Les espaces de travail hybride renforcent la diversité et l'inclusion
Les nouvelles manières de travailler favorisent la diversité et l'inclusion, à condition de rendre les frontières (visibles et invisibles) perméables et de veiller à la sensibilité des dynamiques intragroupes et hors-groupes. Analyse et recommandations.
Photo: Hannah Busing / Unsplash
Les espaces de travail connaissent une transformation majeure qui les amènent à s’adapter à l’évolution des expériences de travail hybride. La connectivité numérique accrue et les nouvelles méthodes de travail offrent des possibilités de promouvoir la diversité et d’encourager les interactions inclusives. Néanmoins, de nombreuses entreprises vivent une diminution de l’esprit d’équipe, un affaiblissement du sentiment d’appartenance et une baisse du bien-être de leurs employé-es (WorldEconomicForum, 2022). Selon l’enquête Global Workforce Hopes and Fears de PwC, un·e employé·e sur cinq envisage de démissionner.
Les opportunités de la diversité
Le travail hybride offre des possibilités de renforcer la diversité. Au cours de nos enquêtes qualitatives et quantitatives, nous avons observé que les introverti·es, par exemple, se sentent à l’aise dans le travail hybride qui leur permet de conserver leur énergie intérieure et de faire mieux entendre leur voix dans les interactions en présentiel et virtuel. Nous avons également entendu que les employé·es appartenant à des groupes minoritaires préféraient continuer à travailler à distance, étant moins exposé·es à des préjugés inconscients qu’en présentiel. De plus, les employé·es ayant des responsabilités familiales – comme les jeunes parents et les personnes qui prennent soin de leurs parents âgés – connaissent moins de conflits travail-famille lorsqu’ils/elles ont la possibilité de travailler de manière hybride.
Les stratégies d’inclusion
Les entreprises peuvent bénéficier d’avantages de la diversité sur le lieu de travail hybride si les routines et procédures RH traitent de manière proactive deux processus d’interaction sociale: la perméabilité des frontières et l’effet de sensibilité de l’intragroupe.
Perméabilité de la frontière
Les entreprises fonctionnent souvent en silos, comme l’illustre un exemple frappant de l’organigramme de Microsoft (Manu Cornet), avec des silos rigides qui se tirent dessus. En outre, les entreprises sont composées de silos aux frontières invisibles construites autour de multiples identités sociales présentes sur le lieu de travail. Ces silos invisibles sont composés de personnes aux identités sociales partagées, selon le principe de l’attraction de la similarité, c’est-à-dire la tendance à être attiré par ceux qui sont similaires en termes d’attitudes, de valeurs, de personnalité, de cognition, de culture ou de sexe.
Autour de ces identités sociales partagées, de multiples groupes se forment – et les membres de ces groupes se mêlent, se font confiance et peuvent inconsciemment exclure de leurs interactions le groupe perçu comme hors-groupe. Par exemple, les extraverti·es sur le lieu de travail écoutent souvent la voix d’autres extraverti·es. Il en va de même pour les personnes ayant des origines culturelles et linguistiques similaires qui ont tendance à interagir plus souvent les unes avec les autres. Ces interactions au sein de frontières invisibles nuisent à l’efficacité, à la créativité et à l’innovation en raison de l’effet de sensibilité de l’intragroupe (Ingroup sensitivity effect).
Effet de sensibilité de l’intragroupe
L’effet de sensibilité de l’intragroupe se penche sur la critique constructive à l’intérieur et au-delà des frontières intergroupes afin de surmonter les angles morts pour obtenir des résultats créatifs et innovants. Par rapport aux critiques émanant des membres de l’intragroupe, les employé·es sont moins réceptif·ves aux critiques émanant du hors-groupe. Si l’effet de sensibilité à l’intragroupe n’est pas traité de manière proactive, il peut déclencher une série de résultats négatifs tels que le dénigrement du hors-groupe et d’autres actes hostiles envers les membres du hors-groupe.
De telles interactions dans l’intragroupe sont potentiellement pertinentes dans toutes les organisations comportant des silos à la fois structurels et identitaires. Par exemple, une contribution stratégique d’une femme cadre peut être perçue comme manquant d’assertivité, ce qui renforce le plafond de verre et l’abandon des talents féminins. L’effet de sensibilité d’intragroupe est une tendance naturelle des employé·es à traiter l’information sur la base de raccourcis cognitifs (tels que l’attraction de la similarité) car la compréhension de points de vue différents nécessite un effort supplémentaire.
Recommandations
Les interactions sont au cœur de la créativité et de l’innovation. Avec le confinement à la suite de la pandémie de Covid-19, les employé·es ont reçu les outils nécessaires à la collaboration, mais n’ont souvent pas reçu de formation sur la manière de collaborer efficacement. Les managers doivent prêter attention aux interactions et à la culture d’un sentiment d’identité partagée au travail. Ils doivent reconnaître les frontières invisibles et les rendre perméables, ce qui permet de créer des espaces de collaboration (virtuels ou physiques) et de surmonter l’effet de sensibilité de l’intragroupe.
Cela est possible grâce aux actes de leadership identitaire axés sur la construction et la gestion d’un sentiment partagé du «nous», c’est-à-dire la construction de ponts avec des personnes qui ne nous ressemblent pas. Les actes de leadership identitaire favorisent l’inclusion des membres de l’équipe dont la voix n’est pas entendue. Il en est de même pour les interactions où les gens peuvent partager ouvertement leurs points de vue divergents et se sentir bien accueillis pour avoir apporté une perspective différente. Il en résulte l’inclusion de tous les employés et la facilitation d’interactions de qualité dans le lieu de travail hybride.
Références
Haslam, S. A., Reicher, S. D., & Platow, M. J. 2020. The new psychology of leadership: Identity, influence and power (2nd ed.). London, New York: Routledge Taylor & Francis Group.
Liang, S., Ullrich, J., van Dick, R., & Lupina‐Wegener, A. 2021. The intergroup sensitivity effect in mergers and acquisi- tions: Testing the role of merger motives. Journal of Applied Social Psychology, 51(8): 769-778.
Lupina-Wegener, A. A., Karamustafa, G., & Schneider, S. C. 2015. Causes and consequences of different types of identity threat: Perceived legitimacy of decisions in M&As. In A. Risberg, D. King, & O. Meglio (Eds.), M&A Companion: 354-366: Routledge.
WorldEconomicForum. 2022. The great resignation is not over.