Interview

«Les entreprises ont grand intérêt à développer la mobilité interne»

Comment les entreprises suisses opèrent-elles en matière de licenciement? Voilà le sujet d’une récente étude menée auprès d’un millier de dirigeants et de responsables RH. Anne Donou, directrice Suisse romande chez von Rundstedt, revient sur les principaux résultats.

Près de 950 représentants d‘entreprises suisses, issus des RH ou du management ont participé à une enquête menée il y a quelques semaines par von Rundstedt, spécialiste des conseils en outplacement et de services de redéploiement, en collaboration avec HR Today. Les réponses de ce sondage, provenant d’un large éventail de secteurs d’activités, viennent d’être publiées dans le livre blanc «Pratiques de licenciement en Suisse 2021». Les explications d’Anne Donou, directrice Suisse Romande chez von Rundstedt.

Quels sont les enseignements majeurs de l’enquête?

Les licenciements dans les entreprises suisses sont le plus souvent liés à une restructuration dans le cadre de transformations plutôt qu’à une réduction du personnel, contrairement à ce que l’on entend souvent dans les débats publics ou les médias. C’est une tendance que nous constatons depuis que nous menons ces études, et qui a continué à vérifier durant la période Covid. Autre élément: le licenciement de personnel approchant de l’âge de la retraite est abordé sans tabou. Les répondants indiquent que les 60 ans et plus ne sont ni défavorisés, ni protégés par rapport à d’autres catégories. Enfin, nous avons pu constater quelques écarts importants entre les trois régions linguistiques.

Quelles sont ces différences régionales?

La plus marquée concerne la perception du professionnalisme et de la qualité des processus en cas de licenciements collectifs. Ils sont bien mieux notés en Suisse alémanique qu’en Suisse romande. Les entreprises d’outre-Sarine obtiennent aussi des scores plus élevés concernant les questions de transparence en cas de licenciement collectif, à l’interne comme à l’externe. Est-ce que cette différence résulte de la prédominance d’entreprises anglo-saxonnes sur l’arc lémanique, qui possèdent une autre culture pour gérer ces processus? Nous n’avons à ce jour pas de réponse à cette question. On constate en revanche des résultats plus homogènes dans le cas des licenciements individuels.

Comment les employeurs suisses se comportent-ils de manière générale en matière de licenciement?

Nous observons que la notion de responsabilisation pour soutenir les employés dans la suite de leur carrière est aujourd’hui bien développée. On note ainsi de vrais efforts des entreprises pour accompagner les recherches futures de leurs ex-collaborateurs, plutôt que de simplement fournir une indemnité à court terme. C‘est au Tessin que l‘on constate le plus grand soutien à l‘égard des personnes licenciées, aussi bien dans l’accompagnement que dans les efforts déployés pour rechercher des options alternatives, comme la mobilité interne. Ce sujet risque d’ailleurs de gagner encore en importance, à l’heure de la pénurie de talents. Les entreprises ont aujourd’hui un grand intérêt à développer la mobilité interne pour répondre à leurs nouveaux besoins de compétences, plutôt que de passer par le cycle licenciement-embauche.

Le certificat de travail est un sujet qui fait débat parmi les sondés. Pourquoi?

Cela tient à un paradoxe: la loi dit que le certificat doit comporter des informations véridiques, mais en même temps qu’il ne peut pas porter préjudice. On sait que dans le cas d’un licenciement individuel, l’employé rédige lui-même son certificat, cela fait partie de la négociation de départ. À l’inverse, dans le cas de licenciements collectifs, les RH utilisent souvent des logiciels qui produisent des documents automatisés qui ne sont ni complets, ni individualisés. Conséquence: les entreprises n’accordent plus beaucoup de valeur aux certificats lors des embauches et se tournent de plus en plus vers des prises de références informelles, ce qui demeure interdit légalement.

L’enquête comporte-t-elle des renseignements utiles à votre activité?

Elle illustre la polarisation qui opère actuellement sur le marché de l’emploi. D’un côté, vous avez des jeunes professionnels avec des qualités rares, notamment en matière de nouvelles technologies. De l’autre, des personnes de 50 ans et plus qui souffrent de compétences obsolètes. Les efforts en matière d’outplacement doivent d’ailleurs être démultipliés pour accompagner ces dernières. Les entreprises quant à elles, auront de la peine à pourvoir les postes vacants si elles se contentent de recruter à l’externe. Il est urgent de développer la formation interne. Nous observons d’ailleurs un nouvel élan concernant le développement de ce type de projets depuis quelques années.

«Pratiques de licenciement en Suisse 2021»

Les résultats et chiffres détaillés de l'étude sont disponibles dans le livre blanc téléchargeable gratuitement et sur les sites rundstedt.ch et research.hrtoday.ch.

 

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Erik Freudenreich est le rédacteur responsable de la version française du site HR Today.

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