Portrait

«La mamma»

Cheville ouvrière du Congrès HR Sections romandes depuis son lancement en 2002, Maria Anna Di Marino est une figure de la communauté RH de l’Arc lémanique. 

Elle nous accueille comme une mère dans les bureaux de sa fille, qui tient une société de conseils RH à deux pas du Pont Bessières à Lausanne. Elle nous prends nos manteaux et nous sert deux ristretto en nous recouvrant de compliments. Dans un coin de la pièce sur un flip chart, les dessins de sa petite-fille de quatre ans entrent dans la conversation. Elle sourit en permanence et dégage une chaleur humaine à réchauffer un trappeur canadien. Voici donc Maria Anna Di Marino. Une figure incontournable de la communauté RH de Suisse romande. D’allure toujours impeccable - le jour de l’interview, elle porte un tailleur beige nougat, des pantalons brun chocolat et une ceinture en peau de serpent – elle est la présidente d’honneur d’HR Vaud et la cheville ouvrière du Congrès HR Sections romandes qui se tient tous les deux ans, en alternance avec le Congrès national HR Swiss de Berne. La manifestation est devenue incontournable.
 

«Nous lui devons beaucoup»

Derrière son aura de mère protectrice, on découvre une femme de réseau à qui il est probablement très difficile de refuser un service. Frédéric Corthay, nouveau DRH pour la Suisse chez Kudelski et ancien président de HR Vaud, l’exprime sans détour: «Nous lui devons beaucoup. En 2000, elle a sauvé la section vaudoise qui était en pleine crise. Elle a su redonner du souffle à tout le monde avec son style directif et chaleureux. Une vraie main de fer dans un gant de velours.» Quand on énumère cette longue liste de compliments, elle se redresse sur son fauteuil, gênée de se retrouver, pour une fois, sur le devant de la scène. Elle préfère diriger notre regard vers tous ces «patrons d’entreprise, professeurs d’université et directeurs RH» qu’elle a rencontrés tout au long de son parcours et pour qui elle avoue une admiration sincère. Précisons aussi qu’elle a longuement hésité avant d’accepter cette interview. Si elle est là aujourd’hui, c’est avant tout pour parler du Congrès RH, qui se tiendra le 8 septembre 2015 à l’Université de Lausanne*. Et c’est plutôt HR Today qui a fini par se plier à sa volonté que l’inverse. Parlons donc du congrès.
 

Mieux soigner le «comment»

La formule est toujours la même. Une série de conférences par des professeurs d’université le matin, un buffet de hors-d’œuvre à midi et des ateliers pratiques l’après-midi. «Nouveauté cette année, les participants pourront assister à une expérience de recherche en direct. Le professeur Laurent Keller va tirer des parallèles entre l’organisation d’une fourmilière et celle d’une entreprise», glisse-t-elle. Cette expérience devrait donner du fil à retordre aux défenseurs des nouveaux modèles organisationnels sans hiérarchie, assure-t-elle. L’intervention du professeur Marianne Schmid Mast traitera aussi de hiérarchie. Maria Anna Di Marino: «C’est moins la structure hiérarchique que la manière de diriger qui cause de la souffrance. Si les collaborateurs ont leur mot à dire et se sentent respectés, le rendement augmente.» Il y aura aussi des éclairages sur le rôle des émotions (professeur David Sander) et sur les enjeux de l’appartenance sociale (pro- fesseur Lorenz Goette). Le tout devrait donner aux responsables RH des pistes de réflexion et des outils pour mieux appréhender la complexité humaine en entreprise. «Il s’agit de mieux soigner le «comment» des relations humaines plutôt que le «pourquoi»», résume-t-elle. Cerise sur le gâteau: Christian Constantin, bouillonnant entrepreneur valaisan et président du FC Sion, distillera ses vues sur la performance et le management des collectifs. Son franc parlé et sa gouaille octodurienne trancheront sans doute avec le sérieux académique de la journée.
 

Réseau, sponsors et amuse-bouche

Menu alléchant. On lui demande les ingrédients d’un congrès réussi? Elle répond: «Un thème d’actualité, des moments de réseautage autour d’amuse-bouche et un bon comité d’organisation.» Dans sa garde rapprochée, on retrouve Gilles Décarre, Karine Lämmle, Patrick Jordan, Gabrielle Piller, Nicole Ventura et Nicole Aquilon. «L’équipe est formidable, ils ont tous le feu sacré», s’épanche la présidente Di Marino.
Elle assure que le thème du congrès est décidé collectivement. Mais c’est bien elle qui tient le premier rôle. Elle va chercher l’accord des différents intervenants, trouve des sponsors et active ses réseaux pour que la mécanique s’embraie sans accrocs. «Ma force? J’y crois dur comme fer et je pars de l’idée que si vous faites quelque chose pour le bien de vos membres, ça va marcher.» Et de quoi se nourrit son feu sacré? «La vie m’a tellement gâtée que j’essaie aujourd’hui de redonner. La reconnaissance, c’est la mémoire du cœur», répond-elle, émue.

