«Séparer les pouvoirs entre le conseil et le comité de direction».
Sur le sujet de la gouvernance d’entreprise, elle est intarissable: «Les conseils d’administration suisses souffrent d’un manque de diversité. La pratique habituelle est de coopter un administrateur dans les réseaux personnels du dirigeant-propriétaire. Ce qui explique l’effet clonage: beaucoup d’avocats et d’experts comptables, très souvent des hommes. Cette pratique est risquée. Un conseil d’administration exerce la haute surveillance et la haute direction de l’entreprise, il sera tenu responsable en cas d’erreurs de gestion (le non paiement des assurances sociales par exemple, ndlr). Il faut donc, dans la mesure du possible, séparer les pouvoirs entre le conseil et le comité de direction.»
Elle poursuit: «Les études montrent qu’une société est plus performante si sa gouvernance est assurée par un groupe de personnes d’horizons différents. Il faut des gens qui connaissent plusieurs secteurs d’activité, avec une diversité de métiers, d’âge et de genre. On oublie souvent que plus de la moitié des consommateurs sont des consommatrices. Et de par leur activité de mère, les femmes ont une vision qui porte sur le long terme. Elles savent mieux que quiconque que les décisions prises aujourd’hui devront être assumées par nos enfants dans trente ans.» Diane Reinhard sait également que si les sociétés commencent à recruter plus de femmes dans leur conseil d’administration, cela aura un effet sur la politique de recrutement de la société; sur l’égalité salariale; sur le plafond de verre et sur les postes à temps partiel pour les hommes dans les comités de direction…
Diane Reinhard reprend son souffle. HR Today en profite pour oser une question critique. Comment évalue-t-elle la différence entre les hommes et les femmes? Ne sommes-nous pas avant tout des êtres humains? Elle réfléchit, avant de sourire: «Je suis mariée depuis 34 ans. Je sais par expérience que nous ne pensons pas de la même manière. Si on demandait aux femmes de construire des voitures, elles les imagineraient différemment. Nous avons un autre regard sur la vie.»
Logopédiste, cheffe des finances, politicienne et joueuse de golfe
Le sien de regard a vu le jour à La Chaud-de-Fonds. Fille unique, son père est lithographe chez Helio-Courvoisier (imprimeur de timbres), sa mère tient un salon de coiffure important. «Ma maman a toujours travaillé. Petite, je devais l’aider avec les shampoings, la gestion des stocks et la comptabilité.» Forte tête, Diane Reinhard refuse pourtant de reprendre l’affaire. Elle préfère étudier la logopédie. Un métier qu’elle pratique pendant une dizaine d’années comme indépendante puis, à la naissance de ses enfants, en hôpital (traitement des personnes victimes d’attaque cérébrale ayant perdu la parole). «C’était très dur. Ces personnes étaient tellement désespérées qu’il fallait avoir un moral de fer pour les accompagner.» Son époux est médecin généraliste FMH à Couvet (canton de Neuchâtel). A la naissance du troisième enfant, elle cesse son activité de logopédiste et seconde son mari au cabinet. En parallèle, elle se lance en politique. Elle y apprend notamment que les connaissances financières et économiques sont indispensables et décide d’entreprendre des études d’économie. Conseillère générale, conseillère communale, députée (Parti socialiste), elle termine son parcours politique comme candidate au Conseil d’Etat neuchâtelois, sur la même liste que Bernard Soguel et Jean Studer. Elle arrive en cinquième position et assure avoir beaucoup appris pendant la campagne.
Commence une troisième vie en tant qu’économiste, directrice finances et RH pour la Société industrielle du Doubs, puis au syndicat comedia. En 2001, professeure de finances à la HEG Arc de Neuchâtel, elle crée l’axe stratégique de recherche appliquée «femme et emploi» et initie une série de projets visant à booster les carrières féminines. En 2006, elle crée sa propre entreprise spécialisée en controlling, stratégie et gestion de projets internationaux, puis en 2014, Board2win dont le but est d’augmenter la part des femmes dans les conseils d’administration. Joueuse de golf, grand-mère depuis peu («la plus belle chose qui me soit arrivée»), elle consacre le reste de son temps à faire avancer l’atout «femme» dans les entreprises du pays. «J’ai décidé de prendre ma retraite en 2017 et d’avoir tout mis en place pour que la relève soit assurée. En trois ans, on accomplit beaucoup de choses», assure-t-elle, en éclatant de rire.
* Diane Reinhard vient de publier un Dossier HRM sur ce sujet: Plus de femmes dans les conseils d’administration. Augmenter la performance par des visions croisées et des décisions assurant la durabilité, éd. Jobindex Media ag, juin 2014, 48 pages.
Bio express
- 1952 Naissance à La Chaud-de-Fonds
- 1975 Diplôme de logopédiste
- 1995 Diplôme d’économiste, ESCA Neuchâtel 2006 Fonde Potentialyse, conseils d’entreprises
- 2014 Fonde Board2win (gouvernance d´entreprises)