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DRH: prendre position ou disparaître

Avez-vous vu ces DRH ulcérés dénoncer sur internet la tentation de certaines entreprises américaines de se passer totalement de DRH? Un scandale, dénoncent les uns! Une ineptie, ajoutent les autres! Mais comment en est-on arrivé là? Comment expliquer que la fonction RH reste encore si souvent remise en question? 

Beaucoup de DRH se trompent aujourd’hui de combat: ils suivent les tendances psychosociales RH alors que l’enjeu est d’imposer une vision stratégique et d’assumer une véritable posture de dirigeant. Malheureusement, encore trop de DRH préfèrent ne pas prendre de position. Ils esquivent les décisions clivantes, adoptent une posture de neutralité prudente et se réfugient derrière des discours bienveillants. Mais cette posture leur coûte cher: ils perdent en influence et sont exclus des discussions stratégiques. 

Pourquoi tant d'hésitation de la part des DRH? Parce que chaque prise de position est un risque. Se ranger du côté des salariés, c'est prendre le risque d'être perçu comme un militant syndical et perdre son influence du côté des patrons. Se positionner aux côtés des dirigeants, c'est s'exposer à la méfiance des employés et être taxé de complicité par les syndicats. Dès lors, quelle posture adopter pour le DRH lorsqu’il est certain de se faire piéger soit d’un côté soit de l’autre? 

Un positionnement ambigu mais inévitable 

L'entreprise est une machine économique, guidée par des impératifs de croissance, de rentabilité et de compétitivité. Dans ce cadre, il apparaît évident que le DRH doit faire partie de l'équipe dirigeante, car il contribue à la stratégie de l’entreprise et à son déploiement. Pourtant, cette appartenance ne signifie pas pour autant qu'il doive se détacher des salariés, ni devenir le simple relais des décisions stratégiques. Il doit incarner un rôle plus nuancé: celui de facilitateur, de passeur entre les enjeux humains et les enjeux business, capable de réconcilier ces deux dimensions pour maximiser la performance collective. 

Un DRH qui veut se positionner stratégiquement doit sortir d’une approche purement fonctionnelle et adopter une vision plus globale de l’entreprise. Cela implique de développer des leviers d’influence et des solutions concrètes, parmi lesquelles: 

1. Avoir un code éthique sans faille et du courage: le DRH ne peut fermer les yeux sur les dérives managériales, le harcèlement ou les comportements toxiques. Il doit être intransigeant sur ces questions et impitoyable avec les responsables, car tout finit par se savoir. Sa crédibilité et sa légitimité en dépendent. 

2. Développer une vision et la communiquer: le DRH doit aller au-delà des discours convenus et proposer une feuille de route alignée sur les enjeux stratégiques de l’entreprise. Il doit être capable de projeter l'organisation vers l'avenir et d'incarner cette ambition de manière crédible aux yeux de tous, tant en interne qu’en externe. 

3. Construire un réseau externe solide: absorbés par l’opérationnel, beaucoup de DRH peinent à prendre de la hauteur. Un DRH influent doit se créer un réseau externe solide: cercles de dirigeants, associations professionnelles, réseaux économiques, chasseurs de têtes... autant de relais indispensables pour garder une vision élargie, capter les signaux faibles et rester dans le jeu. 

4. Disposer d’une garde rapprochée interne fiable: identifier et fédérer des alliés en interne (managers influents, leaders informels, partenaires stratégiques) est essentiel pour asseoir sa légitimité et relayer efficacement ses actions. Connaître ses détracteurs est également essentiel... Passer du temps avec les récalcitrants, les convaincre... ou les éloigner du siège pour les neutraliser. 

Confidentialité et discours managérial: les clés de la réussite

Un autre facteur décisif dans la réussite d'un DRH est sa gestion de la confidentialité et sa capacité à porter un discours stratégique. Il ne suffit pas d'avoir raison, encore faut-il savoir comment faire passer le message. Un DRH doit maîtriser l'art de la narration managériale: structurer ses interventions et savoir imposer sa vision RH au service de l’entreprise. Dans un comité exécutif où les jeux de pouvoir sont omniprésents, savoir quand parler et quand se taire est une compétence aussi précieuse que la maîtrise des chiffres. 

Le confident du CEO: la clé du succès 

Lorsqu'il maîtrise cet équilibre et cette vision à la perfection, le DRH devient bien plus qu'un expert RH: il devient un conseiller stratégique du CEO. C'est souvent lui qui, par sa compréhension fine des enjeux internes et son regard sur l'humain, murmure à l'oreille du dirigeant. Cette relation privilégiée lui permet de peser directement sur la stratégie de l'entreprise, tout en veillant à ce que les comportements déviants soient identifiés et traités sans concession. 

Il est temps pour les DRH de sortir de leur posture d'exécution et de se positionner comme des leaders à part entière. Car l'influence ne se donne pas, elle se construit. 

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Romain Chevalot s’appuie sur 20 ans d’expérience en Ressources Humaines et dans l’accompagnement de cadres dirigeants. Fort de ses responsabilités au sein de comités exécutifs, il a développé une perspective unique sur l’analyse des organisations et leurs dynamiques. Diplômé de l’IMD et formé au coaching de cadres dirigeants, il partage aujourd’hui sa vision à travers des missions de conseil et d’accompagnement. 

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Depuis plus de 25 ans, Bernard Radon a collaboré avec plus de 600 cadres dirigeants, construisant une expertise solide dans les domaines du leadership et du management. Auteur reconnu et observateur des luttes de pouvoir au sein des organisations, il propose une réflexion pragmatique et des outils innovants. Son travail met en lumière des perspectives stratégiques, offrant une approche singulière pour ceux qui cherchent à naviguer dans les complexités organisationnelles.

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