Conseils pratiques

Les psychologues du travail et le développement organisationnel

Ils sont de plus en plus indispensables en entreprise, sans que l'on connaisse très bien l'étendue de leurs compétences: les psychologues du travail et des organisations. Nous poursuivons notre série de chroniques sur le rôle de ces professionnels pour les RH, en nous intéressant au développement organisationnel.

Les nouvelles tendances en matière de modes d’organisation du travail (agilité, holacratie, New Work, etc.) influencent notablement la nature des demandes adressées aux psychologues du travail. Dans ce contexte, on peut se demander quel est le rôle des spécialistes en Développement Organisationnel (DO). Ces professionnels doivent adapter leur accompagnement à la demande réelle, qui est souvent non clairement exprimée a priori. Cette adaptation, ou évolution, se fait parfois au cours de l’intervention initiale, selon le principe de la «porte ouverte».

D’où vient le Développement Organisationnel (DO)?

Les origines du DO remontent aux années 50 et sont attribuées à des universitaires et à des praticiens qui ont œuvré dans de grandes entreprises américaines. Ils sont principalement basés sur les travaux d’Elton Mayo (expérience de Hawthorne), professeur à l’Université de Harvard. Celui-ci a démontré que l’augmentation de la performance au travail dépendait prioritairement de l’attention et de la reconnaissance portées par la hiérarchie et l’entourage au personnel, et non des conditions de travail (infrastructures, luminosité, etc.).

Depuis, différents courants ont influencé cette discipline qui s’est précisée dans les années 1960. Ce sont principalement:

  • Le courant des relations humaines, qui considère qu’un leadership efficace, de la considération pour le personnel et la participation de ce dernier aux décisions accroissent la productivité.
  • Le courant de la psychosociologie, dans lequel le groupe (dynamique de groupe, rôles, interactions) constitue le levier de changement le plus puissant dans une organisation.
  • Le courant sociotechnique, qui propose de nombreuses méthodes (enquête-feedback, sessions de confrontation, gestion des conflits intergroupes, etc.) pour soutenir le développement de l’organisation.

Même si les approches en DO sont multiples, certains de ses fondements sont communs à l’ensemble des pratiques traditionnelles, comme la reconnaissance de l’organisation en tant que système complexe, ou le principe d’apprentissage et d’adaptation permanents. Parce que chaque organisation est singulière et que ses contextes internes et externes sont dynamiques, l’approche DO salutogène implique la co-construction d’une démarche spécifique au système considéré avec les représentant·e·s du système. Les modèles théoriques et outils méthodologiques sont utilisés pour comprendre et élargir les possibilités d’action – et non simplement pour décrire ou prescrire une solution «hors sol». Intervenir en DO ne relève ni de l’expertise ni du coaching. La posture de l’accompagnant-e en DO n’est «ni dedans, ni devant, mais à la marge», afin de percevoir les résonances du système sans en être partie prenante.

Quand faire appel à une intervention DO?

La réponse est simple: lorsqu’une situation de tension affectant tout ou partie d’un système ne permet plus aux individus, aux équipes ou à l’organisation de maintenir leur équilibre et de remplir leur mission. Les signes de tension peuvent être divers: épuisements ou burn-out multiples, stress chronique, ambiance d’équipe délétère, difficultés à atteindre les objectifs, ressources insuffisantes, baisse de qualité des biens ou services proposés, mais aussi réorientation stratégique, développement de nouveaux marchés ou domaines d’action, augmentation ou réduction des effectifs, changements structurels ou contextuels. Prenons un exemple concret:

Demande initiale: la DRH en place souhaite renforcer la nouvelle équipe de direction suite à un renouvellement important de ses membres. La demande d’intervention est de type «développement d’équipe», ce qui aurait un impact local sur l’équipe de direction, mais risquerait de renforcer la rupture de confiance avec l’ensemble du personnel.

Intention de développement: rétablir la confiance envers la hiérarchie et intégrer la vision novatrice du rôle des RH au sein de leur département. L’accompagnement de l’équipe de direction est couplé à une démarche DO. Celle-ci s’oriente sur le deuil de l’ancienne structure et des types d’interactions qui s’y déroulaient et sur l’accueil de la nouvelle structure, comme tremplin à la vision novatrice du Département RH œuvrant comme «liant» au service de l’ensemble de l’organisation.

Résultats: cette démarche a permis de contrebalancer la stratégie «pouvoir-contrainte» utilisée par la DRH en place. Les différentes interventions co-élaborées avec les acteurs internes ont permis de débloquer les résistances internes vis-à-vis de la restructuration. La confiance a été rétablie et l’ensemble du personnel est resté en fonction. Une transformation de culture (modes de pensée et d’interaction) a pu s’engager sur la durée.

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Sibylle Heunert Doulfakar

Sibylle Heunert Doulfakar, psychologue du travail et des organisations, spécialisée dans les compétences collectives et le développement organisationnel, accompagne et conseille depuis plus de 20 ans les organisations tant privées que publiques lors de phases de transition et situations délicates. Elle a fondé et initié divers réseaux et entreprises sur le principe de l’intelligence collective (réseau syllogos, Rencontres Horizon, LaDanseDesRôles.ch).

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Anny Wahlen

Le parcours de Anny Wahlen, psychologue du travail et des organisations, l’a menée de l’humanitaire au consulting, en passant par les ressources humaines de multinationales. Passionnée par les questions liées au stress et aux contextes qui le génèrent, elle intervient aujourd’hui auprès des équipes et des organisations aux prises avec les nouveaux défis du monde du travail.

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