Le dispositif qui aide l’instruction publique genevoise à préparer sa relève
Depuis 2001, l’Etat de Genève a mis sur pied un système prospectif de Gestion prévisionnelle des enseignants. Le modèle, qui intègre trois horizons temps différents, fournit aux responsables RH des indicateurs pour leur gestion du personnel. Le dispositif prévoit également le lancement de plusieurs enquêtes pour mieux comprendre la réalité des enseignants.
Evolution des effectifs de l'enseignement public enfantin, primaire et secondaire.
En août 2010, plus de 1700 enseignant(e)s ont accueilli en salle de classe les 13 000 élèves genevois du niveau secondaire I (de 12 à 15 ans). Des chiffres comparables aux effectifs d’une multinationale, avec ses filières dispersées à travers le monde. Pour l’Etat de Genève, la difficulté est d’ajuster la taille du corps enseignant à l’évolution du nombre d’élèves et aux exigences pédagogiques décidées par le législateur.
Un faisceau d’effets plus ou moins prévisibles (démographie, flux migratoires, décisions politiques) rend cette gestion prévisionnelle très délicate. Et ceci dans le cadre légal de la fonction publique genevoise, qui ne permet pas de réduire les effectifs pour des raisons économiques.
Pour soutenir les responsables RH, la Direction de l’instruction publique a créé en 2001 un dispositif de gestion de la relève. Le modèle tient compte à la fois de la structure sociale de l’emploi (âge moyen, taux de rotation, ancienneté) que des prévisions économétriques, qui sont ensuite traduites en scénarios possibles. Les détails de ce modèle avec Dominique Gros et Fabienne Benninghoff, directeur et collaboratrice scientifique au SRED (Service de la recherche en éducation) de l’Etat de Genève.
«Le système repose sur une base de données alimentée par le SIRH (Système d’information RH) de l’Etat de Genève. C’est de là que viennent toutes les données: âge, ancienneté, dates d’entrée et de sortie, activités, titres», note Fabienne Benninghoff. Ces données sont ensuite analysées et reportées dans un tableau de bord.
Cet outil de pilotage donne des indications sur le profil du corps enseignant (taux d’activité moyen; taux d’enseignants de 55 ans et plus; ancienneté) et sur l’attractivité de la profession (Nbr de postulants moyen par personne engagée; ratio d’attractivité des branches d’études menant à l’enseignement). Mais il permet aussi de mesurer la capacité d’ajustement du personnel (taux d’enseignants qui enseignent plusieurs matières) et de prendre du recul sur l’évolution des effectifs sur cinq ans.
Le contexte réglementaire et financier de l’Etat de Genève est également abordé (part des dépenses de fonctionnement consacrées au personnel enseignant; montant global annuel des charges courantes).
Trois niveaux de gestion prévisionnelle
Tous ces indicateurs sont générés selon un modèle de gestion prévisionnelle sur trois niveaux. Le premier est de type économétrique. Il s’agit de dégager des projections long terme en considérant des variables économiques et financières (conjoncture, plan budgétaire sur 30 ans). Au deuxième niveau, l’horizon temps est de 4 à 5 ans. Il s’agit là d’élaborer des scénarios possibles.
Le niveau 2 tient compte du départ à la retraite des enseignants, de l’évolution des effectifs d’élèves et de l’évolution du système (nouvelles disciplines, changement horaires, taux d’encadrement). Dominique Gros: «Ces variables sont souvent le résultat de choix politiques. Genève devra par exemple intégrer les exigences du concordat HarmoS dès 2011. Ce qui va notamment impliquer de recruter des professeurs d’anglais».
Enfin sur le troisième niveau, plus détaillé, l’objectif est de préciser les besoins de certaines disciplines de l’enseignement secondaire. Il s’agit notamment d’équilibrer les effectifs par rapport aux branches enseignées (scientifiques/langues vivantes).
En plus de ces calculs, le SRED mène régulièrement une enquête approfondie sur un sujet sensible. Il s’intéresse notamment aux raisons qui poussent les individus à entrer dans l’enseignement. «Si les valeurs humanistes priment (travailler avec des enfants, les aider à réussir), l’envie d’évoluer dans un milieu ou le relationnel compte beaucoup et le sentiment de rendre service à la société sont très forts», note Fabienne Benninghoff.
Les mêmes enquêtes sont menées auprès des enseignants qui quittent la profession. Comment ces indicateurs sont-ils utilisés sur le terrain? Directeur du service du personnel enseignant à l’Instruction publique genevoise, Pascal Cirlini répond: «Ces résultats nous aident pour l’établissement de nos budgets. Ils nous donnent aussi des indications précises pour notre centre de formation. Enfin, nous en dégageons les grandes tendances pour nos politiques de recrutement.»
Les intervenants
Les intervenants
Dominique Gros est le directeur du Service de la recherche en éducation du canton de Genève depuis 2004.