Chronique

Mon boss est-il pervers narcissique ou psychopathe?

J’entends très souvent cette question dans les séances de coaching. J’écoute des récits de management et il arrive que les managers se voient attribuer des qualitatifs de pervers voire de psychopathe... Quand les relations au travail sont difficiles, le coaching permet d’y travailler pour rétablir un climat constructif favorable à l’épanouissement et à la réalisation des objectifs professionnels. 

Les termes de pervers narcissique (PN) et de psychopathe sont des termes popularisés. Ils renvoient à des personnalités dont le fonctionnement est basé sur les abus de pouvoir dans l’absence de respect du droit et de l’intégrité des autres, provoqués par un sentiment de supériorité. Hannibal Lecter dans le film Le silence des agneaux (1991) ou Miranda dans Le diable s’habille en Prada (2006) en sont des personnages types. Ces deux profils ont en commun un sentiment de toute puissance, un besoin de domination et d’emprise associé à la conviction d’être au-dessus des lois.

La psychopathie et la perversion narcissique sont répertoriées comme des troubles antisociaux de la personnalité (TAP). La prévalence globale de la personnalité antisociale dans la population générale est de l’ordre de 3% chez l’homme et de 1% chez la femme.

On me décrit souvent des comportements qui oscillent entre deux dimensions, chaleur/froideur, contrôle/négligence, précision/imprécision... Ils se caractérisent par leur imprévisibilité et des forts degrés d’amplitude, sources de stress. La performance et la santé mentale et physique sont alors compromises. Mon rôle consiste à aider la prise de recul, à favoriser la réflexion à propos de ce qui est supportable, à définir des limites et pour les faire mieux respecter et optimiser l’épanouissement, autant que possible en fonction des contextes...

L’entreprise a pour obligation de protéger la santé des effectifs. Elle subit d’importants dommages collatéraux mesurables par les arrêts de travail, les plaintes pour harcèlement, les démissions et ruptures conventionnelles des effectifs supérieurs aux normes? La solution de facilité consisterait à se «débarrasser» des managers toxiques pour les remplacer par d’autres qui risqueraient d’avoir les mêmes comportements tant que l’organisation le favorisera. L’erreur fondamentale d’attribution est un biais cognitif bien connu des psychologues: il consiste à attribuer à des personnes des phénomènes accentués, voire produits par le contexte. Ne serait-il pas préférable pour les entreprises de former les managers pour leur indiquer clairement les limites à ne pas franchir comme on le fait actuellement pour le sexisme au travail?

L’épanouissement favorise la performance. Dans cette perspective, l’entreprise a tout intérêt à entretenir le bien-être des équipes. Une organisation «perverse» pervertit les individus qui, pour conserver leur travail, finissent par pratiquer des jeux à doubles contraintes et des manipulations toxiques. En plus de 30 ans de métier, j’ai repéré cinq principaux «nuisibles» que j’ai nommé «Les Bad Five»:

  1. Ce qui dégrade et dévalorise l’estime de soi c’est-à-dire tout ce qui donne un sentiment chronique d’infériorité, de honte, de culpabilité ou de dégoût de soi.
  2. Ce qui active la perte de confiance en ses compétences et ses possibilités de succès et donne un sentiment d’impuissance et de pessimisme.
  3. Ce qui insécurise, donne le sentiment d’être en danger provoque des ruminations, l’isolement.
  4. Ce qui absorbe de l’énergie (physique, émotionnelle, cognitive) et provoque une intense fatigue.
  5. Ce qui donne un sentiment d’incohérence, de perte de sens et d’incompréhension.

Cependant, si vous vous posez cette question en raison d’une souffrance liée à vos relations avec votre manager, sachez que vous devez en parler à des spécialistes (psychologue du travail ou clinique, RH de l’entreprise, médecin traitant ou du travail...) pour avoir un avis objectif. La victime seule n’est pas apte à poser un diagnostic. Les traumatismes du travail nuisent à la santé, au développement du potentiel et au succès professionnel, il convient alors de se faire accompagner par un.e psychologue (qui peut être coach) pour comprendre comment rétablir des relations constructives. Pour s’en sortir il faut en parler...

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Psychologue du travail et coach, Noémie Le Menn a  accompagné environ 450 personnes en 30 ans d’expérience. Son travail consiste à restaurer le cercle vertueux de sa clientèle en se basant sur son expertise en psychologie. Le coaching l’a menée au sexisme: elle a construit un modèle de coaching «du féminin» pour permettre aux femmes de se développer autant que les hommes. Auteure de l’ouvrage «Libérez-vous des réflexes sexistes au travail», elle publie régulièrement des conseils pratiques sur son site up-change.com

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