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Les trois nominés d’un récent prix de l’innovation RH dévoilent leurs secrets

Quelles sont les pratiques les plus innovantes de la GRH de Suisse romande? Organisé par le CRQP en partenariat avec le magazine Bilan, un récent prix de l’innovation RH dévoile quelques réponses. Nestlé PTC Orbe, les Transports Publics Genevois et Groupe E dévoilent ici le détail de leur projet. Des cas d’école qui devraient inspirer plusieurs praticiens RH. 

La nouvelle est passée quasiment inaperçue. Le Cours Romand pour les Questions du Personnel (CRQP), en partenariat avec le magazine Bilan, a dévoilé en janvier dernier les lauréats de la première édition du prix de l’innovation RH. Trois sociétés ont accepté de nous dévoiler le détail de leur projet RH innovant. Elles révèlent plusieurs pratiques très intéressantes dans les domaines de la conduite du changement, du service client et du bien-être. Podium.

Le bien-être érigé en principe

Le premier prix est revenu au «Product Technology Center» PTC Orbe pour son concept «Wellness Orbe». Situé dans la vallée de la Broye, ce centre de recherche appliquée du groupe Nestlé (cafés, boissons et céréales) a notamment créé le Nescafé, le Nesquik et le Nespresso, trois marques emblématiques du groupe. «Notre entreprise évolue dans le marché de la nutrition, de la santé et du bien-être. Cela nous semblait important d’ériger se principes à l’interne», proclame Laurent Tornare, DRH du PTC Orbe. 

«Nous agissons depuis longtemps sur ces sujets, mais nous souhaitions tout regrouper sous une seule bannière. Il s’agit aussi de libérer nos collaborateurs de ces préoccupations afin qu’ils puissent se consacrer en toute sérénité à leur travail», poursuit le DRH. La communication forme d’ailleurs la colonne vertébrale du projet. Laurent Tornare: «Nous avons créé un réseau d’une soixantaine d’animateurs avec un logo générique qui revient lors de chaque action. C’est important de marquer les esprits. J’insiste là-dessus, pour avoir des effets sur le long terme, il faut répéter sans cesse le même message.» 

Fruit d’une longue consultation auprès des délégués du personnel, du département RH et de la direction, le plan d’action se divise en trois segments. 

1. Sécurité. L’idée a été de développer une approche beaucoup plus participative de la sécurité, avec la création d’un réseau d’animateurs. Laurent Tornare: «D’une situation où le risque faisait partie de leur travail, on est passé à une pratique où le risque est exclu. Pour y arriver, chacun doit veiller à soi-même mais aussi développer une attention aux autres.» 

Les visites comportementales de sécurité (VCS) ont été multipliées. En plus des audits de secteurs (vérification des machines), PTC Orbe lance désormais des campagnes de prévention tous les mois. Ces campagnes sont devenues plus ludiques, sous forme de concours par exemple. 

2. Santé. Mis en place en collaboration avec l’infirmière du site, le volet «santé» concerne la promotion du sport: construction d’un centre de fitness (abonnement préférentiel à 500.-/année); la participation au trophée des entreprises et le lancement d’un «Wellness Day». Le département RH active également plusieurs campagnes de prévention (fumée, alcool, vaccins). Côté environnement de travail, la cafétéria a été transformée en «lounge», avec sofas, TV et baby-foot. 

«C’est un signe de confiance envers nos salariés. Cela développe en retour de la loyauté», assure Laurent Tornare. Les bureaux ont également été rafraîchis avec des couleurs vives et des parois. Autre changement important: la flexibilité totale de l’horaire, sans contraintes fixes. En 2011, une nouvelle crèche d’entreprise devrait ouvrir ses portes à proximité. Ajoutez à cela plusieurs investissements pour améliorer l’ergonomie et la nutrition (menus diététiques). 

Et enfin 3. Environnement. Activé grâce à un réseau d’animateurs environnements, ce troisième volet comprend un plan de mobilité avec la création de places de parc réservées au co-voiturage, le remboursement de 25 pour cent des abonnements de parcours (encourager les transports publics) et la construction d’un abri à vélo. La société s’engage également à participer pendant les quatre mois d’été au programme «Bike to Work». 

Ces trois axes du projet «Wellness Orbe» ont fait baisser le taux d’absentéisme à 2,5 pour cent en 2009 (surtout des absences de longues durées). Le taux d’accident a chuté à zéro. «Cela nous a surtout permis de développer notre créativité et notre performance. Et le bénéfice pour notre image est aussi très important, avec des effets en termes d’employer branding et de confiance des consommateurs», rayonne Laurent Tornare.

Stimuler la performance par la base

Les Transports Publics Genevois (TPG) ont présenté un concept de service à la clientèle participatif unique en Europe pour une entreprise de service public. Le projet «S’engager et évoluer ensemble!» vise à réunir l’ensemble du personnel des TPG (1600 collaborateurs) en groupes de douze personnes pour les former à la nouvelle culture d’entreprise et récolter des initiatives individuelles pour améliorer le service client et la performance générale de l’organisation. Du jamais vu dans cette vieille organisation genevoise! Stimuler la performance par la base

Le projet est né après la période de turbulence qu’ont traversée les TPG en 2007 (direction générale contestée, tensions dans le top management). Nommé à la fin de la crise, le nouveau directeur général Roland Bonzon, un ancien DRH arrivé du secteur industriel, souhaitait modifier la culture d’entreprise (passer d’une structure très hiérarchique vers plus de transversalité) et augmenter le souci du client bien servi. 

