Mixité H + F

Le rôle d'un conseil d'administration dans la promotion de l'égalité

Est-ce une bonne idée de favoriser des cultures d'entreprises et des gouvernances basées sur les valeurs féminines et masculines? La réponse de dix femmes membres du Cercle Suisse des Administratrices. 

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Debora Akinci, Membre de la direction et administratrice, responsable support auprès de CORPUS Architecture Urbanisme SA

Toutes les entreprises prônent l’égalité, alors pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans les instances dirigeantes et notamment dans les conseils d’administration? Un élément de réponse est lié aux «formes d’entre-soi», des règles faites par les hommes pour les hommes, qui bloquent le processus d’ouverture. Une politique volontariste du conseil d’administration qui se donnerait pour mission d’être exemplaire en termes de mixité pourrait être une clé. Pour promouvoir l’égalité dans sa culture et sa gouvernance d’entreprise, le conseil d’administration ne doit pas seulement la décréter, il doit la vivre. Cela commence par le recrutement de ses membres. À chaque fin de mandat, la question du remplacement d’un homme par un femme doit se poser. La parité doit être un but à atteindre au même titre que les objectifs financiers. Mais les femmes doivent également faire leur part. À commencer par celle de faire connaître leurs ambitions professionnelles.

Droits, responsabilités et opportunités

Lucie Bidault, Experte en cosmétologie

Des études ont montré que les femmes amènent des valeurs humaines plus douces comme l’empathie, le développement durable. Quant aux hommes, ils auraient longtemps porté des valeurs testostéronées comme la force, le pouvoir. D’autres ont montré que la promotion de l’égalité contribue à la croissance économique, au progrès social et durable. Les femmes et les hommes n’ont pas la même façon de lire un problème et de le résoudre. La mixité permet d’additionner une variété de talents, elle est un moteur de créativité, d’innovation et de stabilité.

Ainsi, dans un monde en transformation, il est nécessaire que le conseil d’administration promeuve en premier la diversité de ses membres en termes de compétences et de personnalités! Cette diversité est déterminante pour l’appréhension des risques et la résolution de problèmes. L’égalité passe quant à elle par de meilleures possibilités de carrières pour les femmes de tous âges et des modèles de travail permettant aux femmes comme aux hommes de concilier vie professionnelle et vie privée. Car ceci est profitable aux entreprises!

Valeurs de genre

Isabelle Cohen Solal, Présidente et Membre de CA, Experte en Durabilité

Si les valeurs féminines sont l’égalité, la justice, la compassion. Et si les valeurs masculines sont la performance, la compétition, la hiérarchie. Personne n’en a l’exclusivité. Une culture qui valorise les traits féminins tels que l’empathie, l’inclusion et la collaboration peut conduire à une meilleure communication et à une prise de décision plus efficace. L’intégration de traits masculins tels que l’affirmation de soi, la confiance en soi et l’orientation vers un but précis peut contribuer à stimuler les performances et les résultats. En créant une culture qui valorise et équilibre les valeurs féminines et masculines, le conseil d’administration peut favoriser un lieu de travail diversifié, inclusif et mieux équipé pour saisir des opportunités complexes. Ces valeurs féminines et masculines ne sont pas limitées au genre. Chacun·e peut incarner et présenter ces traits considérés comme féminins ou masculins. La gouvernance naît de cette diversité. Accepter la différence comme une richesse permet la création d’une identité collective forte et résiliente.

Allier performance et responsabilité sociale

Nathalie Feingold, fondatrice de npba, data, data., administratrice indépendante et membre de comités stratégiques

L’un des rôles du conseil d’administration est de façonner une culture qui soit au service de la mission de l’entreprise, en cohérence avec les valeurs prônées: excellence, innovation, éthique, tradition... ont-elles un genre? Selon moi, hommes et femmes peuvent tous porter les mêmes valeurs pour accomplir un objectif commun. Ce n’est pas le genre qui forge les individus, mais leurs compétences, motivations et parcours de vie. Traiter les collaborateurs selon leurs seuls résultats, à partir de critères objectifs, est sans doute la voie la plus efficace pour promouvoir l’égalité. Mais nous savons tous que la performance est aussi fonction de critères extra-professionnels. Est-ce le rôle de l’entreprise de les prendre en compte? À l’ère de la responsabilité sociale, la réponse est oui. Former les collaborateurs, leur offrir un cadre et un rythme de travail adaptés, valoriser diversité et individualités sont autant d’actions concrètes qui, dans une démarche durable, sont bénéfiques pour la performance des collaborateurs et donc de l’entreprise.

Promouvoir l'égalité est un choix rationnel et politique, pas une philosophie

Samira Marquis, Présidente du Conseil d’administration de la Vaudoise aréna

La pénurie des talents qualifiés devient la norme en Europe qui voit sa démographie décliner et vieillir. La promotion de l’égalité dans une entreprise traduit avant tout l’ambition d’une stratégie et sa nécessité de disposer de compétences. Ouvrir les fonctions managériales et dirigeantes aux femmes est une réponse rationnelle pour anticiper les problèmes organisationnels dus à la pénurie. Nous avons des parcours professionnels, des carrières qui légitiment notre présence dans les instances de gouvernance. Il s’agit aussi d’une volonté politique au sommet d’une organisation de se mettre en conformité avec les évolutions législatives et sociétales: en effet, la nouvelle loi sur les sociétés anonymes introduit désormais des quotas de représentation des sexes pour les sociétés cotées. On peut s’attendre à moyen terme à des changements de pratiques également au sein des PME sous-traitantes. La loi du marché et celle du législateur auront davantage d’impact que les nobles valeurs.

