La biophilie, un air de Tarzan au bureau
S’inspirer de la nature sauvage pour aménager les espaces de travail: c’est ce que propose la biophilie. Tout le monde n’est pas convaincu.
Photo: Dan Gold / Unsplash
Chassez le naturel, il ne revient pas au galop. Réintroduire un peu de nature dans les bureaux demande un véritablement investissement, affirme sur son site internet la société Biowork, spécialisée dans le paysagisme d’intérieur. Cet effort financier n’est pas un luxe, en regard de l’importance des enjeux psychosociaux dans le monde actuel du travail. Le design biophilique serait donc «devenu un impératif», selon Biowork.
Ce qu’il faut savoir
Le terme biophilie vient du grec bio (la vie) et -phile (qui aime). En ce sens, la biophilie est l’amour du règne vivant. Sa paternité n’est pas claire. Elle est souvent attribuée à l’entomologiste Edward O. Wilson qui, dans les années 1980, émet l'idée que les êtres humains éprouvent le besoin inné d’être en contact avec la nature et d'autres formes de vie. Ainsi naît «l'hypothèse de la biophilie». Mais, avant lui, le psychanalyste Erich Fromm avait déjà décrit ce penchant fondamentalement humain, qu’il avait appelé «amour de la vie ». Lui-même s'inspirait du médecin et pasteur Albert Schweitzer, qui définissait le bien comme la préservation et l’entretien de la vie. La biophilie se rapproche ainsi de la philocalie, qui désigne l’amour de ce qui est beau. Voilà pour la théorie.
Comment faire en pratique
L’effet bénéfique du contact avec la nature sur la santé des individus est irréfragable. Son influence positive sur la concentration et le rendement est moins documentée et n’est pas souvent mise en avant. Or, il n’est pas si difficile d’imaginer que le fait de travailler dans un espace calme et lumineux, entouré de plantes vivantes et de couleurs chatoyantes, est moins stressant que d’essayer de remplir ses obligations dans un endroit désagréable. De là à dire que la biophilie contribue à diminuer les arrêts-maladie et le turn-over, il n’y a qu’un pas que certains de ses adeptes n’hésitent pas à franchir.
Voici donc sept «astuces biophiliques» pour le bureau:
- Favoriser l’éclairage naturel
- Privilégier les matériaux naturels et les couleurs évoquant la nature, comme le vert, le bleu et le jaune. Le gris favoriserait le stress.
- Disposer des plantes un peu partout: sur les rebords de fenêtres, sur les paravents, à côté de l’ordinateur (mais pas trop près, quand même!)
- Choisir des plantes faciles d’entretien, pour faciliter la tâche des personnes qui n’ont pas la main verte
- Si possible, placer des plantes aussi à l’extérieur, pour pouvoir les voir à travers les fenêtres
- Installer une fontaine ou un aquarium
- Ouvrir régulièrement grand les fenêtres
Ce qu’en disent les experts romands
Fondateur du cabinet de conseil fribourgeois Erg’OH, spécialisé en ergonomie, posture et santé au travail, Olivier Girard n’avait jamais entendu parler de la biophilie. Pourtant, cet expert est ingénieur ergonome, posturologue, membre du Logitech Ergo Lab Scientific Advisory Board, conférencier TEDx et auteur du livre Plein le Dos - le Manuel de la Posture, publié en 2019 aux éditions Favre. De plus, il intervient un peu partout en Suisse romande depuis des années. «Je connaissais le biomimétisme, mais pas la biophilie», précise-t-il.
S’agit-il d’une nouvelle approche, ou d’une nouvelle tendance? «Honnêtement, je ne crois pas. Les problèmes que nous observons dans le design des environnements de travail (les open spaces, par exemple) sont plutôt liés à un manque voire à une absence de prise en considération des besoins des utilisateurs. La biophilie pourrait être la cerise sur le gâteau… mais commençons par concevoir des espaces de travail vraiment adaptés, fonctionnels et personnalisables!»
Son conseil aux entreprises intéressées à repenser l’aménagement de leurs bureaux? «Commencer par appeler un ergonome. Des sommes colossales sont gaspillées dans des projets conçus avec une approche top down, par des architectes peut-être un peu trop visionnaires, qui ne se posent pas assez la question de la réelle commodité de leurs espaces.»