 

Elevée dans le respect de la relation aux clients

Née en Italie dans la campagne romaine, elle est la dernière d’une fratrie de quatre enfants. Son histoire familiale lui offre une ouverture sur le monde. Son grand-père émigre aux Etats-Unis en 1887, où il tombe amoureux et se marie. S’en suivent onze enfants, dont le père de Maria Anna, né en Italie et qui tiendra un commerce de vélos et cyclomoteurs. «Nous trainions toute la journée dans le magasin avec mon père. J’ai été élevée dans le respect de la relation aux clients.» Quand ses parents lui annoncent qu’ils vont repartir de l’autre côté de l’Atlantique, elle décide de rester au pays, se marie «très jeune» et émigre en Suisse. Elle s’y sent tout de suite à l’aise: «Les Suisses cultivent un certain respect des gens et des choses, c’est une posture extraordinaire. Il faut avoir vécu dans d’autres pays pour le réaliser. Le couple Di Marino aura deux filles, Cinzia, qui dirige aujourd’hui un établissement médico-social, et Veronica, qui partage son temps entre la responsabilité des RH des cinémas Pathé en Suisse romande et son cabinet de conseils RH (Di Marino Consulting).
 

De l’usine à l’ORP de Pully

Avec une formation de styliste et deux enfants en bas âge, Maria Anna Di Marino décroche un premier emploi dans une usine du canton de Fribourg. Elle démarre en bas de l’échelle et doit porter un bonnet blanc, comme toutes les ouvrières.
«Les chefs d’équipe avaient un bonnet rose et la cheffe d’unité un bonnet bleu. Je savais qu’un jour je porterais moi-aussi ce bonnet bleu», raconte-t-elle. Elle travaille dur, se forme et réussit. En 1988, changement de cap. Elle décroche le poste de directrice d’un complexe hôtelier de la région lausannoise: «C’est là que j’ai découvert l’importance des relations humaines. Je dirigeais une équipe de 70 personnes. J’ai appris à me connaître et à réaliser l’effet de mes comportements sur les autres. C’est ainsi que naît le respect de la différence.»
 

Elle met fin à la crise de la section HR Vaud

Le début des années 1990 est marqué par une vague de chômage. Le taux national passe de 0,2 à 7 pour cent en peu de temps. Le canton de Vaud lance alors un projet pilote, en créant les premiers Offices régionaux de placement (ORP), dont celui de Pully. C’est Maria Anna Di Marino qui en prend la tête. Elle raconte: «Nous sommes partis de rien. J’ai pris contact avec de nombreux patrons de l’économie locale. Grâce à mon expérience de cheffe d’entreprise, ils m’ont ouvert leurs portes. Une fois en face d’eux, je leur détaillais les témoignages de procédures de licenciements inacceptables que me rapportaient les chercheurs d’emploi.» Elle confronte les uns et les autres à leurs responsabilités et réussit son pari. Ce modèle d’ORP vaudois sera ensuite reproduit à travers tout le pays. Elle tirera de cette expérience une conviction: la fonction RH a un rôle déterminant à jouer en entreprise. Après un brevet fédéral en gestion du personnel, elle s’intéresse à la vie associative de la profession et devient membre de HR Vaud. La section traverse une période difficile et le comité démissionne en bloc. «Ils m’ont proposé de reprendre la présidence. J’ai hésité, mais je trouvais dommage de dissoudre l’association». La suite fait partie de sa légende personnelle. Elle convainc trois anciens membres du comité de ne pas jeter l’éponge et recrute des nouvelles têtes pour consolider les rangs. Très vite, elle lance les lunchs RH et des événements plus importants, les 5 à 7. Les membres sont ravis et les nombres augmentent. Sur la lancée, elle imagine de mettre sur pied un congrès RH romand, pour «créer des ponts entres les chercheurs et les praticiens».
 

Bio express

  • 1968 Arrive en Suisse
  • 1988 Directrice d’un complexe hôtelier
  • 1994 Crée l’Office régional de placement de Pully
  • 2000 Assume la présidence de HR Vaud
  • 2002 Organise le 1er Congrès RH romand

 

* Les Relations Humaines: Du cerveau au comportement – Apport de la biologie, des neurosciences, de l’économie et de la psychologie. Congrès HR Sections romandes. Mardi 8 septembre 2015. Programme complet et inscriptions sur www.congres-romand.ch
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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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