Portrait

La révélatrice

Fondatrice et directrice de l’institut de formation IDC Coaching à Genève depuis 20 ans, Hélène Aubry Denton a marqué l’économie suisse romande de son empreinte.

Nous n’avons pas osé lui demander son âge. Elle ne l’aurait de toute manière pas révélé. Une chose est sûre, son esprit est resté jeune. Son énergie positive est indéniable. Passez deux heures avec elle, et vous serez touché par son calme et sa chaleur humaine. C’est sans doute la qualité de son écoute et son regard bienveillant qui donnent cet effet. La mise en valeur de l’autre est son talent. Formée au coaching aux Etats-Unis avant tout le monde, après une carrière dans le journalisme et la banque privée, Hélène Aubry Denton a fondé en 1998 l’institut IDC Coaching à Genève. Depuis, elle a formé plus de 1500 coaches en Suisse et en Europe. Ce succès s’explique par le souci qu’elle porte aux autres. Elle dit: «J’ai une profonde foi dans l’être humain. Quand les managers viennent déposer leurs problèmes chez moi, je les regarde en me disant: il va trouver les moyens de s’en sortir. S’il est là, devant moi, c’est qu’il veut se relever. C’est comme si je le savais. J’utilise souvent cette citation: le regard que je porte sur l’autre est le pouvoir que je lui donne». Tout est dit. Mais derrière ces formules simples, se cachent des années de pratique et de travail sur elle-même. «Hélène vit ce qu’elle enseigne. Elle est passionnée, dispose d’une énergie débordante et d’une vraie force créatrice. C’est un bel exemple de coaching», raconte Beate Giffo-Schmitt, qui la connaît depuis cinq ans et s’est formée chez IDC Coaching.

Arts martiaux internes

Des années de pratique et de travail sur soi? Hélène Aubry Denton sourit: «J’ai pratiqué pendant plusieurs années les arts martiaux internes, des techniques d’Extrême-Orient qui se focalisent sur les aspects mentaux, spirituels et énergétiques. «Aujourd’hui, je cours régulièrement et je suis accompagnée par un coach sportif. Je fais aussi du Qi Gong, une gymnastique traditionnelle chinoise.» Sur le plan professionnel, elle se rend tous les deux ans aux Etats-Unis pour suivre les enseignements de spécialistes et de chercheurs à la pointe du coaching. Sa dernière découverte? «Le coaching somatique. Etre capable de capter les sensations du corps et de les utiliser comme des guides et des sources d’information pour le coach.» Elle s’intéresse aussi aux dernières découvertes des neurosciences, «qui expliquent de manière scientifique ce que nous constatons depuis des années sur le terrain». Philippe Cavin, lui aussi formateur chez IDC Coaching, nous confie: «Elle m’inspire et elle m’épate. Elle a toujours une longueur d’avance. Elle est redoutable d’efficacité.»

Ce travail sur elle-même lui a également permis de développer son humilité. Elle assure par exemple que le coaching devrait être un métier de l’ombre: «Notre rôle est de mettre en lumière les ressources et les talents cachés de nos coachés. Au final, c’est eux qui vont faire le travail et c’est bien à eux que reviennent les lauriers de leurs efforts». Philippe Cavin poursuit: «Hélène est toujours dans l’écoute et la bienveillance. Quand elle vous accompagne, vous avez l’impression d’avancer à pas de géant, mais en réalité c’est elle qui vous met en lumière. Le véritable coach est celui dont le coaché a l’impression qu’il est le seul artisan de son succès. Hélène personnifie cette posture. Elle démontre par sa pratique ce qu’elle enseigne.» Pour ne pas perdre le contact avec le terrain, elle garde une activité de coach à 50%.

Le reste du temps, elle le dédie à son institut de formation, avec un sens aigu des affaires. Son secret? «Je mise beaucoup sur la qualité. Nous devons être excellents et constamment nous remettre en jeu». Quand elle lance IDC coaching en 1998, elle s’associe avec une coach canadienne rencontrée aux Etats-Unis. Après deux ans, leurs chemins se séparent et Hélène Aubry Denton reprend seule le risque économique de l’affaire. Son coup de génie sera de proposer la formation de base en coaching durant trois semaines, sur le format «Université d’été». Elle loue un château désaffecté dans les Cévennes (sud de la France) pour la première édition. Elle se souvient: «Le côté spartiate des locaux a joué en notre faveur. Les participants ont vécu une expérience très intense et depuis cette première édition, notre université d’été ne désemplit pas.»

