Les nouveaux chantiers de la réinsertion professionnelle
Un Forum organisé à Fribourg en juin et le concept CorporateCare du Groupe Mutuel explorent les meilleures pistes pour gérer l’absentéisme dans l’entreprise. Le cœur du problème: favoriser un retour rapide dans l’entreprise pour les personnes atteintes dans leur santé.
En Suisse, les salariés sont absents de leur poste de travail pendant 53 heures par année en moyenne. Les spécialistes estiment les coûts de ces absences à 2 à 4% de la masse salariale des entreprises et les coûts indirects à 1 à 2 fois le montant des coûts directs. Concrètement, pour une entreprise de 10 personnes, avec un salaire moyen annuel de CHF 70000.–, les coûts estimés sont de CHF 30000.– à CHF 80000.– par an.
Ces chiffres ont été présentés en introduction au Forum organisé dans l’auditorium Joseph Deiss de l’Université de Fribourg par l’Office de l’Assurance-Invalidité du canton de Fribourg et le Groupe Mutuel en juin dernier. L’auditorium avait fait le plein pour traiter de la question «Réduire les absences. Favoriser le retour au travail». Le forum réunissait huit orateurs actifs dans les entreprises, le conseil en placement, la médecine et les services étatiques concernés.
Parmi les nombreux points traités, l’un est apparu comme absolument essentiel pour faire avancer la résolution de cette problématique, comme l’a souligné dès l’introduction Marco Lepori, de l’Office AI du canton de Fribourg: «Dès l’arrêt de travail, un dialogue doit s’établir entre le collaborateur, l’employeur et le médecin.»
Favoriser le retour rapide au travail. L’objectif étant de favoriser le retour au travail le plus rapide possible du collaborateur qui souffre d’un problème de santé. Diverses raisons ont été avancées par les participants: les deux principales tiennent dans le danger de chronicisation de la maladie et dans la diminution drastique de chances de réinsertion en cas d’absence prolongée, comme l’a montré Bruno Guscioni du Groupe Mutuel à l’aide des deux schémas ci-joints.
Le Groupe Mutuel est très actif dans le con-seil en gestion des absences et de la santé. Il a développé un programme «CorporateCare» qui concerne exclusivement cette question. Pour les responsables RH en entreprises, ce programme est un outil solide, comme l’explique Frédéric Abbet, responsable Corporate Care Assurance entreprise, qui a piloté le développement du programme au sein du Groupe Mutuel. «En maîtrisant mieux les coûts de l’absentéisme, les ressources humaines permettent à l’entreprise de faire un véritable gain. Elles justifient au passage leur rôle. Mais il est essentiel que les moyens qu’elles permettent ainsi d’économiser restent dans leur service pour pouvoir développer des programmes de management des absences et de la santé: prévention, service social interentreprises, service de santé ou d’autres prestations qui touchent les collaborateurs.»
Frédéric Abbet explique qu’«avec des mesures appropriées, il est assez aisé de réduire de 10 à 15% les absences de courte durée. Ce budget initial leur permettra ensuite d’investir sur des mesures plus concrètes comme évoquées ci-dessus en termes de santé en entreprise et de management des personnes (enquêtes de satisfaction, séminaire, formation des cadres, campagne de santé en entreprise sur un thème prioritaire). Il y a un fort potentiel pour que les RH gagnent en crédibilité en arrivant à justifier un retour sur investissement.» A relever que la gestion des absences est avant tout une question de culture d’entreprise basée sur le long terme.
Le gain que peuvent réaliser les entreprises dans la gestion des absences courtes devrait également leur permettre de mettre sur pied des moyens appropriés pour la gestion des absences plus longues et pour la mise en œuvre de programmes de réinsertion. Notre rencontre, le lendemain du oui à la 5e révision de l’AI, conduit Frédéric Abbet à cette remarque: «Avec la 5e révision, il faudra que les entreprises deviennent de véritables partenaires pour agir plus rapidement sur les éventuels dysfonctionnements liés à l’absence et pour oser le véritable défi de la réinsertion précoce de leurs collaborateurs.»
