Regards

La vidéo ouvre de nouvelles dimensions aux recruteurs, coachs et formateurs

Depuis le début de l’année, plusieurs nouvelles applications de la vidéo dans les processus RH ont fait leur apparition en Suisse romande. Du recrutement au coaching, les clips vidéos séduisent plusieurs acteurs en organisation. Mais c’est aussi un outil à double tranchant, le message «visuel» doit être ciblé et bien adapté au contexte, assurent les spécialistes. 

Ils attirent le regard et séduisent par leur faci­lité d'utilisation. Juste un clic sur le petit écran et vous voilà transporté dans un nouvel univers. Même plus besoin de lire. Se mettre à l'aise, brancher ses écouteurs et regarder. De­ puis le début de l'année, plusieurs nouvelles utilisations des clips vidéo ont fait leur apparition en Suisse romande. Tous en lien avec la vie en organisation. Preuve de cette soudaine émulation, plusieurs médias spécialisés se penchent depuis quelques mois sur les vidéos professionnelles. Parmi eux, l'émission «nou­vo» de la TSR (voir tous les liens en fin d'article) qui démarre sur le clip original d'un cadre français au chômage. Des millions d'internautes l'ont vu. Et lui a décroché son job. Mais derrière le strass de ce nouveau mé­dia, se filme une réalité plus nuancée. La vidéo est un outil à double tranchant qui ne convient pas à tous les corps de métier. Notre enquête. 

Le secteur du recrutement s'intéresse en premier aux potentiels des clips vidéo. Pi­onnière en Suisse romande, la société lausan­noise William Elliott (recrutement en marketing et vente) a envoyé ses premiers «CV vidé­os» en 2006. Créateur et associé de ce cabinet de conseil, Eric Flury, 39 ans, se souvient: «Nous avions vu des «CV vidéos» circuler en Espagne. Et cette manière de présenter les candidats nous semblait correspondre à nos secteurs d'activité, le marketing et le commer­cial, où le relationnel est une compétence im­portante». A l'aide de moyens techniques simples, ils proposent à leurs candidats d'optimiser leur CV avec une séquence vidéo de deux à trois minutes. «Le 90% de nos postu­lants acceptent de jouer le jeu. Parfois, nous devons leur offrir un coaching pour améliorer la présentation. Et dans quelques cas, la vidéo n'apporte rien de significatif et nous ne l'employons pas», note Eric Flury. 

Si le «CV vidéo» semble s'être bien implan­té dans les métiers relationnels, ce n'est pas toujours le cas ailleurs. «Le secteur bancaire est un peu plus réticent. La culture de la con­fidentialité et la relation qui se construit au moment de la rencontre physique y sont im­portants», estime Mathieu Grivel, HR Consul­tant chez Contaplus, spécialisé dans le re­crutement dans la comptabilité et la finance. Les métiers techniques sont également moins touchés par la tendance des présentations visuelles. 

Le recrutement par «CV vidéo» reste encore un phénomène marginal

L'autre limite touche à la gestion de grandes quantités de candidatures extérieures. Car même si les «CV vidéo» ne durent que quel­ques minutes, visionner des centaines de pré­sentations prend du temps. «La première sé­lection se fait toujours par le CV. Nous ne visionnons que les clips des profils retenus», indique Eleonora Ben­Zeineb, collaboratrice recrutement et chargée HR Marketing chez L'Oréal en Suisse. Elle poursuit: «Cela reste un phénomène rare que nous apprécions dans certains cas. Le siège de notre multinationale commence à utiliser les vidéos afin de facili­ter le recrutement de candidats internatio­naux. Il faut cependant préciser que cela don­ne une impression très subjective qui peut parfois desservir le candidat». Même constat chez William Elliot qui reçoit plus de 100 CV chaque jour. «Je mets 20 secondes pour me faire une bonne idée d'un CV. La vidéo est un plus pour cerner les compétences humaines d'un candidat», corrobore Eric Flury. 

Au sein de l'équipe de recrutement de Nestlé basée à Vevey, les «CV vidéos» commencent également à circu­ler. Directeur de ce centre de recrutement pour une vingtaine de sociétés du groupe Nestlé en Suisse, Michel Juillerat témoigne: «Pour certains postes, nous recevons 250 can­didatures. Le premier tri se fait avec le CV. Les vidéos sont encore très rares». Pour Michel Juillerat, la vidéo ajoute une nouvelle dimen­sion qu'il faut gérer de manière avisée. Cette façon de communiquer doit donc être bien préparée et doit pouvoir véhiculer un «mes­sage visuel» ciblé et bien adapté au contexte. La prise de vue doit être soignée, attention au cadrage et à l'environnement... 

