurs capacités dans leur fonction actuelle. Les solutions de gestion des compétences offrent plus qu’une réponse à ces enjeux. Elles vous permettent d’en faire une force pour votre entreprise.
(1) B. R. Staats, K. L. Milkman, C. R. Fox (2012), “The team scaling fallacy: Underestimating the declining efficiency of larger teams”, Organizational Behavior and Human Decision Processes, vol. 118.
(2) Nassim Nicholas Taleb (2008), Le Cygne noir, la puissance de l’invisible, Les belles Lettres.