Les raisons du développement de CorporateCare. «La question de base est de se demander si, en tant qu’assureur, nous voulons dépasser le système primes-prestations pour développer des services qui aident les entreprises à mieux gérer les absences et la santé» explique Frédéric Abbet. «Nous avons d’abord analysé la question du point de vue du coût des absences pour les entreprises. Ça a été clairement le point de départ».
En pratiquant initialement cette analyse avec une cinquantaine d’entreprises (sur les 10500 assurées auprès du groupe), puis en organisant des séminaires, le Groupe Mutuel a pu développer son concept sur une expérience riche de quelque 5 ans. «L’incapacité de travail est un bon indicateur du climat social de l’entreprise. On peut estimer que 60% des causes d’absence sont dus à des dysfonctionnements dans l’entreprise. La question que nous devons nous poser, poursuit Frédéric Abbet, est celle de savoir si nous n’avons pas perdu les plate-formes de communication dans les entreprises.» Les problématiques internes des entreprises sont de plus en plus exportées chez les médecins traitants en lieu et place du chef direct ou des ressources humaines. Le corps médical est consulté, voire pris en «otage» pour régler des questions de management des personnes.
Il poursuit en remarquant que, dans les années 1980-1990, «la promotion de la santé au travail était devenue ringarde», car elle était isolée des problématiques de l’entreprise. Raison pour laquelle le Groupe Mutuel argumente de la manière suivante auprès des entreprises:
- Analysez le coût des absences.
- Décelez les dysfonctionnements.
- Fixez des priorités en sachant que ces dysfonctionnements provoquent 60% des causes d’absence.» C’est là aussi que Frédéric Abbet voit le rôle central des RH.
Le Groupe Mutuel a développé des outils contenant des conseils pratiques pour les entreprises sur la base de ces analyses. Aujourd’hui, en plus d’une brochure très complète sur la question, un site internet est consacré à la gestion des absences et de la santé en entreprise sous www.corporatecare.ch. «Pour nous, ces conseils peuvent avoir un véritable impact économique sur les entreprises. Et nous considérons que notre rôle d’assureur est aussi de fournir de tels services à nos clients, même s’il ne faut pas nous confondre avec des consultants. Nous avons l’avantage d’être en contact privilégié avec les différents partenaires impliqués dans les questions de santé au travail et nous pouvons fournir nos connaissances du réseau.»
C’est également dans cet esprit de formation et de conseils que le Groupe Mutuel propose régulièrement des forums sur ces questions, tel que celui qui a été organisé à Fribourg. Mais le projet le plus ambitieux de cette réflexion tient dans la mise sur pied d’une formation spécialisée pour tous ceux qui sont confrontés dans l’entreprise au management de la santé: le programme «Système intégré de management de l’absentéisme» (voir encadré).
Des gains pour tous. Il s’agit de retrouver finalement une stratégie win win pour l’entreprise, qui peut être soutenue dans ses démarches et voit sa sinistralité diminuer, pour l’assureur qui pourra répercuter la baisse de la sinistralité sur les primes et l’employé qui humainement voit son avenir professionnel différemment. Il s’agit de prendre conscience également que bon nombre d’entreprises ne doivent pas être considérées comme «le grand méchant loup» au vu du nombre de démarches faites en faveur de la santé et de la sécurité pour leurs employés. Toutefois, il est urgent d’imaginer de nouvelles solutions pour favoriser une autre approche de l’incapacité de travail basée essentiellement sur la réinsertion rapide.
Il reste que, pour faire évoluer le système, de gros blocs sont encore à déplacer. Le premier, pour que le dialogue puisse s’établir plus rapidement entre les différents partenaires, tient dans un changement radical du rapport entre le quatuor collaborateur, médecin, employeur, assureur. «Pour réussir le pari de la réinsertion pré-coce, il est important, dans le respect du secret médical, d’instaurer un véritable dialogue. Il y a toute une confiance à regagner entre les différents partenaires du système pour que les gens travaillent vraiment ensemble.»