Son sourire illumine tout sur son passage. Rouge à lèvre vermeil, yeux chaleureux et pétillants, chevelure en petites boucles marron qui dansent autour de son visage. Voici Isabelle Peillon, directrice de la communication Europe chez O-I, leader mondial des fabricants de pots et bouteilles à Vufflens-la-Ville (canton de Vaud). Avant l’interview, elle nous invite à dîner dans la cafétéria de l’entreprise. Elle salue tout le monde, veille sur nous comme une mère accompagnant ses enfants à leur premier jour d’école... Isabelle Peillon excelle dans l’art de mettre les gens à l’aise. Quand elle parle de son entreprise, le cours de l’action doit grimper à chaque mot (24 dollars au moment d’écrire ces lignes). Tout ce qui sort de sa bouche est passionné, clair et facile à comprendre. Evidemment, elle parle à un journaliste et elle a donc tendance à recouvrir chaque mot d’une double-couche de vernis doré. Essayons donc de ne pas nous faire enfumer. Nous sommes là pour parler de sa vision des ressources humaines.
«Notre personnel est très fier de travailler pour O-I», assure-t-elle d’emblée. Ils sont plus de 8000 en Europe, dispersés sur 35 sites de production (27000 dans le monde, 79 usines, 23 pays). O-I fabrique des bouteilles et des pots en verre pour l’industrie alimentaire. La fameuse bouteille verte Perrier c’est eux. «Notre outil de production exige des gros investissements. Nos fours, qui brûlent à 1500°C, sont en activité 365 jours par année. Le travail est difficile, exigeant et fascinant. La transformation du verre en bouteille a quelque chose de magique. Les couleurs, l’odeur et le bruit sont très présents. Et le verre est un produit noble et très sain. Il est recyclé à 100%», détaille Isabelle Peillon. Et comme partout, l’entreprise traverse actuellement une période de grands changements. «Nous avons un nouveau CEO depuis un an et demi», glisse-t-elle. «Il a donné plusieurs impulsions majeures pour remettre l’humain au centre de nos préoccupations».
Aplatir l’organisation
Sa première décision RH fut technologique. Andres Lopez (nommé CEO en janvier 2016) décide d’implémenter le réseau social interne Yammer (qui appartient à Microsoft). Il souhaite ainsi libérer la parole dans le groupe. «Ce nouvel outil a aplati notre organisation et nous a posé plusieurs défis en termes de communication. Comment s’assurer que chaque collaborateur se connecte à ce réseau en arrivant le matin sur sa place de travail? Quels contenus diffuser sur cette plate-forme?», avance Isabelle Peillon. L’intention est aussi de décloisonner l’organisation. «Nous cherchons à créer une communauté, à ne plus penser en termes de pôles business géographiques ou métiers».
Ces moyens de communication ne suffisent pourtant pas. Toute la communication doit être revisitée pour réussir le changement de paradigme. L’accent est mis sur la com interne. «Notre CEO a été surpris que nos supports de communication stratégique mentionnaient les RH qu’en fin de présentation. Il a souhaité inverser l’ordre et insiste pour que la dimension humaine de l’organisation devienne une priorité. Nous avons donc entrepris un long travail sur nos valeurs et redéfini nos axes stratégiques», détaille Isabelle Peillon.
La stratégie du groupe est décidée par le comité de direction. Elle est ensuite présentée à tous les collaborateurs lors de petits ateliers de 10 à 12 personnes, animés par un facilitateur, formé en interne. Les questions suivantes sont débattues: «D’où venons-nous? Où allons-nous? Et comment?» Isabelle Peillon: «Cette méthode par petits groupes est un excellent moyen pour aider les collaborateurs à se sentir concernés. Notre message est: «One team, one enterprise and one plan». Les valeurs du groupe sont également redéfinies. Et quelles sont-elles? Elle répond du tac au tac: «Safety, team work, integrity, passion, excellence, diversity et customer centric».
Tous alignés sur une stratégie
Ce travail sur la culture d’entreprise prend du temps, glisse-telle. «Cette redéfinition des valeurs est un travail fastidieux mais, s’il est bien mené, un énorme levier de performance. Là réside également tout le lien avec les RH», poursuit-elle. «D’une organisation très décentralisée, avec beaucoup d’autonomie laissée aux sites et aux fonctions horizontales (RH, manufacturing, finance, ndlr), nous sommes en train de devenir une communauté avec des intérêts et des objectifs communs.» Plusieurs dispositifs RH sont revisités. L’évaluation de la performance, les plans de formation, les plans de rémunération. «Aujourd’hui, nous sommes tous alignés autour d’une même stratégie et nous avons développé des «Global Manufacturing Fundamentals» identiques à tout le groupe. Cette mise en commun de nos compétences évite de nous disperser et renforce les synergies entre les différents sites.» Le nouveau programme de formation dédié aux directeurs d’usines (15 à 20 cadres par promotion) se décline sur plusieurs sites (Etats-Unis, Amérique du Sud et France), afin justement de renforcer la cohésion. «Cette année, la dernière semaine de leur cursus, nous les amenons en Ardèche, dans l’usine la plus performante du groupe», s’enthousiasme-t-elle.
En termes de communication externe, l’accent n’est plus uniquement mis sur les produits du groupe O-I. «Nous communiquons sur nos plans de formation dans la presse locale, nous parlons de nos collaborateurs et essayons de diffuser cette idée d’une communauté afin d’attirer les talents dans chaque région où nous sommes présents.» La société met aussi en avant la propreté environnementale de ses matériaux et se décrit comme une entreprise «flexible, qui créé des partenariats avec les acteurs locaux de l’économie.»
Isabelle Peillon connaît bien tous ces enjeux. Elle a commencé sa carrière chez Boussois-Souchon-Neuvesel (BSN), un fabricant de bouteilles en verre, propriété du groupe Danone. Vendue en 2000 au fond d’investissement britannique CVC Capital Partners, la filiale est rachetée en 2004 par le groupe O-I. Durant ces premières années, Isabelle Peillon portait la double casquette de responsable RH et communication, et a suivi de près les changements de stratégies successifs de ces années mouvementées.