Un marché en plein essor

Le succès d’IDC Coaching s’explique aussi par le développement du phénomène «coaching» en Suisse et en Europe depuis la fin des années 1990. Venant du domaine sportif, le coaching a progressivement investi le champ économique. Ce trend correspond aussi aux modifications de l’organisation du travail. Hélène Aubry Denton: «Les structures des entreprises ont changé. La globalisation et la numérisation ont bouleversé les façons de travailler. Dans ce contexte, le coaching est devenu un outil de management. On ne peut plus donner des oukases pour que les gens adhèrent. Un bon manager se doit de reconnaître l’individu dans ce qu’il a de meilleur et de le faire participer.» Si le nombre de coaches a explosé depuis 20 ans (de 300 à 27000 dans le monde – coaches accrédités ICF), de plus en plus de managers se forment au coaching.

A noter que le coaching attire plutôt les femmes (2/3 des effectifs) et que le métier n’est pas protégé. Elle s’indigne: «Oui et je le regrette. Cela a conduit à de nombreux abus. Il ne suffit pas de suivre un cours de trois jours pour se proclamer coach.» Elle poursuit: «Nous ne sommes pas des psychologues non plus. A chacun son métier. Le coach ne s’intéresse pas au passé du coaché ou en tout cas ne s’y attarde pas. Il part du présent pour atteindre des objectifs professionnels mesurables.»

Nous lui demandons son avis sur l’entreprise libérée? «C’est très bien, mais je vois aussi certaines limites. Les collaborateurs auront toujours besoin d’un leader qui les inspire. Si la manière de diriger change, la solitude du pouvoir existera toujours.» Elle déconseille également d’essayer de coacher – à l’interne – son propre chef: «Je ne suis pas certaine qu’il le prendra bien. Le coaché doit se sentir en sécurité et pouvoir dire ce qu’il a sur le cœur sans craindre de répercussions. D’où l’importance de recourir à un coach externe.» François Maendly, coach IDC et auditeur interne à la retraite, abonde: «Hélène défend un style de coaching très orienté vers la vie professionnelle. Elle est très inspirante, incitative avec un lien business très fort.»

Journaliste et banquière

Cette sensibilité lui vient sans doute de son parcours personnel. Avant de lancer son école, Hélène Aubry Denton avait déjà plusieurs carrières derrière elle. Après un doctorat en sciences politiques et économiques à l’Institut Universitaire d’Etudes Européennes de Turin, elle devient journaliste économique à l’Agefi puis à la Tribune de Genève. Après le journalisme, elle entame une seconde vie professionnelle dans la banque privée chez Hentsch, puis Ferrier Lullin (rachetée en 2006 par Julius Bär). Elle y fait une brillante carrière, commençant comme analyste financière et terminant quelques années plus tard comme Directeur Adjoint, responsable de la zone pacifique et du marché «sud est asiatique». Très bien payée, mariée et entourée d’un vaste réseau d’amis, elle commence pourtant à questionner le sens profond de sa vie. «Je ne parvenais pas à mettre le doigt sur ce sentiment avec précision, mais il était puissant», raconte-t-elle dans un livre d’entretiens paru en 2013.

Elle décide alors de quitter la banque sans avoir préparé la suite. Sa vie change du jour au lendemain. Elle divorce «à l’amiable», le couple vend leur maison et elle part aux Etats-Unis où elle se forme à plusieurs techniques de développement personnel et aux arts martiaux. C’est lors d’un séjour en Californie qu’elle rentre en contact avec le coaching d’entreprise. «Le lendemain, je m’inscrivais à une formation sur le coaching. Après les cinq premières minutes, je savais que j’avais trouvé ma voie.» Son diplôme en poche, elle commence à pratiquer. De retour à Genève, elle fonde IDC Coaching. Pourquoi Genève? «Je ne pourrais pas vivre ailleurs. Ma mère était d’origine bulgare, mon grand-père russe et mon père d’origine italienne. J’ai grandi en Savoie, puis ai vécu à Aix-en-Provence et aux Etats-Unis. J’ai toujours eu une attirance pour la multi-culturalité.» Le 2 mai 2018, aux Portes des Iris sur les hauteurs de Morges, elle célébrait le 20ème anniversaire de son école de coaching. Plus de 100 personnes étaient au rendez-vous: des DRH, des managers et des coaches de l’Arc lémanique. C’est elle qui les a révélés.

commenter 0 commentaires HR Cosmos

Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

Plus d'articles de Marc Benninger

Cela peut vous intéresser