La santé et le bien-être des collaborateurs intéressent de plus en plus les sociétés de conseils et les associations professionnelles. L’augmentation des coûts de la santé liés à la place de travail explique en partie cet intérêt. Selon une récente étude du secrétariat d’Etat à l’Economie (SECO), les rhumatismes et douleurs dorsales d’origine professionnelle coûtent environ 4 milliards de francs chaque année à la Suisse.
Autre constat alarmant en Helvétie: 24 pour cent des hommes et 26 pour cent de femmes en emploi souffrent de troubles musculo-squelettiques (TMS). A ces difficultés physiques, s’ajoute une recrudescence de la souffrance psychique, dont les effets les plus dévastateurs sont le stress, le burnout et le harcèlement moral. Les professions les plus touchées sont le personnel soignant, l’enseignement et les cadres.
Selon plusieurs observateurs, la santé au travail est en train dedevenir un enjeu de santé publique, puisque les coûts réels des maladies sont très souvent répercutés sur le système de protection sociale. Cette situation préoccupante explique également la naissance récente de plusieurs associations et sociétés de conseil, spécialisées dans la santé et le bien-être.
Ces structures misent sur la prévention pour attaquer la souffrance au travail à sa source. Plusieurs études ont démontré les avantages de l’anticipation. En plus de la prévention, la tendance actuelle est d’adopter une approche multidisciplinaire de ces pathologies. Médecins du travail, psychologues, diététiciens et préparateurs physiques sont convoqués pour apporter leurs conseils. Le but étant de repérer rapidement une situation délicate qui risque de se terminer en problème de santé grave. Tour d’horizon des solutions qui ont vu le jour en Suisse depuis quelques mois.
1 Européen sur 6 a un problème de santé qui perturbe son travail
En mai 2010, l’Institut universitaire romand de Santé au Travail (IST) a inauguré à Berne la plate-forme nationale «Fit for Work», une association fondée conjointement par plusieurs médecins du travail et représentants d’associations de patients souffrants de maladies professionnelles (rhumatisme, TMS, syndrome de Morbus Bechterew).
Cette initiative s’inscrit dans le mouvement européen Fitforwork, une association qui milite pour la prise en compte du facteur santé sur la place de travail. Selon une enquête réalisée par Fitforwork Europe dans 24 pays, un ressortissant européen sur six souffre d’un problème de santé qui perturbe durablement sa capacité de travail.
Stephen Bevan, directeur du Work Foundation à Londres, a insisté à Berne sur l’importance de la prévention: «Plus tôt vous repérez un problème de santé ou un environnement de travail nuisible, mieux ce sera. Pareil pour les personnes qui partent à l’AI, nos recherches ont montré que si ces personnes sont prises en charge rapidement, par des entretiens individuels, elles reprennent plus vite le travail.»
Pour améliorer la qualité des interventions, «Fit for Work» Suisse a aussi créé une plate-forme commune aux différents acteurs de la santé au travail (médecins, associations de patients et SECO), afin de promouvoir une approche multidisciplinaire. Selon Brigitta Danuser, directrice de l’IST à Lausanne et cheville ouvrière de la plate-forme «Fit for Work» Suisse, «il manque encore des stratégies communes entre médecins, employeurs, assureurs et responsables politiques pour apporter des vraies solutions à ces difficultés».
Tables de massage, coaching appréciatif et conseils en diététique
Dans le secteur privé, plusieurs sociétés de service ont déjà pris la balle au rebond. Créée à Nyon en septembre dernier, la société Brainge propose aux entreprises de l’Arc lémanique un concept de bien-être anticipatif. L’offre comprend un bilan de santé d’une matinée qui doit déceler les forces et les dysfonctionnements physiques ou psychiques du candidat.
Le bilan personnel peut ensuite déboucher sur un coaching de groupe de plusieurs mois (1950 francs). Avec des conseils en diététique, des tables de massages automatiques (voir les illustrations), un encouragement à l’exercice physique quotidien et un soutien psychologique, l’équipe, composée d’une dizaine de collaborateurs, propose aux entreprises d’anticiper les difficultés.
«Cela peut être des collaborateurs stressés, en transition ou en développement», précise Marc-Antoine Tschopp, fondateur de Brainge. Selon un DRH de l’Arc lémanique, «cette prestation est intéressante car elle offre une solution concrète à l’entreprise qui décèle des dysfonctionnements chez un collaborateur mais qui ne souhaite pas intervenir directement».
Marc-Antoine Tschopp proclame lors de l’inauguration: «Trois comportements augmentent l’espérance et la qualité de vie: la nourriture, l’activité physique et la capacité à ne pas se laisser influencer par les éléments extérieurs.» Egalement présent ce jour-là, le Docteur Alberto Beretta, responsable de recherche en immunologie des maladies infectieuses de l’hôpital San Raffaele de Milan, a démontré qu’une prise en charge préventive de la santé «diminue fortement les coûts et augmente l’espérance de vie moyenne d’une dizaine d’années».
Cette approche préventive passe par une «personnalisation du suivi médical, par plus de prévention et par une responsabilisation du patient». On rétorque que cette approche, une fois de plus, fait reposer toute la responsabilité sur l’individu alors que très souvent, l’origine de la souffrance réside dans le travail ou l’organisation du travail.
Marc-Antoine Tschopp répond: «Le bilan personnel et le coaching appréciatif permettent justement de déceler l’origine interne des dysfonctionnements et d’aider la personne à corriger le tir.»
Un léger footing tous les matins, une ballade de dix minutes après le repas
Preuve que la santé et le bien-être intéressent de plus en plus le secteur privé, Nexum, société de conseil en ressources humaines basée à Lausanne, a lancé en octobre dernier une offre très comparable baptisée «Equilibre & Performance». Ce séminaire de formation de trois jours traite des quatre énergies fondamentales à une vie professionnelle saine: le physique, le nutritionnel, l’émotionnel et le mental. «Nous donnons des techniques de respiration, des conseils diététiques et du savoir sur le fonctionnement de notre cerveau», note Willi Studer, responsable du cours et Senior Consultant chez Nexum.
Pour la partie entraînement physique, la société s’est associée au consultant de santé Mark Guilbert (il a notamment travaillé avec Diego Maradona). Mark Guilbert explique comment atteindre une zone de battement de cœur par minute qui est la plus propice à maintenir une performance durable et à rester en bonne santé.
Cela passe par un léger footing tous les matins, une balade de dix minutes après les repas et des techniques de respiration. D’un point de vue nutritionnel, les participants apprennent à connaître les aliments qu’ils digèrent bien. Quand les manger et combien?
La partie équilibre et performance émotionnelle et mentale est dirigée par Frédérique Deschamps Meldem, coach spécialisé en prévention du stress. Au programme: mieux se connaître (avec questionnaire Insights), apprendre à gagner les batailles de nos pensées (en focalisant et entraînant son esprit) et développer son intelligence émotionnelle. Les premiers séminaires affichent complets. Signe que la santé et le bien-être intéressent toujours plus les acteurs de la vie en organisation.