Les décisions difficiles du DRH

Je décide, donc je suis

Vous avez parfois de la peine à vous décider? Il y aura bien un coach ou un site internet pour vous expliquer comment décider vite et bien. Mais avez-vous vraiment besoin de conseils? Pas sûr.

Comment prendre de bonnes décisions? Vous avez certainement déjà rencontré des gens prêts à vous donner des conseils. En principe, ce n’est pas ce qui manque. Une rapide recherche via Google le prouve: si vous introduisez la question «comment prendre de bonnes décisions?», vous obtenez plusieurs centaines de milliers de pages truffées de conseils tous plus judicieux les uns que les autres. Et si vous tapez «comment prendre des décisions plus facilement?», le moteur de recherche en répertorie carrément plus de 175 millions!
 
Une offre d’une telle profusion a de quoi interpeller. A quelle attente répond-elle? Peut-être le public est-il friand de conseils parce que cela le conforte dans l’idée rassurante qu’il n’est pas nécessaire de réfléchir et qu’il suffit simplement de trouver la personne qui sait quoi faire? En tous les cas, vérification faite, le contenu de ces pages n’a rien de bousculant. La plupart des astuces sentent le déjà-vu. Un truc classique consiste par exemple à prendre une feuille de papier, à noter les avantages et les inconvénients de chaque option dans des colonnes séparées, à faire la somme des points et à constater par vous-même au vu du résultat quelle est logiquement la solution qui s’impose.
 

Implications impossibles à prévoir

«Pour prendre LA bonne décision, le mieux est de comparer objectivement les effets positifs et les effets négatifs qu’elle entraînera», lit-on sous la plume d’un coach spécialisé. Interrogé par mail, le consultant américain Ed Batista, diplômé de la Stanford school of business, en Californie, se montre sceptique: est-il possible de connaître les conséquences négatives et positives d’une décision avant de l’avoir prise? «Les implications sont souvent difficiles à hiérarchiser et les variables trop nombreuses. Il n’est pas possible de savoir à l’avance quels seront les meilleurs choix de carrière, par exemple», écrit-il.
 
D’autre part, ces bons conseils présentent parfois un aspect contradictoire, proche de la double contrainte. En effet, les mêmes experts vous recommandent tantôt de rester rationnel, tantôt de ne pas trop réfléchir. Le site boostermonentreprise.com affirme par exemple que «vous ne devez pas vous appuyer sur ce qui a fonctionné dans le passé», avant d’ajouter qu’il faut néanmoins «apprendre du passé pour éviter de refaire les mêmes erreurs». Le sommet semble être atteint lorsque vous tombez sur le livre de la conférencière et coach québécoise Isabelle Fontaine, «Développez votre intuition pour prendre de meilleures décisions», où l’on vous conseille de ne pas vous embarrasser de conseils inutiles. La boucle est bouclée, vous ne savez plus quoi penser.
 
Si personne ne semble capable de vous dire comment faire concrètement pour rester rationnel sans trop réfléchir, il est en revanche fréquemment expliqué que si vous voulez arriver à prendre la bonne décision, vous devriez commencer par analyser ce qui vous retient de prendre parti. Avez-vous peur de commettre une erreur, de louper une opportunité, de décevoir les gens que vous aimez, par exemple? Oui, mais une fois que vous saurez exactement de quoi vous avez peur, cesserez-vous d’avoir peur? Ed Batista en doute. Cela ne signifie pas qu’il faut mépriser ces conseils. Au fond, ils ont peut-être tous quelque chose de bon. Prenez le site boostermonntreprise.com. Lorsqu’il vous enjoint de «chercher ce qui va fonctionner à l’avenir au lieu de vous appuyer sur ce qui a fonctionné dans le passé», il pourrait tout aussi bien soutenir l’inverse: c’est très bien de s’intéresser à ce qui a déjà fonctionné, puisque cela permet d’essayer de le reproduire!
 

Comprendre le processus intérieur

Certains consultants formés en psychologie ont adopté une tout autre approche: au lieu de donner des conseils aux managers qui viennent les consulter, ils préfèrent poser des questions. Ils estiment que lorsque nous ne savons pas quoi faire, ce n’est pas des réponses qu’il faut trouver, mais les bonnes questions, celles qui nous aideront à décider. Le but de la démarche est de comprendre le processus intérieur qui aboutit à une prise de décision. Ces psychologues vous demanderont donc par exemple: «Quelle bonne décision avez-vous déjà prise dans le passé?», «A quel moment avez-vous senti que vous étiez prêt à prendre cette bonne décision?» Puis: «A quoi verrez- vous, lorsque vous aurez pris votre décision, que c’est la bonne?»
 
