Santé et travail

Le burn-out, une imposture?

Non, le burn-out n'est pas une imposture. Aucun de ceux qui ont accompagné de vrais accidentés psychiques ne pourra jamais le prétendre. Moins encore ceux qui ont souffert d'un réel burn-out!

L'incessante discordance des discours prétendument autorisés, l'absence ou les silences gênés de la Faculté, les postulats idéologiques variés autant que fantaisistes, certaines croyances enfin, en forme de déni du réel, pourraient cependant faire croire à l'inconsistance de cette réalité hélas certaine.

A titre d'exemple: tout passe désormais en France par une loi ou un règlement, associés à un fort battage idéologique et médiatique. C'est donc sur proposition d'un ministre, à la suite d'une petite pétition (10’000 signataires) et d'un habile lobbying, qu'une trentaine de parlementaires français se sont saisis du burn-out afin de faire reconnaître un caractère professionnel à cet «accident».

Il n'est pas sûr qu'il s'agisse là de la bonne réponse à cette pandémie, aussi méconnue que complexe. Qu'est-ce donc qu'un vrai burn-out, quelles sont ses formes particulières - qui le distinguent du stress ou de la dépression - et surtout quelles sont les méthodes efficaces et pérennes pour le prévenir ou le guérir?

Les croyances idéologiques, les enjeux politiques, financiers ou de santé publique dont beaucoup trop parlent et sans cesse, en parfaite ignorance de cause, apparaissent alors bien secondaires!

Qu'est qu'un burn-out?

Le psychanalyste américain Herbert J. Freudenberger a développé et vulgarisé ce concept dans les années 70, à la suite de Harold B. Bradley qui, le premier, l'a décrit.

La description de Freudenberger est explicite : «En tant que psychanalyste praticien, je me suis rendu compte que les gens sont parfois victimes d’incendie, tout comme les immeubles. Sous la tension produite par la vie dans notre monde complexe, leurs ressources internes en viennent à se consumer comme sous l’action des flammes, ne laissant qu’un vide immense à l’intérieur, même si l’enveloppe externe semble plus ou moins intacte.»

Cette observation porte sur des bénévoles-soignants, au sein d'un hôpital américain public, accueillant des toxicomanes. Freudenberger observe que ces bénévoles enthousiastes et volontaires peuvent perdre toute motivation et toute énergie, sans aucune cause apparente, après quelques mois de travail seulement.

Il récence les différents symptômes qui accompagnent cet incendie intime, tels que l’épuisement, la fatigue, des maux de tête, des troubles gastro-intestinaux ou respiratoires et des insomnies.

A la même époque (de 1956 à 1977), l'endocrinologue Hans Selye publie ses recherches sur le stress, qu'il identifie comme une réponse unique (non-spécifique) de l'ensemble de l'organisme (le métabolisme tout entier: neuronal, hormonal, etc.) pour se défendre face à une agression (réelle ou imaginaire). La définition évoluera; l'engagement biologique tout entier du corps du stressé ne cessera cependant d'être confirmé.

L'épuisement né du stress est physique, métabolique, et non pas seulement psychique, à l'inverse de celui d'une victime d'un burn-out. Si leurs symptômes peuvent se ressembler, leurs causes en sont donc clairement différentes, encore que potentiellement miscibles.

La dépression est quant à elle une pathologie, dont les causes semblent être principalement endogènes, contrairement au burn-out et au stress. Il s'agit d'une vraie pathologie qui requiert un authentique traitement médical.

La plus grande confusion règne dans le corps médical au sujet du burn-out, au détriment hélas de ceux qui souffrent. En Amérique du Nord, en Allemagne, en France et en Suisse, la Faculté propose une unique – même si double – réponse lors du prétendu diagnostic, souvent très aléatoire, d'un burn-out.

La «camisole chimique» est le premier des subterfuges médicaux, abrutissant encore davantage celui qui souffre et le privant de ses propres ressources psychiques et personnelles, qu'il est pourtant essentiel de savoir remobiliser pour guérir vraiment. Soignons donc allègrement les symptômes plutôt que les causes, afin d'enterrer le cas!

