Made in USA (IV)

«Good Job!»

L’expression que nous allons évoquer aujourd’hui est probablement l’une des plus connues de la culture américaine. Ici, «sky is the limit» et l’esprit des premiers pionniers imprègnent fortement la façon dont les Américains pensent, travaillent et construisent leur avenir.
Pour un Européen, les premiers contacts avec la «good job attitude» peut surprendre. Alors que notre culture est souvent faite de doute, de remise en question, voire parfois de frustration, l’approche américaine est bien différente: le développement passe par la reconnaissance de ce qui est bien fait. Et cela commence très tôt.
 
A l’école, l’encouragement est partout, et gare au prof expatrié qui corrige des copies en rouge. Il sera vite repris par ses collègues. Alors que certains systèmes d’enseignement basent l’évaluation sur la punition, la mauvaise note et la critique, la version US prend une direction opposée, où chaque action peut – voire doit – générer une appréciation positive. En quelques mois, mes deux petits garçons ont ainsi complètement changé. Que ce soit une leçon d’anglais, un cours de dessin ou une leçon de Taekwondo, partout ils se retrouvent entourés de ces félicitations toujours bienvenues, et – ce qui est le plus surprenant – jamais artificielles. Et le «pire», c’est que ça marche!
 
Marqués par cette approche dès le plus jeune âge, les Américains transfèrent ce modèle dans l’entreprise. Au début, l’Européen sceptique n’y voit que des faux semblants et un esprit positif de façade. Mais après quelques mois, des dizaines de meetings, des milliers de «good job» et de plus en plus de discussions, il se rend compte que ces deux mots à eux seuls «boostent» la performance. Je me surprends d’ailleurs même à me prendre au jeu, positivement, et à en mesurer l’impact positif sur mes collègues. Même la critique constructive doit comporter du positif. Cela permet de rebondir, d’accepter le message mais aussi de rester «focused» sur ce que l’on fait de bien. Entre le verre à moitié plein et celui à moitié vide, il est clair que l’entreprise US a choisi.
 
Je pourrais m’arrêter ici, et conclure en admirant l’énergie créée par la «good job attitude». Mais on ne se renie pas. Et quand j’y regarde de plus près, le système a peut-être une faille. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui le dit. Ce constat vient de quelques échanges avec des collègues et des amis américains. Et il commence par une lapalissade: «Quand on dit du bien, c’est qu’on ne dit pas du mal». Mais la question qui arrive tout de suite
après, c’est: «Mais quand il y a vraiment un point négatif à soulever, un doute à émettre, ou un malaise à communiquer, on fait quoi?». Et bien, trop souvent, on se tait...
 
C’est ainsi que l’attitude positive américaine considèrera toute remise en cause, aussi mineure soit-elle, comme une menace. Ou pire comme une agression. En exprimant des doutes, un individu devient culturellement suspect. Mais il peut y avoir plus dangereux. Imaginez-donc un leader entouré de messagers positifs. En s’appuyant sur les feedbacks de ses équipes, tout lui paraîtra aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Et parfois, cela peut mener à des catastrophes. Parce que le - vrai - problème est resté non pas ignoré (tout le monde l’a bien vu) mais caché...
 
Il m’a fallu plusieurs meetings pour entendre une personne me dire: «A toi je peux le dire, il y a un problème dont je dois te parler». Ceci n’était pas dû au fait que je sois meilleur ou que je prenne plus de temps pour écouter cette personne. Non. Ceci était simplement dû à une différence culturelle qui fait que le commentaire négatif ne m’apparaît pas comme une menace. C’est donc sur cet aspect que des équipes multiculturelles peuvent s’entraider et se renforcer. L’une apportant l’énergie de la «good job attitude», l’autre servant de vigie pour que l’esprit positif ne se transforme pas en aveuglement. Et ainsi tout le monde gagne. «Good job!»
commenter 0 commentaires HR Cosmos

Serge Panczuk est Vice President Human Resources International chez Edwars Lifesciences.

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