Interview

«La Suisse joue un rôle pionnier dans notre stratégie d’attractivité dans le monde»

Florian Schick est le CEO de Merck en Suisse. Il nous parle de ses défis en termes de recrutement et explique pourquoi la culture d’entreprise est au cœur de ses préoccupations.

Quel est votre plus grand défi en termes de recrutement?

Florian Schick: Le marché du Lifescience est très compétitif. En termes de recrutement, la Suisse, où est implanté notre centre R&D de première classe, le « Biotech Development Center », est comparable à la région de Boston aux Etats-Unis, où se situe notre centre de recherche mondial (Merck Research Laboratories, ndlr). Le bassin de candidats y est dense, avec des écoles de haut niveau. Dans cet environnement très concurrentiel, nous essayons de nous démarquer avec notre culture. C’est un immense défi et nous devons rester sur nos gardes en permanence.

Quel est votre priorité numéro 1 pour attirer les talents?

Nous souhaitons atteindre la parité de genre d’ici à 2030. Aujourd’hui, le taux d’emploi féminin se situe aux alentours des 40% dans le monde, toutes fonctions confondues. Pour atteindre cet objectif, nous devons comprendre les particularités inhérentes aux carrières féminines. Nous avons aussi mené une grande enquête en Europe pour mieux saisir les attentes de la Génération Z et Millenials. Parmi les résultats, le développement durable (sustainability), la quête de sens (purpose driven activities) et la diversité sont importants. Et ces thèmes sont encore plus demandés par nos employés suisses. La Suisse joue donc un rôle pionnier dans notre stratégie d’attractivité dans le monde.

Comment faites-vous pour changer votre culture dans ce sens?

Nous avons créé une communauté d’environ 100 collaborateurs•trices pour développer ces sujets. Ils se sont divisés en sept sous-groupes, les «Employee Ressource Groups», avec des thématiques spécifiques,  intergénérationnelles ou internationales : LGBTQ, Women in Leadership, Rainbow Alliance, «Green Teams».

Quels prestations RH offrez-vous pour vous démarquer de la concurence?

Plusieurs exemples me viennent à l’esprit : notre programme «Fertility benefit» ainsi que le «congé parental prolongé». Notre intention est d’accompagner les employés•es qui souhaitent fonder une famille. Nous proposons aussi des horaires de travail flexibles ainsi que des journées de bénévolat rémunérées.

Parlez-nous de ce «Fertility benefit»…

En Suisse, la fertilité des femmes est encore un sujet tabou. Nous devons donc commencer par informer et expliquer les enjeux autour de cette question. Aujourd’hui, un tiers des mères ont leur premier enfant après 35 ans. C’est une réalité: le désir de fonder une famille arrive toujours plus tard. Par ailleurs, en Suisse, un couple sur cinq rencontre des difficultés à concevoir un enfant. Notre offre est donc une manière de les soutenir sur ce chemin et de leur permettre de mieux concilier leur vie privée et professionnelle. Cette initiative a vu le jour à la suite de concertations internes et à la demande de nos employés.

Que proposez-vous concrètement?

Un soutien financier anonyme à tous nos collaborateurs•trices qui souhaitent y recourir, quelle que soit leur orientation sexuelle.

Un soutien anonyme?

Oui, l’anonymat est important car il y a encore beaucoup de réticences à parler du désir d’avoir des enfants. Ce n’est pas toujours facile de parler à son manager de projets personnels. A ce jour, les feedbacks sont très positifs. Nous sommes une des premières entreprises de Suisse à le proposer. A l’avenir, nous pensons que cette offre va se généraliser auprès des grandes entreprises suisses. Cela correspond aux attentes de la génération Z et des Millenials.

Comment décririez-vous la culture de Merck en Suisse?

Je dirais que c’est une culture du «care». La mission de Merck est de trouver des solutions pour ses patients. Ce «care» est donc au cœur de notre ADN. Nous sommes au service de nos employés, très attentifs à leur santé mentale et à leurs besoins. Je n’aime pas trop le terme Work-Life Balance, car les deux ne s’opposent pas. Nous passons le plus grand temps de notre vie au travail, l’espace de travail doit donc être un lieu d’épanouissement et de lien social. Notre rôle en tant qu’employeur est de créer un environnement sain. Cela contribue aussi à notre performance.

Quelle est votre part de responsabilité en tant que CEO?

Personnellement, j’ai beaucoup reçu de mes équipes et de mes managers. Vous n’arrivez pas au sommet d’une organisation tout seul. C’est donc aussi mon rôle de redonner à mes équipes tout ce que j’ai reçu. La croissance d’une entreprise est toujours le fruit d’un collectif.  Mon rôle en tant que leader est d’avoir une bonne intention, de m’engager et d’aller vers les gens et les écouter pour comprendre les exigences et pour agir.

Où tracez-vous la limite entre ce soutien du leader et la vie privée de vos collaborateurs?

Les limites sont fixées par les collaborateurs•trices eux-mêmes. C’est aussi une affaire de culture. Chez Merck, le respect est une des valeurs centrales que le management prend extrêmement au sérieux. Nous nous engageons à créer un environnement de confiance, de sécurité psychologique et de bienveillance dans lequel le partage d’opinion est encouragé.

L’intervenant

Florian Schick est le président de Merck Suisse depuis 2022. Merck Suisse compte plus de 2600 collaborateurs•trices de 50 nationalités (dont plus de 100 apprentis), répartis sur 9 filiales, dont 6 centres de production. Le groupe compte 64’000 collaborateurs dans le monde et est actif dans les secteurs healthcare,  lifescience et électronique.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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