Génération fragile: un déficit de résilience menace les jeunes professionnels
Le message est clair. Les habitudes des professionnels de moins de 30 ans, les femmes en particulier, ne soutiennent pas suffisamment leur résilience. C'est un appel à l'action pour les dirigeants et responsables RH: répondre efficacement aux besoins et aux aspirations de ces futurs leaders, en renforçant les compétences de résilience, cruciales pour libérer leur créativité et contribuer à une ambition commune.
Photo: Ivan Samkov / Pexels
Alors que certains jeunes s’épanouissent, beaucoup se débattent avec l’(éco)-anxiété, la violence et l’isolement. L’enquête omnibus réalisée en automne 2022 par l’Observatoire suisse de la Santé (1) souligne que la population jeune présente toujours davantage de problèmes psychiques qu’avant la pandémie. Une étude publiée par Gallup (2) indique que le niveau de stress ne cesse de croître depuis plusieurs années, avec 44% des participants affirmant avoir ressenti une pression forte le jour précédent.
Quelles solutions apporter dans nos organisations? Comment mobiliser les dirigeants et les conscientiser sur ces questions? Comment soutenir les plus fragiles? Autant de questions qui ne peuvent être évincées à l’heure où toutes les énergies doivent être fédérées pour relever les défis d’un monde en pleine transformation. De façon pragmatique, il s’agit aussi d’intégrer ces réflexions dans le cadre de la gestion des risques. Le classement réalisé récemment par le cabinet AON (3) insiste sur les risques liés au capital humain qui méritent une attention soutenue dans un contexte de compétition pour attirer et retenir les talents.
Ce que nous mesurons, nous pouvons l’améliorer!
Le Resilience Institute a publié en juin 2023 son rapport de résilience global (4), une étude annuelle qui examine les tendances de résilience auprès d’un échantillon de 8165 professionnels qui ont réalisé un Diagnostic de Résilience en 2022. La recherche met en évidence l’urgence d’adresser les niveaux de résilience particulièrement bas chez les jeunes de moins de 30 ans – en particulier les jeunes femmes.
Plus d’une jeune femme sur 5 est en déficit de résilience
Le rapport global confirme que le Ratio de Résilience moyen auprès de l’échantillon de 8165 personnes est à 1,67. C’est le niveau le plus bas mesuré depuis 2019.
Les moins de 30 ans ont les scores de résilience plus bas que toutes les autres tranches d’âge, avec des risques accrus pour ce qui relève de l’anxiété, les ruminations, l’ennui et l’indécision. Les données soulignent que les moins de 30 ans, et en particulier les femmes, sont plus exposés à des symptômes de dépression que leurs collègues plus âgés.
C’est aussi dans cette population que le pourcentage de personnes fragiles – avec un ratio de résilience inférieur à 1 – est le plus élevé. Alors que cela concerne 11% des plus de 30 ans, la proportion est de 18% chez leurs jeunes collègues. La situation est particulièrement préoccupante chez les jeunes femmes: 21% d’entre elles ne sont pas suffisamment équipées en matière de résilience.
Nos recherches du Resilience Institute ont systématiquement montré que les scores de résilience des femmes étaient généralement inférieurs à ceux des hommes. En 2022, cette différence s’est renforcée – en particulier chez les jeunes. En 2021, les femmes de moins de 30 ans avaient un ratio de résilience de 7% inférieur à celui de leurs pairs masculins. En 2022, l’écart s’est creusé et atteint 10%. Les jeunes participantes obtiennent des scores nettement plus faibles que leurs pairs masculins en matière de rebond, de forme physique et de capacité à créer du calme. Elles présentent aussi des risques plus élevés en matière d’anxiété, de symptômes chroniques ou encore de doute de soi.
Raisons systémiques, solutions multifactorielles
L’utilisation des réseaux sociaux et des écrans serait-elle la cause majeure de cette situation? S’agit-il plutôt d’une quête de sens, du désarroi face à la crise environnementale ou de la morosité ambiante? Nous ne pouvons que formuler des hypothèses. Les effets post-COVID, l’inquiétude face aux changements climatiques et le télétravail peuvent être mis en cause, sans qu’il n’y ait de certitude sur leur impact réel.
Le tableau n’est pas que sombre. Il y a aussi des raisons de se réjouir en notant les forces de cette génération, dans les domaines relatifs à la vitalité, l’empathie ou encore la capacité de prendre du temps pour la relaxation ce qui contribue à soutenir la résilience et le bien-être. Voici quelques recommandations pour les leaders:
- Engager la conversation sur ces sujets, informer et conscientiser les membres du Conseil d’administration et des Comités exécutifs.
- Mesurer régulièrement le niveau de résilience des collaborateurs·rices et générer des enseignements pour cibler de façon pertinente les plans de formations.
- Intégrer une composante «Résilience» dans les programmes de onboarding.
- Former les responsables et managers afin qu’ils puissent détecter les signaux d’alerte au sein de leurs équipes.
- Interroger les jeunes sur ce qui contribue à leur épanouissement au travail et opérer les ajustements nécessaires.
- Démontrer compréhension et disponibilité. Se sentir compris·e favorise l’engagement et la résilience.
- Mettre en place un système de soutien mutuel («resilience buddy»).
Les solutions doivent être à la hauteur des enjeux. La résilience est un muscle qui peut être entraîné. Il convient de compenser auprès des jeunes ce que les années d’expériences ne leur ont pas encore enseigné.
(1) OBSAN, Enquête Omnibus sur la santé psychique (2022) https://www.obsan.admin.ch/ fr/publications/2023-psychische-gesundheit-erhebung-herbst-2022
(2) GALLUP, State of the Global Workplace (2023) https://www.gallup.com/workplace/349484/state-of-the-global-workplace.a…
(3) Classement AON 2021 https://www.aon.com/2021-global-risk-management-survey/index.html
(4) RESILIENCE INSTITUTE, 2023 Global Resilience Report - https://resiliencei.com/report/report2023?utm_source=team_alexia&utm_me…