Egalité salariale

Les entreprises devront dévoiler les salaires de leurs employés

Les entreprises comptant au moins 50 employés devraient être obligées d'effectuer tous les quatre ans une analyse des salaires, sous l'oeil d'experts externes. Le Conseil fédéral a modifié la loi sur l'égalité et mis en consultation le projet jusqu'au 3 mars 2016.

Berne (ats) "L'égalité des salaires n'est pas un cadeau fait aux femmes. Il s'agit uniquement d'appliquer un article constitutionnel vieux de plus de 30 ans", a rappelé la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga devant les médias. Après après l'échec des discussions avec les entreprises et des mesures volontaires, la ministre de la justice a décidé de passer à l'action.

Elle a repris un dispositif présenté en octobre 2014 déjà. Le projet prévoit d'obliger les patrons employant au moins 50 personnes (soit environ 2% des firmes) à analyser tous les quatre ans les salaires dans leur entreprise et à faire contrôler son travail par des tiers.

Les entreprises pourront choisir le système d'analyse qu'ils souhaiteront, pour autant que ce dernier soit internationalement reconnu. La Confédération ne veut pas dicter de méthode, mais elle met à leur disposition l'instrument gratuit qu'elle a développé, Logib. Il répond aux normes en vigueur.

Transparence

Le contrôle externe se centrera uniquement sur la méthode employée et non sur les résultats obtenus. Il pourrait être confié aux partenaires sociaux, à un organe de révision ou à une organisation reconnue par l?Etat. Un rapport sera établi à son terme.

À compter de la réception du rapport, les patrons auront un an pour informer leurs employés sur le déroulement de l'analyse. Les sociétés cotées en bourse devront en plus indiquer ce résultat dans leur annexe au bilan pour que les actionnaires soient informés des efforts entrepris en vue de l'égalité salariale.

Variante plus sévère

Si les entreprises ne respectent pas leur obligation, le projet ne prévoit pas de sanctions. Le Conseil fédéral propose donc une variante qui obligerait les organes de contrôle à signaler à l?autorité compétente (probablement le Bureau fédéral de l'égalité) les employeurs qui n'ont pas effectué d'analyse à temps ou qui ne l'ont pas fait contrôler.

Le nom des entreprises prises la main dans le sac serait rendu public. Pas question toutefois de créer une "police des salaires", a rassuré Simonetta Sommaruga.

D'après une étude mandatée par le Conseil fédéral, deux tiers des entreprises seraient favorables à des analyses obligatoires pour promouvoir l'égalité salariale. Mais beaucoup redoutent une augmentation des charges administratives.

Celle-ci va de 3 à 8 jours selon la taille de l'entreprise lors de l'utilisation de l'instrument de la Confédération, Logib, précisent l'institut de recherche INFRAS et la HES de Suisse septentrionale dans leur étude. La charge dépend aussi de la qualité des données sur les collaborateurs. Si l'entreprise possède déjà une politique salariale, cela réduit d'autant ses efforts d'adaptation.

Contrainte nécessaire

La recherche démontre qu'une analyse de l'égalité salariale a un impact: la moitié des entreprises qui en ont fait une ont ensuite pris des mesures pour adapter le salaire des femmes. Les auteurs concluent à la nécessité d'une action de la Confédération pour supprimer les discriminations salariales.

De plus, adapter les rémunérations des femmes à la hausse bénéficie aussi aux entreprises: les employées, plus motivées, travaillent davantage, remarque la ministre de la justice.

D'après l'Office fédéral de la statistique, les femmes gagnent en moyenne toujours 678 francs par mois de moins que les hommes pour une raison inexplicable. L'écart discriminatoire se monte ainsi à 8,7%.

La loi ne satisfait personne

Le projet mis en consultation par le Conseil fédéral ne satisfait pas les syndicats et crée la grogne dans les milieux patronaux. Pour les uns la loi ne va pas assez loin et pour les autres, elle représente une charge supplémentaire inacceptable.

L'Union syndicale suisse (USS) et le syndicat Unia reconnaissent que c'est un premier pas, mais estiment que la loi ne va pas assez loin et que les mesures prises doivent être plus sévères. Les syndicats ont rapidement réagi via des communiqués de presse.

"L'Etat doit avoir la possibilité d'intervenir si la loi n'a pas été respectée. La variante proposée qui prévoit un délai d'annonce et une liste noire doit de ce fait absolument être appliquée", a indiqué l'USS. L'organisation demande que les syndicats soient obligatoirement engagés dans les processus de contrôle.

Le syndicat Unia revendique des contrôles systématiques dans les entreprises et estime que la mesure qui consiste à effectuer des contrôles par les entreprises elles-mêmes est insuffisante. "Des sanctions dissuasives en cas de non-respect de la loi sont nécessaires".

Les milieux patronaux sont nettement plus virulents. "On est totalement contre, on est très déçus par le Conseil fédéral", a déclaré Hans-Ulrich Bigler. "Déjà avec le franc fort, le Conseil fédéral n'a rien fait pour soulager les entreprises et là il crée une nouvelle réglementation qui va encore peser sur les entreprises", a critiqué le directeur de l'Union suisse des arts et métiers (usam).

L'Union patronale suisse (UPS) remet en question l'idée même de discrimination salariale entre femmes et hommes. Dans un communiqué, elle précise que les entreprises effectuent déjà leurs propres contrôles et que les salaires doivent être fixés selon les lois du marché sans intervention de l'Etat.

Avenir Suisse évoque une part infime de discrimination

Contrôles des salaires et interventions régulatoires au nom de l'égalité salariale ne sont pas une solution, estime Avenir Suisse. Son argument: l'inégalité salariale entre hommes et femmes repose "largement sur des choix individuels de carrière et de métier".

Parmi les causes de différences salariales, Avenir Suisse cite dans un communiqué "l'inclination des femmes pour le temps partiel" ou encore "l'intérêt moindre pour les professions techniques ou les activités exigeant une grande flexibilité temporelle ou géographique".

Selon la boîte à idées du monde économique, ces facteurs expliquent "largement" le salaire des femmes inférieur en moyenne de 19% à celui des hommes. La part de discrimination pure serait infime.

Interrogé, le responsable de l'étude Marco Salvi admet ne pas avoir de chiffres précis, aucune étude n'ayant été réalisée en Suisse. Son analyse se base sur des études effectuées en Allemagne notamment et qui montrent que seuls environ 2,3% de l'infériorité salariale des femmes restent inexpliqués.

La différenciation entre les critères objectifs d'infériorité salariale et sa part inexpliquée n'est pas nouvelle. L'Office fédéral de la statistique (OFS) a calculé que l'écart salarial inexpliqué était de 8,7% en 2010, selon les résultats du "dialogue sur l'égalité des salaires" publiés en 2014.

Ce chiffre de l'OFS ne tient pas compte du critère de l'expérience professionnelle, contrairement au chiffre allemand, précise M. Salvi. Il s'agit d'une des critiques formulées par les milieux proches de l'économie à l'encontre de la méthodologie des statistiques.

"Un des messages centraux de notre étude est que la proportion est bien moindre que ce qui est prétendu en Suisse", insiste M. Salvi. "C'est pourquoi il faut en priorité prendre des mesures pour encourager les ambitions professionnelles des femmes." Avenir Suisse propose une imposition individuelle du revenu, la déréglementation de l'accueil extrafamilial et un congé parental flexible.

Mais que faire de la part de discrimination pure restante? "Imposer des réglementations aux entreprises pourrait avoir un effet boomerang pour les femmes", explique M. Salvi. Cela pourrait conduire les entreprises à en engager moins.

 

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Texte: ATS

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