Des pistes pour renforcer la posture RH par les chiffres
La longue quête de légitimité de la Fonction RH passe sans doute par une meilleure maîtrise de ses chiffres. Tour d’horizon des chantiers à venir.
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La fonction RH est un centre de coût avant d’être un centre de profit. Cette formule colle à la peau de la fonction RH malgré les nombreux efforts consentis ces dernières années pour changer sa posture. Responsable des salaires, et donc des coûts les plus lourds d’une entreprise (environ deux tiers des charges totales), la Fonction RH peine à démontrer sa valeur ajoutée de manière chiffrée. Et dans une économie sous le joug des financiers, cette difficulté à prouver par le chiffre est devenue un vrai handicap. Nous vous proposons ici quelques pistes pour sortir de l’impasse.
Définitions et méthodes
La première pierre d’achoppement est sans doute un manque de clarté dans les définitions. Qu’est-ce qu’un bon indicateur? «Il doit être calculable, défini et viable dans le temps», note le conseiller en leadership et RH Maxime Morand, ancien DRH de la banque Lombard Odier, qui milite depuis longtemps pour que les RH reprennent le pouvoir sur leurs chiffres. «Mais ce travail de définition implique avant tout un travail sur les valeurs et les missions de l’entreprise», poursuit-il. «Comment souhaitez-vous recruter, récompenser, quels sont vos objectifs, quels sont vos valeurs et vos risques?». Les réponses à ces questions vont permettre de clarifier et de choisir les indicateurs les plus pertinents pour chaque organisation.
Une fois les indicateurs définis et la méthode de calcul clarifiée (voir l’encadré ci-contre), arrive l’étape deux: la mise en place d’un benchmark. Un chiffre n’est parlant que s’il est comparable. Par exemple, un taux de rotation inférieur à 5 % ou supérieur à 15 % est un signal d’alerte. S’il reste entre ces deux référentiels, on peut le considérer comme sain. Mais là aussi, cela va dépendre de la raison d’être de l’organisation. Une banque privée genevoise n’aura pas le même benchmark qu’une PME active dans la construction.
Diagnostiquer les risques et segmentation
Ce tableau de bord RH devient ensuite un outil pour diagnostiquer les risques humains de l’entreprise. Chez Loyco (prestataire de services RH et financiers), ce diagnostic des risques humains participe à la valeur ajoutée de leurs services. Data scientist chez Loyco, Alessandra Chezzi explique: «Nous produisons des rapports très détaillés qui permettent à nos clients de suivre leur absentéisme, leur taux de rotation, l’ancienneté et les coûts moyens par employé par exemple. Nous comparons ensuite les chiffres de chaque unité de l’entreprise afin d’avoir un diagnostic plus fin et donc plus parlant. Ces alertes chiffrées vont permettre de mettre le doigt sur les causes réelles qui peuvent être un manque de communication, un problème dans la politique de rémunération ou dans l’organisation du travail.»
La segmentation des populations dans l’entreprise est également déterminante pour faire parler les chiffres. Un taux de rotation élevé est par exemple difficile à analyser sans tenir compte des différentes tranches d’âge du personnel. Les jeunes de 25 à 35 ans changent d’employeur plus facilement. Un turnover élevé dans cette tranche d’âge sera donc moins grave qu’un turnover élevé chez les 40 à 50 ans, qui sont en général plus stables.
Changer la culture par le chiffre
Avoir des indicateurs fiables ne suffit pourtant pas. Tous les spécialistes interrogés pour ce dossier s’accordent sur ce point: le but est de créer une culture du dialogue et du feed-back critique basé sur ces indicateurs chiffrés. En définitive, le vrai changement organisationnel arrivera quand les cadres utiliseront les indicateurs RH pour dialoguer avec leurs équipes. «Notre rôle est de donner un support fiable aux responsables RH afin qu’ils puissent comprendre les vrais enjeux derrière ces chiffres», conclut Alessandra Chezzi.
La création d’un benchmark romand des indicateurs RH
Le Groupe T2i (société valaisanne éditrice de logiciels administratifs et RH) essaie depuis le printemps 2016 de mettre sur pied un benchmark romand des indicateurs RH. Le lancement de cette initiative a eu lieu début juin 2016 au Musée Olympique de Lausanne devant une quinzaine de responsables RH. Le comité de pilotage de ce projet est composé du conseiller en leadership et RH Maxime Morand, de la professeur de GRH à la HES-SO Valais Alexandra Hugo et de Marc Benninger, rédacteur en chef de la version française d’HR Today. «Les Chief Financial Officers ont pris le pouvoir dans les organisations, car ce sont eux qui tiennent les rênes des centres de coûts et de profits. Pourquoi? Parce que les DRH ne maîtrisent pas leurs chiffres», a tonné Maxime Morand dans son introduction. Cette faible maîtrise des chiffres s’explique notamment par le flou qui règne dans la communauté RH sur les méthodes de calcul des indicateurs. «Personne ne calcule l’absentéisme ou le taux de rotation de la même manière. Notre intention est de trouver un consensus dans la communauté RH sur quelques indicateurs de base», a poursuivi Maxime Morand.
Les cinq indicateurs retenus lors de cette première séance sont:
- Les effectifs (avec deux méthodes de calcul: effectifs totaux le 31 décembre à 23h59 et le 1er janvier à 24h15). Distinctions: effectifs en production, effectifs en formation. Indicateur supplémentaire: le pourcentage de travailleurs temporaires, de CDD et d’apprentis.
- Le taux de rotation brut (tous les départs, y compris les décès et les départs à la retraite). Le taux de rotation net (uniquement les départs non souhaités, les accords de départ non-compris).
- L’absentéisme en pour cent en francs et en jours moyens.
- L’âge moyen (homme et femme).
- L’ancienneté moyenne (homme et femme).
A terme, les entreprises qui participent à ce projet auront donc un point de comparaison fiable avec d’autres entreprises et d’autres secteurs d’activité de Suisse romande. Si vous souhaitez participer à ce benchmark, merci d’écrire un mail à Marion.Sanchez@groupe-t2i.com