L'Etat de Fribourg: «La politique RH a dynamisé notre quotidien»
Gabrielle Merz Turkmani dirige le service du personnel et d’organisation du canton de Fribourg depuis 2018. Elle a notamment piloté l’élaboration de la première politique RH du personnel de l’État. Elle revient ici sur ses effets et évoque les défis à venir en 2024.
Photo: Alin Andersen / Unsplash
En 2020, vous avez mis en œuvre la 1ère politique RH du canton de Fribourg. Quels sont ses effets sur le personnel de l’État?
Gabrielle Merz Turkmani: La demande initiale est venue du Conseil d’État, qui souhaitait garantir un service public de qualité et maintenir l’attractivité de l’État-employeur. Les travaux ont commencé en 2016, la politique RH a été validée par le gouvernement au printemps 2020 juste avant la pandémie. Cette politique nous est très utile aujourd’hui. Elle décrit les 7 axes stratégiques du personnel de l’État (voir l’encadré ci-contre), avec un plan d’action décliné en une trentaine de mesures. Cela nous a donné un cadre de travail clair et a dynamisé notre quotidien.
Quelles sont les mesures déjà en place?
Nous avons commencé par la flexibilisation du temps et des lieux de travail. La pandémie a accéléré ces travaux. Notre ordonnance sur le travail mobile autorise jusqu’à 50% de télétravail sur le taux d’occupation ordinaire. Nous avons également introduit la possibilité de travailler de manière mobile, durant les trajets en transport public par exemple.
D’autres mesures?
L’autre grand chantier qui nous occupe toujours est celui du développement d’une culture orientée service au public. Nous travaillons aussi sur l’attractivité de l’État, avec une cellule de marketing RH qui met en avant tous les avantages d’un emploi au sein de l’État de Fribourg.
Comment vérifiez-vous l’impact de ces initiatives?
Nous avons mis en place un instrument de controlling pour mesurer les effets de cette nouvelle politique RH. C’est une enquête conséquente auprès de l’ensemble du personnel de l’Etat. Pour sa première édition, en 2022, la participation était de 54%, ce qui est très bien pour une enquête de cette ampleur.
Quels enseignements avez-vous pu en tirer?
Si je résume, nous sommes sur la bonne voie et pouvons aller encore plus loin sur certains aspects: le développement du personnel et les possibilités de mobilité interne, par exemple. La culture du feedback est un autre axe d’amélioration. À noter que chaque service a reçu les résultats détaillés et a mené des réflexions avec ses équipes. Nous allons mener un nouveau sondage cette année et nous referons une enquête complète en 2026.
Quels sont vos principaux défis RH pour l’année 2024?
Cette année, la priorité sera mise sur le développement du personnel et la santé au travail. Nous sommes en train d’élaborer un concept de développement du personnel en trois volets: onboarding, avec un nouveau processus d’accueil et des check-lists pour bien gérer cette intégration; gestion de la performance, avec du coaching, du mentorat et des échanges de bonnes pratiques notamment; et mobilité interne, pour renforcer la transversalité et casser la mentalité «silos».
Avez-vous un exemple de cette culture de la transversalité?
Nous mettons l’accent sur l’implication de tous nos partenaires dans nos projets. Nous avons également organisé un échange entre des cadres du SPO et ceux d’un autre service. Cela a permis d’apprendre des uns et des autres et de briser certains préjugés.
Quels sont vos projets en termes de santé au travail?
Nous allons mettre en place des mesures de la promotion de la santé psychique. Nous sommes en train d’élaborer une boîte à outils pour les responsables RH, les cadres dirigeants et les collaborateurs, avec des clips vidéo et des fiches de travail (par exemple guidelines pour la communication). La santé mentale ne devrait plus être un tabou. Nous préparons aussi une offre de formations sur ces questions: comment identifier rapidement les signaux faibles d’une fragilité et comment en parler avec bienveillance.
Quels sont vos défis en termes de recrutement des cadres?
Cela dépend des domaines. Nous avons plus de difficultés dans certains domaines, comme par exemple l’informatique, l’ingénierie, les finances ou certains postes spécifiques. Sinon, la situation est plutôt bonne. Nous offrons plusieurs avantages: travail flexible, temps partiel à tous les niveaux hiérarchiques, congé paternité ou jobsharing par exemple. Nous profitons aussi de la proximité de l’Université et des hautes écoles. Si je compare avec certains cantons de Suisse centrale, la situation de Fribourg est très favorable. À noter que le bouche à oreille fonctionne aussi très bien. L’État est le plus grand employeur du canton et tout le monde connaît quelqu’un de près ou de loin qui travaille chez nous.
Quelles sont les prestations spécifiques pour les cadres?
Nous avons une offre de formation pour les nouveaux cadres dirigeants qui fonctionne très bien. Pour les cadres intermédiaires, nous avons développé un module d’environ 7 jours. Nous y parlons de management, de leadership mais aussi des spécificités fribourgeoises en termes de budget, de finances et de RH par exemple. Le SPO propose aussi des conseils sur le développement organisationnel. Enfin, l’État de Fribourg organise chaque année une conférence d’une demi-journée pour soigner le réseau, en présence du Conseil d’État. En 2023, cette conférence s’est tenue à Bulle et nous avons présenté les principes de management, validés par le Conseil d’État en juin 2023: confiance, communication ouverte et bienveillante, transversalité, agilité, orientation solution, innovation, exemplarité, etc. Nous les avons élaborés de manière participative avec les quelque 120 cadres supérieurs de l’État.
Comment voyez-vous évoluer le rapport au travail des jeunes générations qui arrivent chez vous?
L’Etat investit beaucoup dans la relève. Nous formons actuellement environ 300 apprentis et nous accueillons 300 stagiaires, pré et post études. Nous sommes conscients du gap qui va s’ouvrir avec le départ à la retraite des Baby-Boomers. Concernant leur rapport au travail, ces jeunes cherchent du sens et un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle. L’administration publique est bien placée pour répondre à ces attentes. En termes de Work-Life Balance, le canton est attrayant et les distances plutôt courtes. Le personnel peut venir à vélo ou à pied au travail. De nombreux jeunes sont attirés par la sécurité de l’emploi et, là aussi, nous avons d’excellentes cartes à jouer. Enfin, spécificité fribourgeoise, l’Etat donne droit à 3 jours de formation par année et deux jours de formation dans la langue partenaire pour renforcer le bilinguisme.
Les 7 axes de la politique du personnel (2022-2026)
- Établir une culture orientée service au public
- Développer le potentiel des collaborateurs·trices
- Soutenir l’encadrement
- Encourager les nouvelles formes de travail
- Préserver la santé et promouvoir le bien-être
- Placer la digitalisation au service de l’humain
- Accroître l’attractivité de l’État-employeur