Risques, conformité et dynamique du Boys' Club

Pranvera Këllezi, avocate en droit des affaires, membre de
la Commission de la concurrence (COMCO)

Des études montrent que les équipes masculines augmentent le risque de non-conformité. Cela ne veut pas dire que tous les hommes enfreignent la loi, ni que les femmes ne le font pas, mais que les équipes dominées par les hommes renforcent la pensée de groupe et encouragent les comportements illicites. La dynamique de Boys’ Club exclut ceux qui ne s’y conforment pas, en particulier les femmes. Embaucher davantage de femmes apporte de la diversité aux équipes et brise cette dynamique. Il appartient au conseil d’administration de montrer l’exemple et de définir avec les RH une stratégie globale qui viserait à assurer la diversité des compétences, des profils, des personnalités et des valeurs féminines et masculines dans toutes les équipes de l’entreprise.

Promotion de l’équité: le rôle du conseil d’administration dans une entreprise familiale

Vanessa Monestel, entrepreneure engagée dans un programme d’acquisition de PME en quête de successeur

Partons du principe qu’une culture d’entreprise «féminine» est un ensemble de valeurs et de comportements qui ne freine pas l’accès, le maintien et la progression des femmes en entreprise. Dans certaines PME familiales, la culture repose sur un socle de valeurs solide, souvent hérité d’une longue tradition, parfois laissée à la discrétion du propriétaire dont l’approche peut constituer un véritable frein. Or, il relève bien de la mission des administrateurs de surveiller cet indicateur qui, faute de vigilance, peut présenter un risque majeur en termes de perte de talents, de compétitivité, de réputation et de crédibilité sur des marchés de plus en plus attentifs. Si l’égalité est un but, la promouvoir exige des mesures d’équité que le conseil d’administration a le devoir d’impulser et la direction d’exécuter.
Un tel déploiement d’actions fait forcément appel à des valeurs féminines et masculines, dont l’objectif est de n’exclure aucune force vive de l’entreprise, quelle que soit sa culture d’origine.

Les valeurs ont-elles un genre?

Diane Reinhard, Présidente de Board2win SA et Co-fondatrice du Cercle Suisse des Administratrices

Drôle d’idée d’attribuer un genre aux valeurs. Drôle d’idée aussi d’attribuer au conseil d’administration la mission de promouvoir l’égalité. Sa vraie mission est celle de garantir le profit et la pérennité de l’entreprise en utilisant au mieux ses ressources. De nombreuses études sérieuses démontrent que la diversité, avant tout la diversité des genres dans les instances dirigeantes, agit comme levier de performance. Les facteurs principaux évoqués sont des comportements «dits féminins» qui privilégient le long terme au court terme, la sauvegarde des ressources au profit immédiat et une prise de risque plus raisonnée. En résumé, la sagesse face à l’audace. Les valeurs qui sous-tendent ces comportements sont la collaboration, le développement durable, tous deux indispensables pour attirer les talents aujourd’hui. La culture d’entreprise se doit de donner du sens pour tous, alors hop, j’ose le cliché: il faut papa et maman pour que la famille s’épanouisse!

Quels modèles nous inspirent?

Caroline Perriard, directrice d’entreprise

Doit-on toujours et encore comparer les valeurs féminines et masculines? Ne reste-t-on pas dans les clichés, alors qu’une société égalitaire ne ferait plus de différence entre genres? Eh bien non; malheureusement. J’aimerais relever deux points qui justifient la promotion de l’égalité fondée sur ces valeurs. Le premier est que nous sommes encore, dans les conseils d’administration, dans un monde de copinage: on se soutient, car on est similaire et les réseaux masculins priment. Le deuxième point est le fait que pour assurer une relève de femmes dans les postes dirigeants et les conseils d’administration, il faut créer des modèles pour les générations futures. Des modèles de femmes qui veulent occuper l’espace dans les conseils d’administrations. Il importe peu que les valeurs de ces femmes soient féminines ou masculines. Ce qui fera une différence sur le long terme, c’est la volonté de créer une culture d’entreprise permettant d’inspirer les prochaines femmes membres de conseils.

La promotion des valeurs féminines et masculines commence dès l’enfance

Céline Renaud, entrepreneure et spécialiste pour la prise de parole en public

Beaucoup de femmes ainsi que des hommes manquent d’assertivité et n’osent pas embrasser un véritable leadership. C’est ce que j’ai observé en accompagnant des entrepreneurs, dirigeants et administrateurs, pour leur prise de parole. Pour performer, les entreprises et conseils d’administration doivent adopter un style de management résolument tourné vers l’empuissancement de l’humain. Cependant, arrivés à l’âge adulte, c’est peut-être un peu tard, car c’est déjà dès l’enfance qu’il faut attaquer ce sujet. Le constat est clair: si les filles (ainsi que certains garçons) sont libres et rebelles dans leurs premières années, il se passe quelque chose vers l’âge de 10 ans et elles vont rentrer dans le rang et courber l’échine. Elles vont perdre en assertivité, posture et liberté! Pour contribuer à soutenir cette cause à la racine, j’ai mis sur pied une Girls Empowerment Masterclass avec des outils simples, pratiques, ludiques et faciles à mettre en œuvre comme par exemple les silences ou les questions ouvertes et qui vont soutenir les humains toute leur vie.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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