Regards

De quel bois sera fait le leader de demain?

Selon une étude menée par l’IDHEAP, le leader de 
demain devra maîtriser la complexité avec des ressources 
restreintes. Il devra aussi agir en «entrepreneur» 
dans un monde de plus en plus dominé par les réseaux.

La question ne cesse de préoccuper la communauté RH de Suisse romande. Qui faut-il choisir pour nous tirer de cette crise et nous emmener vers les Eldorados de demain? En collaboration avec la société de conseil Vicario Consulting SA, une petite équipe de chercheurs de l’IDHEAP, sous la direction du professeur de GRH Yves Emery et de Koorosh Massoudi, maître enseignant en psychologie à l’Université de Lausanne, ont tenté d’y répondre. Cette enquête, intitulée «Le leadership dans une société en réseau» est le fruit d’une vingtaine d’entretiens avec des CEO, DRH et responsables du développement du personnel de sociétés publiques et privées de Suisse. Les résultats ont été dévoilés en primeur aux participants de l’étude lors d’une conférence-débat le 8 novembre 2012 à Lausanne. Nous vous livrons ici les premiers résultats.

A l’aise dans les réseaux

Le leader de demain devra comprendre et tirer profit des dynamiques de réseaux. Ce constat revient dans toutes les bouches. A l’interne, ces réseaux sont un comité de direction composé d’experts et de spécialistes. Il s’agit aussi de décloisonner les départements pour passer d’un mode de fonctionnement en silos vers une organisation plus ouverte. «D’une logique de «territoire» du style gentlemen agreement: «Tu ne te mêles pas de mes affaires et je te laisse aussi tranquille», nous sommes passés à plus d’échanges et à une volonté de remise en question», note Philippe Hebeisen, CEO de la Vaudoise Assurances, qui a participé à l’étude.

Les réseaux externes comptent aussi de plus en plus. Il s’agit d’être à l’écoute des partenaires de l’entreprise: ses bailleurs de fonds, ses clients ou ses fournisseurs par exemple. Selon un DRH, «nos managers doivent être capables de voir les coopérations et les synergies possibles, même avec des concurrents. Ils doivent lâcher leurs concepts traditionnels et sortir des chemins battus pour multiplier les canaux de vente.» Mais ce mode de fonctionnement en réseau a aussi ses limites. «Si les décisions doivent désormais être prises à plusieurs, la responsabilité en cas d’erreur repose toujours sur les seules épaules du directeur», note un participant au débat du 8 novembre.

Agir comme un patron de PME

L’implication personnelle et la dimension entrepreneuriale du leader sont deux autres traits forts qui ressortent de l’enquête. Dans un environnement économique difficile, le bon leader devra savoir faire plus avec moins. Il devra donc agir comme un patron de PME afin de trouver des solutions innovantes. «Un manager ne peut plus se permettre de rester dans sa tour d’ivoire. Il doit aller au contact des clients externes et internes, afin de vraiment les connaître et comprendre leurs besoins», explique un directeur. Selon un autre témoignage, il devra «être dans l’authenticité et réagir de manière adéquate indépendamment des techniques apprises, mais avec une réelle sincérité».

Créer des relations de confiance

Cette dimension entrepreneuriale implique également de bonnes compétences relationnelles. Puisqu’il doit agir dans un monde en réseau, le leader du futur devra savoir travailler avec des acteurs d’horizons divers et créer des relations de confiance avec eux. Les rapports de force entre les niveaux hiérarchiques, surtout depuis l’arrivée de la génération Y, ont changé. Au lieu d’imposer, il faut savoir expliquer et impliquer. «Les 360°, les enquêtes de satisfaction, la pénurie de spécialistes, les moyens de communication ont changé les règles du jeu: les managers doivent désormais considérer les besoins des collaborateurs, surtout celui d’être reconnu», détaille un chef d’entreprise.

Capacité de dialogue et de synthèse

Gérer la complexité sera clé également. Un manager n’est plus sensé être spécialiste de tous les domaines de son entreprise. Par contre, il doit assurer une vue d’ensemble et comprendre les dynamiques parfois contradictoires qui la traversent. C’est là que la pensée systémique devient un atout. Les situations risquent de devenir de plus en plus ambiguës. Cela implique une bonne capacité de dialogue et de synthèse. Sur le terrain, cette gestion de la complexité semble pourtant moins évidente, comme l’évoque ce témoin: «La conscience de la complexité est là, ainsi que les instruments RH, mais dans la pratique, ce n’est pas encore vraiment vécu partout.»

Avoir une bonne hygiène de vie

Enfin, le leader de demain devra avoir un bon équilibre de vie. Cela implique une capacité à se remettre en question et à développer ses compétences par de la formation continue. Cette hygiène de vie exige également de savoir lâcher prise. Le leader doit quitter l’habit du monarque absolu afin de porter une vision qui sera atteinte par toute son équipe. Il faut donc savoir déléguer, contrôler et motiver. Mais aussi reconnaître ses limites et les communiquer au reste de l’équipe. Il devra aussi savoir trier l’essentiel de l’accessoire et disposer d’une bonne gestion du temps. Un participant relève enfin que «la santé devient de plus en plus importante dans une société vieillissante». Il faudra donc se maintenir en forme et veiller à la santé de ses collaborateurs.

Nouvelles pratiques

«Les épouses viennent aussi à l’entretien»

Comment faire pour éviter une erreur de cas-ting? Les participants à la table ronde sur le leadership dans un monde de réseau (voir ci-contre) ont tous avoué s’être «plantés» au 
moins une fois. Quels sont leurs trucs pour éviter ces couacs? Tous passent les candidats dans la moulinette d’un assessment qui sera ensuite suivi par plusieurs entretiens en tête à tête. «Aux TPG, glisse le directeur Philippe Bozon, nous invitons les épouses des conducteurs  pour s’assurer que ces dernières connaissent et acceptent les conditions de travail (de nuit, le weekend, horaires irréguliers, etc.). Nous savons bien que ces conditions de travail vont affecter la vie de famille du candidat. C‘est donc normal que le conjoint soit impliqué dans la décision.»

Un certificat de qualité pour les assesseurs

Le centre de compétences Swiss Assessment a distribué en novembre 2012 ses premières certifications de qualité. Ces labels sont sensés assurer une qualité exemplaire. La certification passe en revue tout le processus: de la clarification du profil recherché à la validation des 
résultats. Parmi les sept premiers certifiés de Suisse, une seule société est établie en Suisse romande: Vicario Consulting SA dont le siège est à Lausanne (voir aussi ci-contre). Les sociétés suisses alémaniques sont: Avenir Suisse, adt zurich, l’Académie militaire de l’EPFZ MILAK, MPW Beratungsteam SA, les CFF et Cedac SA. Swiss Assessment, créé en 2008 sous l’acronyme AKAC, est un collectif composé de prestataires, de grandes entreprises et de hautes écoles tous spécialisés dans l’Assessment.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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