Conditions d’accès au marché du travail suisse pour les Européeens
En principe, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Voici dans le détail les différents cas de figure relatifs aux Européens1.
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Le système d’accès au marché du travail suisse repose sur le principe suivant: «Tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour»2. Seules les exceptions expressément prévues par la loi ou par des traités internationaux permettent de déroger au principe de l’autorisation.
La loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (LEI) définit l’activité lucrative comme «toute activité salariée ou indépendante qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement»3. La notion d’activité lucrative doit être interprétée de manière large. Ce qui est déterminant est de savoir si l’activité en question est en principe exercée contre rétribution sur le marché suisse du travail4. L’art. 1a al. 2 OASA5 énumère plusieurs activités considérées comme lucratives: apprenti, stagiaire, volontaire, sportif, travailleur social, personne exerçant une activité d’encadrement religieux, artiste ou encore employé au pair.
En complément à ces dispositions, la Suisse a conclu, tant avec l’Union européenne (UE) qu’avec l’Association européenne de libre-échange (AELE), des accords garantissant la libre circulation des personnes et, dans une moindre mesure, la libre prestation de services6. Les ressortissants des Etats membres de l’UE, de l’AELE et de la Suisse bénéficient ainsi de la libre circulation des personnes sur le territoire de ces Etats.
1. Prestations de services
Prestations de services jusqu’à 90 jours
L’ALCP libéralise les prestations de services transfrontalières jusqu’à 90 jours de travail effectif par année civile, interdisant expressément toute restriction à ce droit7. Dans les 90 jours ne comptent que les jours de travail effectif, à l’exclusion des jours de congé8. Les 90 jours se calculent par entreprise et par travailleur9.
Tout détachement supérieur à huit jours par année civile doit être annoncé à l’autorité10. Cette obligation incombe à l’employeur étranger qui détache des travailleurs en Suisse. Dans certains secteurs, cette annonce doit être effectuée quelle que soit la durée du détachement (art. 6 al. 2 Odét). Il en est ainsi dans la construction, le génie civil, le second oeuvre, la restauration, le nettoyage, la surveillance, la sécurité, le commerce itinérant, l’industrie du sexe et l’aménagement ou l’entretien paysager. A part dans ces secteurs, le travail détaché jusqu’à huit jours par année civile n’est soumis ni à autorisation ni à annonce.
Les huit jours se calculent par entreprise et par travailleur11. L’annonce doit être faite au plus tard huit jours avant le début de l’activité en Suisse12. Exceptionnellement et dans les cas d’urgence tels qu’un dépannage, un accident, une catastrophe naturelle ou un autre événement non prévisible, le travail peut débuter avant l’expiration du délai de huit jours, mais au plus tôt le jour de l’annonce13.
Prestations de services de plus de 90 jours
Si elle prévoit d’emblée un détachement de plus de 90 jours de travail effectif dans l’année civile ou qu’elle a épuisé ces 90 jours, l’entreprise doit demander une autorisation. Les conditions d’admission de prestataires de services transfrontaliers temporaires sont réglées à l’art. 26 LEI. L’activité doit tout d’abord servir les intérêts économiques du pays: le prestataire de services doit apporter un savoir-faire peu commun dans notre pays, nécessaire à la réalisation d’un projet de durée limitée14.
En plus de la condition relative aux intérêts économiques du pays, l’art. 26 LEI subordonne l’admission de prestataires de services à trois autres conditions: la disponibilité des contingents15, le respect des conditions de rémunération et de travail16 et les qualifications personnelles17. En revanche, la priorité à la main-d’oeuvre indigène (art. 21 LEI) n’a pas à être respectée dans les cas visés par l’art. 26 LEI.
Autorisation de quatre mois ou de 120 jours
Exceptionnellement, l’autorité cantonale peut délivrer une autorisation pour des prestations de services qui dépassent 90 jours, mais dont la durée est de quatre mois consécutifs dans une période de douze mois, ou de 120 jours fractionnés sur douze mois18. Ces autorisations de quatre mois ou de 120 jours ne sont délivrées que si, premièrement, la durée et le but du séjour sont fixés d’avance et, deuxièmement, le nombre d’étrangers occupés durant ces courtes périodes ne dépasse le quart de l’effectif total du personnel de l’entreprise que dans des cas exceptionnels dûment motivés19.