Ce deuxième objectif est lié au récent développement d’une concurrence étrangère sur le marché genevois des transports publics. Mais introduire un changement de cette importance dans une grosse organisation n’est pas une mince affaire. D’où l’idée de réunir les collaborateurs en groupes de douze, avec un mélange de métiers (conducteurs, métiers techniques, administratifs) et de rang hiérarchique. 

Pour augmenter son impact, chaque atelier est animé par un directeur et un cadre supérieur de la maison, formé en amont. «Ces séminaires d’une journée permettent de créer de la cohésion entre les différents corps de métiers de notre organisation. De plus, la proximité avec un top manager est très bien perçue par le personnel. Ils voient cela comme une marque de reconnaissance», explique Martin Waefler, DRH aux TPG. 

La journée est divisée en deux parties. La première moitié est plus théorique. Les modérateurs passent en revue les grands principes de fonctionnement des TPG (institution semi-étatique, mode de financement, secteur d’activité de plus en plus ouvert à la concurrence). Dans un deuxième temps, les participants sont mis à contribution pour améliorer le service-client. Chaque collaborateur propose deux actions. 

Exemples: apprendre une langue étrangère; ramasser systématiquement les vieux journaux à la fin de chaque trajet; répondre aimablement aux passagers qui ont des questions. Ces propositions sont ensuite évaluées dans l’entretien annuel. Martin Waefler: «Cela peut paraître anodin, mais les collaborateurs comprennent que chaque petit geste contribue au succès de notre entreprise.

Cela devient une source de fierté importante.» Démarré début 2008, ce processus participatif devrait se terminer en juin 2010. Mais Martin Waefler assure que les améliorations sont déjà perceptibles: «Les Genevois sont connus pour être très râleurs. Aujourd’hui, nous recevons proportionnellement plus de lettres de félicitations à l’attention de nos chauffeurs.»

Des outils pour réussir le changement

Le troisième projet retenu par le jury est fribourgeois et neuchâtelois. Il s’agit d’un grand projet de gestion du changement utilisé depuis plusieurs années par Groupe E (énergie) pour accompagner le personnel dans le fort développement qu’a connu la maison ces dix dernières années. Baptisé «La spirale vers le succès», la méthode fonctionne sur le modèle des quatre chambres de changements: 

1. Questions/doutes; 2. Confusion; 3. Action; 4. Clareté. «Tout processus de changement implique des difficultés à surmonter. Cet outil permet d’en prendre conscience et d’identifier les personnes clés pour les résoudre. Si les gens se bloquent, ce n’est pas simplement par refus d’aller de l’avant. C’est souvent parce qu’ils ne comprennent pas ce que l’on attend d’eux», note le DRH Yves Bovay. 

Deuxième spécificité du projet: il est porté par le management, qui a été formé pour conduire le changement. «Développer un pool de formateurs internes coûte beaucoup moins cher, tout en apportant de nouvelles compétences à l’encadrement», argumente Yves Bovay. Le concept est né au tournant du nouveau millénaire, lors de la fusion des Entreprises Electriques Fribourgeoises et Neuchâteloises. 

«Plus de 70 projets liés à la fusion ont été lancés simultanément. En parallèle, nous souhaitions communiquer aux collaborateurs la vision et les objectifs stratégiques de la nouvelle organisation. Il fallait souder l’entreprise autour d’une nouvelle culture», se souvient Yves Bovay. 

Groupe E commence par former son encadrement. La boîte à outils transmise à chaque manager contient notamment: des méthodes pour objectiver des situations émotionnelles; un outil de discernement sur les activités où mettre son énergie; comment repérer les freins et les moteurs importants et comment prioriser ses actions; 10 questions pour une meilleure compréhension d’un conflit; comment préparer une séance efficacement; la méthode 33 (se mettre d’accord sur le problème à régler, brainstorming, 3 solutions, participatif). 

«Tous ces outils sont ensuite mis à contribution pour positiver, responsabiliser et donner des pistes d’action aux collaborateurs. Ce sont aussi d’excellents outils pour faire remonter l’information vers la Direction générale», note Yves Bovay. 

Le processus de fusion réussi, Groupe E se rend rapidement compte que son concept de gestion du changement va également lui servir à améliorer le service à la clientèle. Le processus est donc réutilisé sous la dénomination «Clients+». Comme pour la fusion, la Direction RH mise sur un pool de formateurs internes. Ils sont chargés de transmettre au personnel les comportements visant à dynamiser la relation client. Ils participent aussi, avec les cadres supérieurs de l’entreprise, à l’animation de plusieurs séminaires internes portant sur les nouvelles réalités du marché de l’électricité, libéralisé depuis le 1er janvier 2009. 

Ces actions ayant apporté des résultats concrets et mesurables, Groupe E garde les mêmes outils et les transpose dans un projet baptisé «Performance et innovation». Lancé début 2010, il s’agit cette fois de trouver des idées pour réduire les coûts et stimuler l’innovation à tous les niveaux.

Le jury

Serge Mimouni (président du CRQP et DRH de l’Hospice général de Genève), Jean-Marc Mommer (DRH de Firmenich), Jean-Charles Bruttomesso (DRH Migros Genève), Eric Gerini (directeur général de Pemsa Human Resources) et Eric Davoine (professeur de GRH à l’Université de Fribourg).

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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