Pour permettre aux candidats de se pré­senter de manière professionnelle, le portail emploi suisse jobtic.ch a lancé en juin un nou­veau service. Pour un prix qui varie entre 1500 et 2000 francs (non­cadre, cadre), la société invite les candidats dans ses locaux pour une demi­journée de coaching. Un professionnel RH et un spécialiste des médias aide la person­ne à optimiser sa présentation. Les «CV vidé­os» durent entre une minute trente et deux minutes, selon le profil. Puis vient le montage en studio. «Ces petits clips permettent de se démarquer. Peu importe le temps que cela prendra, nous nous efforçons de les mettre à l'aise. Nous travaillons sur l'élocution, la lu­mière et la posture. Quant au contenu, nous discutons des forces et faiblesses, puis nous structurons le tout dans un script vidéo», ex­plique Raphael Sola, responsable communica­tion et rédacteur en chef de JobticMag. Mais cette préparation en amont ne biaise­t­elle pas le message? «Les recruteurs se feront de toute manière leur propre idée lors du premier en­tretien. Ce n'est donc pas possible de tricher. Le «CV vidéo» est un bon complément, une aide à la prise de décision. Il permet égale­ment d'économiser du temps lors de la premi­ère sélection», assure Raphael Sola. A terme, jobtic.ch ambitionne de développer une base de données avec plusieurs centaines de «CV vidéos». 

C'est également l'ambition de la société fribourgeoise Dartfish. Ce spin off de l'EPFL, spécialisée dans les logiciels pour le traite­ment des images sportives a développé sa pro­pre chaîne de TV via internet. En échange d'une inscription, il est désormais possible d'obtenir des accès (avec l'autorisation des candidats) à des «media books». Ce concept est le fruit d'une collaboration avec le consultant indépendant Olivier Gross. Ce dernier utilise la vidéo comme outil de coaching depuis 2006. «Plus qu'un «CV vidéo», le «media book» est un condensé des compétences relati­onnelles du candidat. Je mène un entretien structuré, sans préparation en amont, afin de coller au maximum à la réalité. Puis nous vi­sionnons le clip ensemble et le candidat choi­sit les douze séquences qu'il estime être les plus authentiques». Le «media book» ne dépas­se pas les deux minutes. 

En plus de ces «media books», Olivier Gross utilise la vidéo pour coacher les mana­gers. Le cadre est filmé lors d'une séance. A l'aide du logiciel, également développé par dartfish, Olivier Gross séquence «in vivo» les événements pertinents qu'il visionne ensuite avec le manager. «La vidéo permet de travailler sur le langage non verbal. Une main qui s'agite au mauvais moment, la tête qui reste scotchée sur la présentation «Power Point», ces indices nous permettent de travailler sur les soft­ skills», explique Olivier Gross.

Un film vidéo qui détaille les étapes pour réussir une transition de carrière

Signe que la vidéo séduit de plus en plus les professionnels de la GRH en Suisse romande: HEC et la formation continue de l'Université de Genève viennent de lancer un nouveau cours de transition de carrière avec un sup­port vidéo. Cette formation, baptisée «Self lea­dership» est un mix entre le travail avec la vidéo, des travaux d'approfondissement on­ line et des coachings individuels ou en grou­pe. L'aspect vidéo se décline en quatre parties. Très agréables d'accès puisqu'il est possible de les visionner quasiment n'importe où (il faut simplement assez de courant pour votre ordi­nateur), ces séquences sont un mélange de présentation théorique, animée par le pro­fesseur de GRH Jean­Yves Mercier et de témoi­gnages de managers, de DRH et de consultan­ts. Les quatre CD détaillent les étapes importantes pour réussir une transition de carrière. Quel type de manager êtes­vous (expert, manager, leader)? Comment travailler avec vos compétences, comportements et émotions? Quelles sont vos valeurs? Ces questionne­ments permettent ensuite de dégager des pro­jets professionnels nouveaux. Le cours donne aussi des clés pour réussir (cartographie, ré­seau). L'aller­retour entre les explications thé­oriques et les témoignages est un vrai plus. 

Rencontrée en marge de la dernière jour­née des entrepreneurs romands de Rezonance à Genève, la Suédoise d'origine Annika Mansson s'intéresse également de près au potentiel des clips vidéos. Elle vient de lancer Manage­rama.tv, en partenariat avec l'éditeur de news web toutlecontenu.com. Managerama.tv dif­fuse chaque semaine des chroniques vidéo et des entretiens avec des DRH suisses romands sur des thèmes d'actualité de la fonction RH. Et le succès semble être au rendez­vous. «Mon idée était d'élargir le débat, de partager les expériences pour améliorer les pratiques ma­nagériales», raconte Annika Mansson. Le site est divisé en trois parties: 1. Des articles écrits 2. Les interviews de managers 3. Les minutes d'Annika. «L'interactivité est à la base de mon projet. Aujourd'hui, les gens manquent de temps pour se former ou pour lire des ou­vrages spécialisés. Partager son expérience sur un clip vidéo est un moyen simple et agréable d'utiliser les ressources de chacun pour se développer.»  

Les liens

www.nouvo.ch

www.william-elliot.ch

www.managerama.tv

www.dartfish.com

www.cfc-grosso.ch

jean-yves.mercier@unige.ch

www.jobtic.ch 

Les intervenants

Eric Flury, fondateur de William Eliot à Lausanne.

 

Les intervenants

Eleonora Ben-Zeineb, L'Oréal Suisse.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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