Permis L UE/AELE ou B UE/AELE
Pour des prestations de services supérieures à 90 jours, ou à 120 jours lorsque les conditions de l’art. 19a al. 2 OASA sont remplies, l’autorité peut délivrer une autorisation de séjour de courte durée (permis L UE/AELE) ou une autorisation de séjour (permis B UE/AELE)20.
2. Prise d'emploi en Suisse
Exerce une activité lucrative avec prise d’emploi en Suisse tout travailleur engagé par une entreprise ayant son siège en Suisse. La prise d’emploi en Suisse implique la conclusion d’un contrat de travail entre le travailleur et l’entreprise ayant son siège en Suisse. Les ressortissants des Etats membres UE/AELE21 n’ont pas besoin de titre de séjour pour exercer une activité lucrative en Suisse dont la durée ne dépasse pas trois mois au total par année civile22. Cette franchise des trois mois vaut tant pour le travailleur domicilié en Suisse que pour le travailleur frontalier23.
Pour exercer une activité lucrative avec prise d’emploi en Suisse, dont la durée ne dépasse pas trois mois au total par année civile, les ressortissants UE/AELE sont soumis à la procédure d’annonce24. L’annonce des travailleurs avec prise d’emploi en Suisse jusqu’à trois mois «doit s’effectuer au plus tard la veille du jour marquant le début de l’activité»25.
Tout emploi de plus de trois mois dans l’année civile nécessite une autorisation. Les ressortissants UE/AELE ont, en vertu de l’ALCP, un droit à recevoir une telle autorisation26. Par conséquent, le travailleur UE/AELE a le droit de commencer à travailler dès réception de sa demande par les autorités cantonales compétentes27. Reposant directement sur l’ALCP, ces autorisations ne sont pas soumises aux conditions des art. 18 ss LEI28.
Autorisation de quatre mois ou de 120 jours
Il s’agit d’une assurance d’autorisation, qui vaut comme autorisation de séjour et de prise d’emploi en Suisse29. Elle est délivrée par les autorités cantonales pour la durée de l’activité, telle que convenue dans le contrat de travail.
Permis L UE/AELE
Pour un emploi de plus de trois mois, mais de moins d’un an (maximum 364 jours30), une autorisation de séjour de courte durée UE/AELE (permis L UE/AELE) est délivrée pour la durée du contrat de travail31. L’autorisation peut être prolongée, en fonction de la durée du contrat de travail, jusqu’à 364 jours maximum32. Cette autorisation donne le droit de changer d’emploi ou de profession. Le passage d’une activité salariée à une activité indépendante doit être annoncé et donne lieu à une nouvelle autorisation33.
Permis B UE/AELE
Pour un emploi d’au moins un an (au moins 365 jours), une autorisation de séjour UE/AELE (permis B UE/AELE) est délivrée. Elle est valable cinq ans, prolongeable en principe pour cinq ans – pour autant que les conditions soient remplies34. Cette autorisation donne droit à changer d’emploi ou de profession ou à passer d’une activité salariée à une activité indépendante35.
Permis G UE/AELE
Les frontaliers, c’est-à-dire les travailleurs ressortissants UE/AELE, domiciliés dans un Etat UE/AELE, travaillant en Suisse et retournant chaque jour ou au moins une fois par semaine à leur domicile européen36 reçoivent une autorisation frontalière UE/AELE (permis G UE/AELE). Cette autorisation est valable cinq ans ou pour la durée de l’emploi si celui-ci est de plus de trois mois mais de moins d’un an. Elle est prolongeable pour cinq ans si le requérant apporte la preuve d’une activité économique37. Les frontaliers sont tenus d’annoncer tout changement d’emploi à l’autorité compétente de leur lieu de travail38. Le nom de l’employeur est alors modifié sur le titre de séjour39.
Permis C UE/AELE
Il existe enfin l’autorisation d’établissement UE/AELE (permis C UE/AELE), qui est de durée indéterminée40. Elle n’est toutefois pas réglée par l’ALCP. Son octroi dépend de la LEI41 et de l’OASA42. Le permis attestant de cette autorisation est établi, à des fins de contrôle, pour une période de cinq ans43.