Partant de cette approche, le Club alpin suisse a développé une méthode d’aide à la décision. A la base, il s’agissait de répondre à une nécessité impérative: celle de réduire le nombre d’accidents de montagne imputables à des choix malheureux. Les auteurs ont dressé une liste de questions permettant d’identifier le sentiment intérieur qui correspond au moment où l’on est en pleine possession de ses moyens. Par exemple: «Quelles ont été les trois meilleures décisions que vous avez prises jusqu’ici? Comment avez-vous fait pour les prendre? Sur le moment, comment avez-vous su que votre décision était adaptée?». Avec une seconde série de questions et en utilisant une échelle allant de 1 à 10, le chiffre maximum correspondant à la pleine maîtrise de soi, il est possible d’affiner cette première perception. «Lorsque vous êtes à 10, quels sont les pensées et sentiments qui surgissent typiquement? Que faites-vous dans ces moments-là? A quoi les autres voient-ils que vous êtes dans cet état? Que pourriez-vous faire pour l’atteindre à nouveau? Etc.»
 

Nous argumentons a posteriori

Parfois, il peut s’avérer utile de poser cette question avant toute chose: «Qu’entendez-vous par bonne décision?» Il arrive en effet qu’un choix qui paraissait être le bon entraîne un résultat très éloigné du but espéré. Faut-il en déduire a posteriori que c’était en fait une erreur? En réalité, cela dépend de ce à quoi l’on s’intéresse: la décision, ou le résultat? A ce propos, des chercheurs ont démontré que si, après coup, nous sommes généralement capables de justifier nos décisions, nos arguments sont souvent fabriqués précisément a posteriori.
 
Dans cet exercice difficile qui consiste à assumer nos choix, il n’existe aucun centre de référence extérieur sur lequel nous pourrions nous décharger de notre responsabilité. C’est du moins le propos défendu par l’écrivain et philosophe Jean-Paul Sartre. L’homme, déclarait-il, est «condamné à être libre». Condamné, parce qu’il n’a pas choisi d’être sur Terre, et en même temps libre, parce qu’il est responsable de tout ce qu’il fait ici-bas. Même si vous n’avez fait que suivre le conseil de quelqu’un, vous ne pourriez pas en tirer prétexte, car vous n’avez certainement pas choisi cette personne au hasard, écrivait-il dans «L’existentialisme est un humanisme». «Vous êtes libre: choisissez, c’est-à-dire inventez!», concluait-il.
 

Les recettes des entrepreneurs qui ont réussi

Quel est le point commun entre le PDG de Virgin Richard Branson, l’acteur Arnold Schwarzenegger et le bassiste du groupe Kiss Gene Simmons? Tous trois ont tenté d’expliquer au plus grand nombre les clés de leur succès. Leurs conseils font la part belle à l’intuition, à l’instinct, à cette prescience fulgurante que les anglo-saxons nomment gut feeling. Sur le Journal du Net et le site www.revolutionnezvotrecarriere. com, Richard Branson donne sa recette en cinq points:

  1. Ne pas agir sous le coup de l’émotion, prendre un peu de distance et collecter des arguments. 
  2. Anticiper ce qui pourrait poser problème: il faut rechercher les inconvénients d’une décision «pour la rendre encore meilleure».
  3. Envisager la situation de manière globale, en prenant en considération l’impact de la décision sur les projets existants ou futurs.
  4. Eviter les déconvenues en cherchant dès le départ de limiter les pertes. Dans un billet posté sur LinkedIn, Richard Branson a déclaré que c’était la meilleure leçon que lui avait donné son père.

 

 

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Typographe de premier métier, Francesca Sacco a publié son premier article à l’âge de 16 ans pour consacrer toute sa vie au journalisme. Elle obtient son titre professionnel en 1992, après une formation à l’Agence télégraphique suisse, à Berne. Depuis, elle travaille en indépendante pour une dizaine de journaux en Suisse, en France et en Belgique, avec une prédilection pour l’enquête.

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