Le second est hélas tout aussi systématique: le renvoi dans la sphère privée – et donc culpabilisante – par la prescription d'un traitement psychanalytique de cet accident professionnel. L'expérience montre que cet accident est toujours lié à une forme certaine de toxicité de l'environnement professionnel. Mais seul le souffrant en serait responsable?

Brûlé de l'intérieur, abruti de tranquillisants plus ou moins bien dosés, dramatiquement isolé, le burn-outé est encore renvoyé à sa seule responsabilité, inconsciente, qui plus est! Le petit trou d'air initial est devenu un abime sans fond.

Comment être surpris que si peu s'en sortent réellement ou définitivement? Comment éviter les récidives et les burn-out en série?

Les formes d'un authentique burn-out

Le mot burn-out est devenu une dénomination générique. Il a perdu son sens originel et sert désormais à décrire beaucoup trop d'embarras ou d'accidents professionnels, sans assez de précision. Selon notre expérience, il est existe 3 formes réelles, alternatives et miscibles, qui caractérisent un véritable burn-out.

La première forme est un épuisement psychique profond. Le corps semble indemne, mais il n'y a plus d'énergie psychique. Les batteries ont été épuisées et la prise pour les réalimenter est perdue.

Si cette forme est la plus fréquente, elle est aussi la plus simple et la plus rapide à guérir. L'expérience montre que quelques exercices, simples et quotidiens, pendant quelques semaines, peuvent suffire à restaurer la personnalité dans son intégralité et lui permettre de créer sa propre résilience, pour l'avenir. Une forme d'heureuse mithridatisation, en quelque sorte.

Ce cas est majoritairement celui des managers prétendument stressés, bourreaux de travail consommés, écolos dans leurs assiettes mais qui se laissent intoxiquer sans aucune écologie psychique ni morale.

La seconde forme est plus rare, plus intense et plus profonde aussi. Il s'agit de l'écoeurement professionnel, appelé le bore-out. Contrairement à l'épuisement, il est quasiment imprévisible, immédiat ou instantané. Sa prévention est donc plus complexe.

Il se caractérise, chez celui qui en est victime, par un général et profond dégoût de sa vie professionnelle actuelle. Les manifestations du bore-out sont souvent et premièrement physiques: vertiges, nausées, vomissements, agitations et insomnies. La volonté de s'enfuir est un premier stade. A l'état ultime, cette forme de souffrance psychique peut mener au suicide.

La troisième est quasi inconnue en Europe de l'Ouest (par la Faculté, toujours): il s'agit de ce que les Américains appellent le syndrome d'imposture (ou de l'imposteur). Une image intérieurement dégradée de soi-même en est à l'origine. Celui ou celle qui en souffre s'enferme dans la terreur de l'importun qui viendra certainement, un jour, dénoncer devant tous son imposture – pourtant entièrement fictive.

Il vit donc dans l'angoisse de la découverte par ceux qu'il aime qu'il est un imposteur – ce qui est faux! Le diagnostic précis de ce syndrome est assez aisé, pour peu qu'on sache écouter et entendre. Il contribue à un peu plus d'un tiers des burn-out que nous avons pu connaître et guérir.

Comment prévenir?

Né dans un hôpital aux USA, le burn-out a désormais envahi l'entreprise et un très grand nombre d'organisations, d'administrations, d'ONG et même certaines associations caritatives ou de bienveillance. Sa progression semble irrésistible, voire exponentielle.

Nous l'avons dit : s'il partage des symptômes avec le stress ou la dépression, les causes du burn-out comme ses mécanismes internes sont très différents.

Tous, nous sommes attentifs à ce avec quoi nous nourrissons notre corps et nous veillons à bien alimenter notre intelligence consciente de savoirs utiles. Il n'en est pas de même avec notre psychisme, c'est-à-dire la partie inconsciente de notre esprit. Ecolos dans nos assiettes, nous pouvons nous laisser aller à la plus grande incurie ou goinfrerie toxique avec notre personnalité la plus profonde.

