«Conduire une équipe en utilisant ses forces permet d’augmenter la productivité de 12,5 %»
Business coach en Suisse romande depuis plus de 10 ans, Véronique Beltz vient de publier un Dossier HRM* sur la psychologie positive en organisation. Elle revient ici sur les enjeux majeurs de cette science appliquée qui en est encore à ses balbutiements.
Véronique Beltz: "Le contrat psychologique étant en plein évolution, les employés sont à la recherche de sens au travail et de tâches et emplois qui leur permettent de s’épanouir et de se réaliser." Photo: tous droits réservés
Véronique Beltz, vous venez de publier un Dossier HRM sur la psychologie positive en organisation. Pouvez-vous nous résumer ce que votre ouvrage va apporter de concret à un praticien RH?
Ce dossier sera, je l’espère, tant pour les praticiens RH que pour les cadres et dirigeants, tout d’abord une source d’inspiration pour augmenter leur bien-être et leur satisfaction au travail. Ensuite, les outils et méthodes décrits devraient leur permettre d’aborder la stratégie RH avec une perspective nouvelle. En effet, le contrat psychologique étant en plein évolution, les employés sont à la recherche de sens au travail et de tâches et emplois qui leur permettent de s’épanouir et de se réaliser. Pour gagner la guerre des talents, l’organisation doit être en mesure de créer un environnement adéquat.
La psychologie positive est une tendance qui nous vient des Etats-Unis. Ces outils doivent-ils être adaptés à la culture européenne du travail? Et si oui, comment?
Les outils et méthodes sont validés scientifiquement, ce, dans de nombreux cas pour des cultures très différentes. L’exemple de l’évaluation des forces du VIA Institute est très parlant: la classification a été testée dans de nombreuses cultures et cette classification reste valide avec de légères variations seulement dans certains pays. Il me semble que c’est bien plus lorsque l’on présente l’approche qu’il faut montrer un tant soit peu de prudence. La Psychologie Positive est appelée chez nous la science du bonheur, ce qui, pour l’instant prête souvent à sourire. Beaucoup l’associent à de la naïveté et n’y voient malheureusement pas le contenu scientifique et les applications concrètes. La recherche du bonheur véhicule également l’expression de valeurs différentes des nôtres. En créant des actions «pilotes», le praticien RH aura donc intérêt à faire preuve de prudence lors de la présentation des objectifs et de la mise en œuvre.
Comment tracez-vous la limite entre psychologie positive et thérapie?
La psychologie positive est un pan entier de la psychologie dont personne ne s’était occupé jusque dans les années 2000. La psychologie s’est en effet toujours préoccupée d’étudier les troubles et comment alléger les souffrances. La psychologie positive, elle, est définie comme étant «l’étude scientifique des conditions et processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des personnes, des groupes et des institutions». En résumé, les scientifiques du domaine de la psychologie positive orientent donc leur recherche vers les facteurs de succès et les forces. Il s’agit aussi d’augmenter le bien-être, pas uniquement d’alléger les souffrances. La thérapie elle, est un des domaines d’application de la psychologie. Il existe également différents types de thérapie dont certains qui mettent en œuvre les résultats des recherches de la psychologie positive, notamment sur les forces des individus.
Les outils proposés dans votre Dossier se focalisent sur les forces des collaborateurs. Serait-ce donc inutile d'investir de l'énergie et du temps pour corriger les dysfonctionnements et les points faibles des collaborateurs?
Le fait de connaître ses forces et de les mettre en action permet d’être plus heureux, plus motivé et plus efficace. Les études montrent que le fait de conduire une équipe en utilisant les forces des personnes permet d’augmenter la productivité de 12,5 %. Dans une organisation, on ne peut évidemment pas ignorer les dysfonctionnement mais le fait de prendre une perspective plus bienveillante permet d’aider chacun à mieux trouver sa place. Une analogie amusante: deux de mes nièces sont jumelles, l’une est gauchère, l’autre est droitière. Lorsque tout la famille agrandie est réunie lors des fêtes de Noël, il ne viendrait à l’idée de personne de faire manger la gauchère avec la main droite sous prétexte que c’est une faiblesse par rapport à sa sœur, ses cousins ou le reste de la famille. Au contraire, elles ont toutes les deux trouvé leur place en bout de table, la gauchère à gauche, la droitière à droite et tout le monde a plus de place! Il s’agit pour chacun avec ses particularités et ses forces de trouver sa place…
En proposant aux collaborateurs de se concentrer sur leurs forces, n'êtes vous pas en train de déresponsabiliser les entreprises qui sont aussi à l'origine de nombreux dysfonctionnements, notamment par des mauvaises organisations du travail et la toxicité de certains managers?
Et bien non, justement. Il faut responsabiliser l’entreprise et les cadres et aider les employés à acquérir plus d’autonomie. C’est la prise de conscience de cette co-responsabilité qui permet d’augmenter d’une part la satisfaction des uns et des autres, d’autre part l’efficacité de l’organisation et la productivité des individus.
Vous conseillez de nombreux DRH et managers sur ces sujets. Quels sont les outils qui sont les plus appréciés par ces deux publics cibles?
Le ratio d’épanouissement des individus (1-3) et des équipes (1-6) est très apprécié car il est simple à comprendre et à mettre en œuvre. En effet, pour qu’un individu s’épanouisse, il lui faut éprouver trois émotions positives (admiration, joie, espoir, etc…) pour chaque émotion négative éprouvée (colère, ressentiment, jalousie, peur, etc…). Pour qu’une équipe améliore sa performance, il faut que, lors de débats, que les commentaires négatifs soient au nombre de seulement un pour six commentaires positifs. Les cadres comprennent en général très vite comment utiliser ces connaissances, surtout lorsqu’ils ont dans leur équipe une personne dite «négative» qui voit de manière consistante le verre à moitié vide et risque de saper toute tentative de recherche de solution par le reste de l’équipe.
Véronique Beltz
Véronique Beltz est la créatrice de People Edge Coaching & Consulting (www.peopleedge.ch), elle est la directrice du programme «Diplôme Coach Interne People Edge» (http://coachinterne.wordpress.com/). Elle est membre de l’IPPA (International Positive Psychology Association), elle est certifiée Professional Certified Coach par l’ICF (International Coach Federation) et ancienne membre du board de ICF Allemagne. Après des études d’économie d’entreprise dans des Universités françaises et espagnoles, la première partie de sa carrière s’est déroulée dans le marketing, en Angleterre et en Allemagne.
* Dossier HRM 29
Véronique Beltz: La psychologie positive entre dans l'organisation. Nouveaux leviers de satisfaction et de motivation. Dossier HRM n° 29, éd. Jobindex media ag. Disponible dans notre librairie en ligne.