Work-life balance

L'assurance maternité souffle ses dix bougies sur fond d'adaptation

Depuis son entrée en vigueur il y a dix ans, plus de 600'000 femmes ont profité du congé maternité. Une telle assurance a mis 100 ans à s'imposer. Et les débats d'hier reviennent sur le devant de la scène.

Berne (ats) Premier sujet à controverse, la durée. "Au départ, la discussion portait sur seize semaines de congé. Finalement, le compromis est tombé à 14", explique Valérie Borioli Sandoz, responsable de la politique d'égalité chez Travail.Suisse.

Or ce temps est souvent jugé insuffisant. Selon un sondage mené en 2012 par l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS), 60% des mères prennent plus de 14 semaines de repos. Pour rester plus longtemps auprès de leur bébé, la moitié d'entre elles ont pris un congé non rémunéré. Mais "seules les salariées aux revenus moyens ou élevés peuvent se le permettre", souligne Valérie Borioli Sandoz.

Congé prénatal

Pour l'Union Syndicale Suisse (USS), 14 semaines ce n'est pas assez. Il en va de même pour Travail.Suisse pour qui c'est le strict minimum. L'organisation syndicale est d'ailleurs favorable à un congé prénatal élargi à l'heure où 90% des femmes enceintes s'arrêtent de travailler avant terme.

Les milieux patronaux ne remettent pas en cause ces 14 semaines, mais ils ne souhaitent pas augmenter leur nombre. Ils accueillent également avec scepticisme l'idée d'un congé prénatal.

Autre élément de discorde, la part du salaire prise en charge par l'assurance. Au début, on hésitait entre 80% et 90% de la rétribution. "80% de la rémunération, ce n'est clairement pas suffisant pour les femmes avec des bas revenus", soutient l'USS.

Pour faire entendre sa voix, le syndicat organise mercredi prochain une fête d'anniversaire des dix ans de l'assurance maternité. Elle se déroulera sur la place fédérale à Berne.

APG à la caisse

La source de financement a aussi fait couler beaucoup d'encre. En 1987, l'idée de financer le congé maternité via l'assurance-maladie est balayée. Douze ans plus tard, le peuple refuse le modèle d'un prélèvement sur la TVA. Finalement, c'est l'assurance perte de gains (APG) qui prendra en charge cette dépense.

Aujourd'hui, l'APG joue de moins en moins son rôle initial de soutien aux hommes engagés sous les drapeaux. Les allocations versées dans le cadre du service miliaire sont, en effet, en constante diminution, en raison de la baisse des effectifs dans l'armée.

Afin que cette indemnité profite à nouveau aux hommes, Travail.Suisse propose d'instaurer un congé paternité financé par l'APG. "A l'heure actuelle, un jeune papa a droit à un jour de congé au minimum comme pour un déménagement. Sans rien changer au système, le régime des APG est à même de financer une telle mesure", plaide Valérie Borioli Sandoz.

Selon les chiffres de l'OFAS, un congé pour les pères de deux semaines coûterait 190 millions par année et le double pour 20 jours comme l'exige Travail.Suisse.

Papas poules

Pour l'organisation syndicale, cette mesure se justifie du fait que les pères souhaitent être présents à la naissance de leur enfant. "Beaucoup d'entre eux prennent leurs vacances à ce moment-là. Certains même accumulent les heures supplémentaires pour pouvoir s'octroyer quelques jours de congé lors de l'heureux événement", confie Valérie Borioli Sandoz.

Un tel projet pourrait être au menu des discussions au parlement. En avril dernier, la commission de la sécurité sociale du National a accepté l'initiative parlementaire de Martin Candinas (PDC/GR) qui souhaite instaurer deux semaines de congé paternité. La balle est désormais dans le camp de la commission ad hoc du Conseil des Etats. Celle-ci devrait se prononcer le 1er septembre.

Discrimination à l'embauche

A plus long terme, Travail.Suisse milite pour un congé parental à se partager entre la mère et le père. Ce système permettrait de lutter plus efficacement contre la discrimination liée à la maternité, malheureusement encore bien présente dans le monde du travail.

"Des cas de licenciements survenus juste après le délai de protection de 16 semaines suite à la naissance d'un enfant et de discrimination féminine à l'embauche nous sont fréquemment rapportés", confie Valérie Borioli Sandoz.

"Au final, le congé maternité est devenu une pièce importante d'un puzzle complexe, qu'il s'agit d'ajuster un peu", conclut la syndicaliste.

Le congé maternité en Suisse et ailleurs

En Suisse, les femmes disposent d'un congé maternité de 14 semaines. Les allocations pour perte de gain (APG) couvrent 80% de leur salaire avec un maximum de 196 francs d'allocation journalière. Petit tour d'horizon dans les pays voisins.

En Allemagne, les parents bénéficient d'un an de congé avec 67% du salaire versé, plafonné à 1800 euros par mois. Les Autrichiennes, Françaises et Néerlandaises ont 16 semaines rémunérées à 100%. Les Espagnoles bénéficient aussi de 16 semaines durant lesquelles sont versées au moins 75% de leur salaire. En Italie, la mère reçoit 80% de sa rémunération durant cinq mois.

Au Danemark, les parents disposent de 29 semaines, les dix dernières pouvant être accordées aux pères. Celui-ci a aussi droit à deux semaines de vacances rémunérées à la naissance de l'enfant. Durant la période de congé parental, père et mère reçoivent 90% ou la totalité de leur salaire.

Les Finlandais bénéficient d'un congé parental de 52 semaines couvrant en moyenne 66% du revenu. En Norvège, les salariés et les indépendants peuvent opter pour un congé parental de 52 semaines avec 80% du salaire versé ou 42 semaines avec 100% de la rémunération. Les parents suédois ont 64 semaines. L'indemnisation couvre 80% de la rétribution salariale.

Un long accouchement

Le congé maternité a mis 100 ans à s'imposer. Retour sur ses dates clés.

  • 1877: La loi fédérale sur le travail dans les fabriques impose aux mères une période de repos de huit semaines. Le Conseil fédéral peut en outre interdire aux femmes d'exercer une activité rémunérée dans d'autres secteurs durant cette période.
     
  • 1904: Première pétition au Conseil fédéral en faveur d'une assurance maternité. Cette action restera sans suite.
     
  • 1940: Mise en place de l'assurance perte de gains (APG) pour soutenir les familles des soldats mobilisés.
     
  • 1945: La constitution impose à la Confédération d'instaurer une assurance maternité au niveau fédéral.
     
  • 1984: Une initiative populaire visant à légiférer en la matière est refusée.
     
  • 1987: L'idée d'introduire un congé maternité dans l'assurance-maladie est balayée par le souverain.
     
  • 13 juin 1999: Le peuple refuse le modèle d'une assurance maternité financée par la TVA.
     
  • Juillet 2001: Entrée en vigueur d'une assurance maternité dans le canton de Genève.
     
  • Octobre 2003: Les Chambres acceptent un congé maternité de 14 semaines avec 80% du salaire. Un referendum est lancé.
     
  • 26 septembre 2004: Acceptation par le peuple à 55,4% du congé maternité, après une vingtaine de tentatives pour l'introduire.
     
  • 1er juillet 2005: Entrée en vigueur de la modification de la loi sur les allocations pour perte de gain (LAPG) qui introduit l'allocation maternité.

 

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Texte: ATS

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