Les outils de prévention des troubles des comportements professionnels – travestis en risques psycho-sociaux par on ne sait quel carnaval de l'hypocrisie sémantique – sont simples, de bon sens et très efficaces.

Profondément curatifs, ils procèdent d'un renouvellement d'une bonne écologie humaine, intime et personnelle, que chacun peut implanter ou ré-implanter dans son cerveau, pour la rendre ensuite collective et partagée.

En d'autres termes et pour utiliser les mots à la mode, il s'agit de promouvoir une authentique résilience individuelle et d'installer, collectivement et concrètement, une solide intelligence collaborative. Laquelle est bien plus performante et essentielle que les pseudos analyses complexes provenant des QI, QE ou autres résultats des 53’000 tests dits de personnalité, qui séviraient dans notre monde.

A titre d'exemple, une population professionnelle particulière, constituée par les RH, risque fort de se retrouver très souvent intoxiquée et donc potentiellement contagieuse. Ils sont en effet sans cesse confrontés à tout ce qui dysfonctionne dans l'entreprise ou dans l'organisation: les conflits, les sanctions, les évaluations souvent problématiques et toujours difficiles à vivre, les licenciements, le risque inhérent à chaque recrutement...

Loin de certaines usines à gaz rationalisantes, de très simples méthodes permettent d'identifier les foyers pathogènes, les comportements inconscients – mais dangereux – et de les prévenir ensuite.

Comment guérir?

«On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré», écrivit un jour Albert Einstein. Sans doute est-ce par incapacité à sortir du moule d'une pensée toute faite, bien trop théorique et enserrée de concepts, que beaucoup se retrouvent démunis et inopérants dans leur loyale intention comme leurs actives résolutions de guérir réellement les burn-outés.

Les rares scientifiques qui s'attellent avec courage et bienveillance à l'étude du burn-out le font en usant hélas des schémas normatifs et conceptuels comme d'un système de pensée – qui n'a pourtant pas su prévenir et se montre incapable de guérir vraiment ces accidentés psychiques professionnels.

Ils se retrouvent donc dans une impasse thérapeutique, qui pousse certains à dénier la réalité du burn-out. Là encore, il convient de revenir sur terre et d'y solliciter l'expérience concrète, récente et empirique de l'accompagnement des accidentés psychiques.

Précisons d'abord le critère réel de la vraie guérison: le retour rapide au travail, dans les mêmes fonctions, au sein de la même organisation, au milieu de la même équipe, sans aucune rechute, dans la durée. Ou alors le choix libre d'une autre vie.

De nombreuses fausses guérisons se caractérisent par la fuite et la dérobade: autre métier, autre entreprise, parfois autre région ou autre pays, voire même autre conjoint.

La victime de l'accident psychique est habituellement courageuse, volontaire et déterminée. Par le fait de ses qualités, elle est habituellement très engagée et connaît de nombreux succès.

Si elle a inconsciemment laissé se consumer toute son énergie psychique, il est essentiel qu'elle la reconstitue par elle-même. Un accompagnement individuel est indispensable, même si on peut concevoir de très bénéfiques ateliers collectifs.

Il importe de lui apprendre aussi une forme de vigilance, de sorte qu'elle puisse éviter toute rechute future. Mais le plus déterminant consiste à lui proposer les bons exercices, adaptés à sa personnalité, pour toujours savoir recharger, à tout moment et complètement, sa propre batterie d'énergie psychique.

Le burn-out n'est pas une fatalité. Il est parfaitement rémissible, si on s'y prend bien. Une résilience accrue, après cet accident psychique, est tout à fait possible.

Une seule imposture serait véritable : celle de nier l'existence réelle du burn-out, né du travail et résultant de l'exercice professionnel.

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Xavier Camby est Directeur du cabinet Essentiel Management, qui forme les dirigeants à la gouvernance du futur, et auteur de «48 clés pour un management durable».
 
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