Réduire les traces de l'entreprise

La mobilité, un levier gagnant

Optimiser la gestion de la mobilité pendulaire et professionnelle est un prérequis indispensable pour atteindre des objectifs de durabilité. Mais les changements en la matière doivent être conçus de manière participative pour garantir leur adoption.

«Toujours plus d’entreprises intéressées par un plan de mobilité le font dans le cadre de démarches de responsabilité sociétale et environnementale.» Julien Lovey, conseiller en mobilité au sein du bureau Citec Ingénieurs Conseils, remarque un intérêt toujours plus marqué pour les questions en lien avec la durabilité. «Il y a dix ans, 90% des entreprises faisaient appel à nos services pour des problèmes de stationnement. Aujourd’hui, cette part est plutôt de 50%, l’autre moitié nous contactant en raison d’exigences légales ou en vue d’obtenir une certification de type ISO 14001.»

Il est vrai que la mobilité constitue un élément clé d’une politique de développement durable en entreprise: les transports se retrouvent tout au long des différentes activités d’une organisation et sont responsables de plus d’un tiers de la consommation d’énergie et des émissions de CO2, selon les dernières données publiées par l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Mieux gérer le stationnement

Une révision des règles d’attribution des droits d’accès au stationnement, en lien avec une raréfaction de l’offre en places de parc, est souvent le premier levier mis en œuvre dans le cadre d’un plan de mobilité. Il se concrétise à travers divers filtres, basés sur des critères liés aux distances domicile-travail, au degré d’accès à un mode alternatif à la voiture ou à des contraintes socio-professionnelles. «Ces limitations de stationnement découlent souvent de contraintes de la part des autorités ou d’un manque de surface ou de moyens pour étendre l’offre.» Il faut dire qu’une place dans un parking sous-terrain coûte en moyenne 50’000 francs à la construction, tandis qu’une place extérieure se chiffre à 10’000 francs, auxquels il faut rajouter les frais d’entretien annuels.

L’expert souligne l’intérêt d’un plan de mobilité tant pour accompagner le changement que pour mesurer précisément l’impact de chacun. «On va souvent avoir tendance à encourager les gens qui habitent le plus près à se passer d’une voiture. Mais paradoxalement, changer le comportement d’une seule personne qui vient de loin va avoir autant d’effet que vingt collaborateurs qui s’adaptent en habitant à proximité de l’entreprise.»

Encourager la mobilité active

Julien Lovey souligne l’intérêt de déployer un éventail de moyens pour favoriser la mobilité active: cela peut aller du versement d’une petite prime à ceux qui se passent de leur voiture au financement de tout ou partie de l’achat d’une bicyclette ou d’un vélo électrique, des aides qui peuvent par ailleurs s’additionner aux mesures mises en place au niveau communal ou cantonal. «Garantir le succès de ces incitations nécessite souvent aussi quelques ajustements en matière d’infrastructure, par exemple l’installation de places de vélo de qualité, qui soient à la fois sécurisées et proches des entrées des bâtiments, la création de vestiaires et de douches ou encore l’amélioration des accès à pied sur le site de l’entreprise.»

Le poids des mesures organisationnelles

Flexibilisation des horaires, prise en compte du temps passé dans le train, travail à distance, sous forme de home office ou au sein d’un espace de coworking: les adaptations organisationnelles représentent un important potentiel. Beaucoup d’entreprises ont conservé une certaine souplesse en matière de télétravail suite à la crise sanitaire, en accordant souvent un à deux jours de travail à distance à leurs équipes. Mais pour que ses effets positifs se déploient pleinement, il est important de repartir ces jours sur l’ensemble de la semaine. «Les données statistiques indiquent que le trafic routier est plus problématique les mardis et jeudis, y répondre implique donc une vraie organisation en matière de jours de présence, en les répartissant de manière harmonieuse sur l’ensemble de la semaine.» Reste une conséquence peu étudiée du télétravail: les formes de travail hybride augmentent les possibilités de choisir un habitat toujours plus éloigné de son lieu de travail. «Avec le risque que les déplacements occasionnels - plus longs - annulent les effets positifs en termes de bilan environnemental.»

L’option covoiturage

Un véhicule transporte en moyenne 1,1 personne par kilomètre parcouru au motif du travail, d’après les données de l’OFS. De quoi encourager les collaborateurs à pratiquer le covoiturage? «Les Suisses demeurent assez frileux par rapport aux plateformes ouvertes de covoiturage, remarque Robert Torday, directeur du cabinet Bobilité, spécialisé en conseils en mobilité et en démarches sociétales et environnementales. À l’inverse, la pratique est bien mieux acceptée lorsqu’elle est mise en place par l’entreprise.» Reste que le tissu économique suisse est constitué d’un foisonnement de PME, ce qui limite la mise en place de solutions propres à chacun. «Il existe un fort potentiel inexploité de partenariats interentreprises, dans le but d’atteindre la taille critique pour développer une offre de covoiturage au sein d’une même zone d’activité.»

Ne pas négliger la mobilité professionnelle

À l’heure actuelle, les efforts des organisations se concentrent le plus souvent sur les déplacements pendulaires de leurs collaborateurs. Mais avec la raréfaction des énergies fossiles et l’explosion de leur coût, l’enjeu se déplace aujourd’hui sur la mobilité professionnelle, estime Robert Torday. «Ces contraintes grandissantes vont obliger les entreprises à revoir leurs pratiques en matière de véhicules de fonction ou de débours des déplacements.» Certaines solutions peuvent s’avérer très simples, à condition de s’accorder sur les réels besoins des collaborateurs. «Lors d’une intervention récente, j’ai pu montrer à mon client qu’il était bien plus avantageux de financer les déplacements de ses commerciaux en taxi plutôt que de leur fournir un véhicule de fonction qui engendre quantité de frais annexes, comme le temps perdu à chercher une place de parking, les amendes ou les réparations du véhicule.»

Le rôle des ressources humaines

Les deux spécialistes s’accordent sur l’importance d’une forte implication des responsables RH pour que les adaptations en matière de mobilité soient couronnées de réussite. «Il existe souvent une forme d’incompréhension des réels besoins des collaborateurs, avec la tentation d’adopter des modèles très simplifiés, dit Robert Torday. J’estime au contraire qu’il faut introduire des options diverses, en se concertant au maximum avec les équipes, qu’il s’agisse de la gestion des parkings, des règlements horaires ou de l’usage des subventions. Lorsque par exemple l’on propose une contrepartie financière ou des congés supplémentaires en échange d’une réduction de budget sur la voiture de fonction, on se retrouve soudain avec des employés qui se déplacent plus volontiers en train ou à vélo.»

L’accompagnement au changement constitue un enjeu important d’un plan de mobilité. «Il y a toujours des gagnants et des perdants dans ce type de démarche, remarque Julien Lovey. Il est essentiel que les RH puissent anticiper les réactions parfois vives de certains collaborateurs. Par exemple, l’organisation d’ateliers participatifs avec un panel de collaborateurs peut faire prendre conscience des effets tangibles à long terme de la démarche aux personnes qui doutent du projet.»

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Erik Freudenreich est le rédacteur responsable de la version française du site HR Today.

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