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La cherté du franc incite les entreprises à se réorganiser

Les taux de change augmentent la pression sur les entreprises exportatrices. Réduction de coûts, réorganisation interne, renouvellement des contrats de travail: les conséquences du franc fort concernent directement les départements RH. Comment agir dans les règles?

Une société victime du franc fort demande à ses employés de travailler deux heures de plus par semaine. Ce procédé est devenu courant en Suisse depuis que le franc s’est apprécié et qu’il influence négativement les marges bénéficiaires. Cet impact oblige les entreprises à se réorganiser pour y faire face.

Le franc fort modifie en effet la manière de travailler de ces entreprises et les force à prendre des mesures comme allonger le temps de travail ou encore baisser les salaires de leurs collaborateurs. Cette situation explique aussi la décision controversée de Novartis, le géant de la pharma, qui a annoncé la suppression de 1080 postes en Suisse pour se tourner vers des pays à bas coûts pour certaines de ses activités.

L’industrie chimique très tournée vers l’exportation est aussi affectée par les cours de change du franc suisse par rapport à l’euro et au dollar. A Viège, Lonza a pris des mesures en juin 2011 en augmentant le temps de travail hebdomadaire des employés, plus 2 heures pour un salaire identique afin d’augmenter la productivité.

La récente décision de la Banque nationale suisse (BNS) du 6 septembre 2011 de bloquer le taux de change à 1,20 n’a pas inversé la tendance, même s’il elle permet aux sociétés d’avoir plus de visibilité pour fixer leurs prix.

Ainsi, un peu partout en Suisse, les entreprises exportatrices se tournent vers leur département RH pour prendre des mesures. Les contrats de travail doivent être repensés ou des avenants conclus si le salaire ou la durée du travail sont modifiés de manière défavorable pour le collaborateur. Mais en plus de ces difficultés techniques, les départements RH doivent souvent repenser l’organisation du travail avec toutes les conséquences qui en découlent sur la gestion du personnel.

Un coup de sac organisationnel?

Lorsqu’une entreprise augmente son horaire de travail, cela entraîne tout un processus. Tout d’abord comment cela se répercute-t-il sur les collaborateurs. Ces derniers traversent différents stades, oscillant entre la crainte liée à une perte de leur emploi, et la stimulation au vu des changements possibles dans l’organisation. Les modifications ne sont pas toujours négatives et peuvent permettre à certains employés d’évoluer et d’aller de l’avant.

«Certes ils sentent bien une certaine pression et sont conscients qu'il faut savoir donner le meilleur de soi-même», relève Eric Gerini, Directeur Général de Pemsa Human Resource. Grâce à une bonne communication avec le personnel, les entreprises arrivent mieux à faire comprendre les mesures prises. D’autant plus que la crise de l’euro et les inquiétudes en lien avec l’endettement de certains Etats suscitent un sentiment de crainte parmi la population.

Frewitt à Granges-Paccot a procédé à un allongement de la durée du temps de travail de 40 à 42,5h par semaine pour tous les collaborateurs depuis le 1er octobre 2011. La société qui emploie 90 personnes est exportatrice pour près de 85 pour cent des exportations vers la zone euro. «Pour résister à la cherté du franc, nous devons faire plus avec le même personnel. Nous avons informé nos collaborateurs que le processus était lancé pour un an et que nous referons un point de la situation en septembre 2012 pour présenter les changements. Nous le prenons comme une opportunité d’améliorer notre processus de travail», confie Charles Philloz, directeur général du groupe Freewitt.

Le directeur considère aussi que cette nouvelle donne motive les employés, car ils comprennent qu’ils doivent s’accrocher et s’engager davantage. La mise sur pied d’une mesure de hausse du temps de travail est souvent liée à un processus de réorganisation de l’entreprise. Cette dernière se penche sur l’analyse de son fonctionnement et revoit dans le détail toutes les tâches à accomplir. Il peut s’agir de simplifier les processus, ou encore de mieux utiliser les compétences disponibles.

Et de passer à une gestion peut-être plus dynamique. Cela est stimulant, car les cartes sont redistribuées. «Nous revoyons dans le détail chaque service et essayons de regrouper des tâches. Cela crée parfois de nouvelles responsabilités pour certains collaborateurs ou instaure de nouvelles fonctions dans l’entreprise. Bien sûr, il faut une certaine souplesse de la part du personnel. Jusqu’à présent, nous avons récolté des réactions positives», explique encore le directeur de Freewitt.

Rebondir sur les difficultés

Grâce à la crise, l’entreprise peut devenir une entreprise apprenante. «Dans la difficulté, les dirigeants dressent un bilan de ce qui s’est fait jusqu’à présent, des ressources, et de ce qui fonctionne mal. Ensuite, ils peuvent repenser le futur et lancer des actions différentes, voire des innovations. Ils doivent aussi veiller à créer un climat de sécurité auprès du personnel et être très clair avec les missions.

Si la société va licencier, elle doit annoncer clairement le nombre de postes à supprimer et le délai.  Il faut à la fois être très directif et aussi participatif dans sa manière de diriger», analyse Alain Pillet, directeur d’Axiome Sàrl et professeur RH à la HES-SO Valais.

Côté administratif, un changement des horaires entraîne un renouvellement des contrats généralisés (voir ci-dessous). Alors de quoi s’agit-il concrètement? «Nous avons dû annuler le contrat de travail et le renouveler aux mêmes conditions avec un avenant qui mentionne la nouvelle durée du temps de travail de 42,5 heures par semaine.

Tout est fait dans le respect de la loi sur le travail», souligne Charles Philloz. L’exploitation est aussi affectée par ces mesures. La gestion des heures des employés doit être modifiée dans les systèmes informatiques. Des changements techniques et humains qui montrent, une fois de plus, la valeur ajoutée d’un RH en organisation. 

Comment lutter contre la force du franc

  • Simplification de l’organisation interne, suppression de postes
  • Chômage partiel
  • Licenciements
  • Augmentation des heures de travail à salaire constant
  • Baisse des salaires
  • Paiement des salaires en euro (frontaliers)
  • Non renouvellement des départs naturels et en retraite
  • Gel d’extensions
  • Diminution des temporaires

Les intervenants

Eric Gerini est le Directeur Général de Pemsa Human Resource.

Charles Philloz est le directeur général du groupe Freewitt.

Alain Pillet est le directeur d’Axiome Sàrl et professeur RH à la HES-SO Valais.

 

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Patricia Meunier est journaliste indépendante en Suisse romande. Elle collabore avec HR Today depuis 2010.

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