Quelles sont les compétences RH qui sont les plus utiles sur le terrain?
MN: L’assertivité et l’intelligence émotionnelle.
Qu’entendez-vous par assertivité?
MN: La capacité à délivrer un message sans tomber dans un jeu de pouvoir, sans laisser l’humain prendre le dessus sur la compétence, être capable d’amener une discussion vers les sujets importants.
Comment peut-on vérifier l’intelligence émotionnelle?
MN: Oh, avant de la tester, on essaie de la développer (rires).
Comment?
MN: Nous commençons avec une partie théorique sur la psychologie, le fonctionnement humain et les différents processus liés aux émotions. Puis, nous les mettons en situation et nous demandons aux candidats: ok il s’est passé cela, pourquoi à votre avis? Nous leur apprenons à réagir de manière plus neutre ou professionnelle dans chacune des situations. Mais tout cela n’est possible que si, en amont, ils ont eu une formation théorique – que nous donnons aussi – qui dure six à huit mois. C’est bien de savoir communiquer, mais si vous n’avez pas les connaissances de base, factuelles, cela n’ira pas.
Du côté des examens, quelles sont les compétences que vous estimez incontournables?
CG: Par exemple, en ce qui concerne l’examen oral «présentation et discussion», le candidat doit démontrer qu’il est capable d’analyser un sujet, de cerner les enjeux et de préparer une présentation, le tout en 50 minutes. Sa présentation doit être convaincante et inclure des solutions concrètes qu’il défendra et débattra avec les experts.
Et encore?
CG: L’empathie, la compréhension et l’intelligence émotionnelle. Qu’est-ce qui est réellement en jeu dans une situation spécifique? Le candidat est-il capable de décoder le verbal, le non-verbal? A chaque situation, nous attendons qu’il propose des solutions concrètes pour régler le problème, dans un délai très court.
HD: Et nous choisissons des cas vécus. Nous constatons que les participants apprécient ces nouvelles manières d’apprendre.
On pourrait critiquer que la filière du brevet RH mène vers une posture basse. Vos candidats savent maîtriser des processus, mais pas ou peu les dynamiques humaines. En d’autres termes, vos diplômés savent gérer des ressources plutôt que des relations humaines...
CG: C’était exactement le problème de l’ancien examen. Il ne correspondait plus à la demande des entreprises. Mais la création d’une nouvelle procédure d’examen prend du temps. Il y a de nombreuses parties prenantes à interroger et à convaincre. Les premières discussions ont démarré déjà en 2013.
Je répète la question, peut-on vraiment acquérir une bonne connaissance des dynamiques humaines, ce recul et cette maturité émotionnelle en faisant six mois de cours bloc et quelques mises en situation?
CG: Non, vous avez raison. C’est bien pour cela que nous avons introduit des pré-requis élevés. Pour avoir le droit de se présenter à l’examen, nous exigeons au moins deux ans d’expériences qualifiées dans le domaine de spécialisation. Nous ne souhaitons plus de candidats qui se forment uniquement de manière théorique, tous seuls à la maison.
MN: Oui, ces pré-requis changent fondamentalement la donne. Quelqu’un qui veut décrocher le brevet RH A (gestion RH en entreprise, ndlr) doit avoir un peu tout vu dans sa branche, avant de pouvoir commencer sa formation.
Je comprends que ces prérequis changent la donne. Mais du point de vue de la formation, vos cours suffisent-ils vraiment?
MN: Oui, je pense que notre offre suffit. J’en suis même certaine. Et j’ajouterais que notre enseignement ne s’arrête pas une fois le cours terminé. Nous leur donnons des outils théoriques, mais aussi des attitudes à avoir. Nos candidats sont sur le terrain et nous leur demandons de mettre en pratique ce qu’ils apprennent avec nous. Cela représente donc bien plus que quelques heures de cours durant six mois. Nous essayons de changer leur attitude face à leur profession. Je constate d’ailleurs de vraies différences entre leurs réactions à leur arrivée chez nous et celles qu’ils ont au moment où ils nous quittent.
Quelles différences?
MN: Ils sont sortis de leur bureau, au sens propre et figuré. Ils sont devenus conscients des interactions entre la vie privée et professionnelle, entre les partenaires de l’entreprise et ils sont capables de voir les liens.
HD: C’est aussi pour cette raison que nous avons gardé beaucoup de présentiel dans notre cursus. Cela stimule les échanges entre les participants et les chargés de cours.
Je constate aujourd’hui qu’il y a peu de jeunes RH qui sortent du lot, qui ont des idées originales et qui osent les exprimer. Où sont-ils?
MN: Je suis assez d’accord avec vous sur le fond. Une sorte de bienveillance et de bonne pratique se développe. Cela dit, je pense aussi que les bons restent en place. Et il y en a beaucoup qui quittent les RH. Heureusement, car nous en délivrons beaucoup sur le marché (sourire).
Vous délivrez de nombreux RH sur le marché, dites-vous... Le marché n’est-il pas saturé?
MN: Non, car le métier RH se diversifie: le marketing RH, tous les métiers liés à la santé au travail, le case management, les Work-Life Balance Officers, les Business Partners, tous ces métiers sont relativement nouveaux.
Donc vous ne pensez pas que le marché de l’emploi RH est saturé?
MN: Non, clairement pas.
CG: On le pense chaque année, mais on constate qu’il y a toujours entre 1000 et 1200 inscriptions pour l’examen.
MN: J’ajouterais que le métier RH mène vers de nombreux débouchés. Et de nombreuses personnes passent leur brevet RH pour valider leur parcours.
Quelle est votre analyse de la posture RH en organisation?
MN: Selon moi, un bon RH est un électron libre. Il est capable de prendre la direction par le collet et de lui dire: maintenant tu sors de ton bureau et tu viens t’exprimer car on a besoin de toi. Mais il est aussi capable d’aller voir un collaborateur et de lui dire: je suis à votre écoute. En plus de cette liberté d’action, il doit être conscient des enjeux et de la responsabilité énorme qu’il assume. Tout ce qu’il touche est délicat.
Tour de table
Marie Naudy (à gauche) est la directrice générale du groupe Sidin Hotels (notamment propriétaire de l’Hôtel Victoria à Lausanne, de l’Hôtel Préalpina à Chexbres/Vevey et de l’Hôtel de la Rose à Fribourg). Elle est également responsable pédagogique du cursus Brevet fédéral RH de Romandie Formation.
Christian Gross est HR Business Partner chez cablex, une société appartenant au groupe Swisscom. Il est également le président de la commission des examens du brevet fédéral RH, une entité qui est gérée par l’association faîtière HRSE (Human Ressources Swiss Exams).
Hortense Donon (à droite) est la directrice des cours de Romandie Formation. Appartenant au Centre Patronal, ce centre de formation prépare aux brevets et diplômes techniques (électricien, coiffeur, mécanicien, tôlier), en management (chef de projet, gestion de PME), en commerce de détail et dans les services (RH, assurances sociales).