Son service de presse a dû nous envoyer son livre deux fois pour attirer notre attention. Le premier envoi avait été placé sur la pile des livres «à lire quand on aura du temps». Son titre: «48 clés pour un management durable. Bien-être et performance»*, nous avait laissé croire à un énième grand écart éditorial, dont les consultants sont coutumiers quand ils tentent de nous expliquer que le bien-être des collaborateurs mène à la performance des actionnaires. Comme souvent, il ne faut pas se fier aux apparences. La lecture du bouquin nous a touchés au cœur. Voici donc son auteur en portrait dans HR Today. Un casting rare pour un consultant. Mais le message de Xavier Camby mérite d’être entendu. Et son propos ne se situe pas dans cette dialectique réductionniste qui oppose le «grand méchant patronat» aux «petits travailleurs rouges». «J’ai été moi-même directeur d’entreprise et manager», nous confie-t-il pendant une interview à lire sur hrtoday.ch. «Je sais aussi que ce sont parfois les collaborateurs qui sont en cause.» Pour l’entretien, il nous accueille dans les locaux genevois d’Essentiel Management, la société de conseils en management et formation qu’il a créée en 2014. Son discours s’adresse avant tout aux managers, car «ce sont eux les premiers leviers pour éradiquer la souffrance au travail», pose-t-il d’emblée.
Xavier Camby parle vite et bien. Pour reprendre un terme qu’il affectionne, on peut dire de lui qu’il est congruent. Ses paroles sont en accord avec son langage corporel et donc avec ses valeurs personnelles. Laissons-le nous détailler sa posture: «Toutes mes expériences m’ont prouvé que la souffrance au travail n’est pas une fatalité. Le travail fatigue, certes, car il s’agit de produire de la valeur. Mais je refuse d’accepter qu’il atteigne, blesse ou détruise la personnalité. J’estime au contraire que le travail est un lieu de réalisation de soi, de dépassement de ses limites et de création intense. Il renforce notre confiance en nous-mêmes et nous donne, le soir, cette douce satisfaction du bon ouvrage.» Ce discours positif l’amène donc à refuser les effets négatifs du travail sur les relations humaines. Car le nœud du problème est là, assure-t-il. «Nous sommes faits pour la relation positive avec les autres et c’est cette collaboration qui permet la création de valeur.»
«Ce que tu redoutes pour toi-même ne le fais pas à autrui»
Il reste pourtant réaliste et convient sans détours que la place de travail est souvent un lieu de fortes tensions et de conflits, parfois dévastateurs. «Les managers sont les premières victimes de ces comportements toxiques de même qu’ils sont les premiers vecteurs de ces tensions, très souvent de manière inconsciente d’ailleurs.» De manière inconsciente? Il donne des exemples: «Envoyer son collaborateur chez un client difficile sans l’accompagner; nommer un collaborateur à un poste de responsabilité sans le former; commencer la semaine en poussant un coup de gueule pour motiver ses équipes... Ce sont tous des exemples vécus. Si je dis que ces comportements toxiques sont inconscients, c’est parce que les managers croient sincèrement rendre service à leurs collaborateurs en les mettant dans ces situations difficiles. Pour paraphraser Nietzsche, ces managers pensent que ce qui ne tue pas leurs collaborateurs les rendra plus forts. C’est évidemment faux et contre-productif», détaille Xavier Camby. Lui propose au contraire de s’appuyer sur le fameux impératif catégorique de Kant: «Ce que tu redoutes pour toi-même ne le fais pas à autrui; ce que tu désires qu’il te soit fait; fais-le toi-même pour les autres.» Il poursuit: «Les managers sont trop souvent des pompiers-incendiaires. Ils peuvent avoir les meilleures intentions du monde associées à des comportements toxiques. C’est pourquoi il est assez difficile de les faire changer. Ils pensent que manager est un acte intuitif, alors que c’est un métier difficile, qui s’apprend.»
Quels conseils donnerait-il à un responsable RH afin de transformer cette posture managériale en organisation? «Il faut commencer par le comité de direction. Car le poisson guérit par la tête. C’est à eux de décider les nouvelles valeurs et le plan de formation que vous allez mettre en place. Ensuite, je conseille de réaliser un diagnostic de la situation dans votre entreprise. Je propose des entretiens informels sans autre objectif que d’écouter la personne. Cette qualité d’écoute se travaille. Elle est la seule qui permettra de détecter les indices de comportements toxiques. Il faut autoriser les collaborateurs à parler de leurs frustrations, de leur sentiment d’être incompris par leur supérieur ou de manquer de leur confiance». Xavier Camby ajoute qu’une formation à la communication émotionnelle et non-verbale est indispensable. Son troisième conseil aux DRH est de veiller à ce que tous les collaborateurs qui sont nommés à des postes de responsabilité managériale obtiennent une formation adéquate. Adéquate? «Oui, des formations dans la durée, itératives et surtout réelles et concrètes, avec des mises en situation.» Enfin, il conseille à la fonction RH d’«identifier les méta-valeurs de la société. Celles-ci ne sont pas nécessairement affichées dans le hall d’entrée», dit-il. «Ces méta-valeurs peuvent être l’écoute ou le droit à l’erreur. Puis il faut aligner toutes les pratiques RH sur ces vraies valeurs.»