La chronique

L'homme se décontruit et l'inclusion échoue

Si l’été représente souvent le temps idéal pour reposer son esprit et son corps, pour ma part il amène surtout à une réflexion sur ce que les dix mois d’année scolaire qui viennent de s’écouler ont apporté, transformé, amorcé. Je ne parle pas de ce qui s’est passé dans l’école que je dirige, quoique cela fasse aussi partie de mes occupations cérébrales. Je repense plus spécialement à l’ambiance sociétale et générale de notre environnement direct et indirect.

D’abord, j’ai découvert une notion dont, très sincèrement, je n’avais pas vraiment entendu parler avant ces derniers mois: l’homme déconstruit. À force d’entendre ce terme un jour chez un humoriste, le lendemain chez un journaliste, le surlendemain chez une influenceuse, il m’a semblé que la notion prenait de l’ampleur.

Quand j’ai lu ce matin les propos d’une photographe qui complimentait un de ses collègues d’être «l’homme le plus déconstruit et réfléchi qu’elle connaissait», je me suis dit que manifestement, c’était la tendance à ne pas manquer. Je n’ai toujours pas vraiment réussi à comprendre ce que représentait l’«homme déconstruit». Je me suis aussi demandé depuis quand était-ce une qualité? Et surtout, quid de ceux qui ne le seraient pas? C’est fou de valoriser quelque chose qui doit se déconstruire, évidemment pour mieux se reconstruire ensuite, mais dont rien ne garantit que cela en soit le résultat. Mue incertaine, sans doute pleine d’espoir mais qui met une pression d’enfer sur les épaules de ceux qui la vivent.

Cela soulève la question de la période intermédiaire entre la déconstruction et la reconstruction, en l’occurrence des dits-hommes. Prônant moi-même l’évidence et le caractère indispensable de l’égalité en tous sens entre les femmes, les hommes, et tout humain quoi qu’il en soit de son sexe ou de son genre, je compatis au sort de ces mâles actuels, qui doivent donc entrer et réaliser cette mue vertueuse de la déconstruction, pour une reconstruction incertaine, dont les contours ne sont pas forcément très clairs.

À côté de cette réflexion sociétale générale, une autre, plus locale, m’a préoccupée... voire mise carrément en colère. Il paraitrait que l’on tente de déconstruire l’inclusion à l’école! Alors que l’on demande aux hommes d’être déconstruits, somme toute pour être plus en accord avec des principes de vie vertueux d’une communauté humaine cherchant la justice et l’équité, on voudrait retourner vers l’exclusion et l’injustice en bannissant la possibilité pour tous les enfants de se fréquenter, de vivre ensemble, d’apprendre ensemble, au sein d’une école qui est ouverte à tous? Y a-t-il une logique entre ces deux propositions sociétales?

À mon sens, l’inclusion est une mesure vraiment humaine et humaniste. Bien sûr, cela exige des moyens, une méthode, pour qu’autant du côté des enfants que des enseignants·es, cela soit vécu avec harmonie et sérénité. Pourtant, les politiques semblent avoir veillé à ce que cela reste de la théorie, puisqu’aucun moyen n’a été mis en place. Ce qui permet qu’aujourd’hui, on brandisse l’échec de cette vision vertueuse de l’école, et que l’inclusion soit remise en question. C’est d’une malhonnêteté remarquable.

Tout ceci m’a conduite à me demander comment nous, dans nos entreprises, dans nos rapports avec nos collaboratrices·teurs, nous nous positionnions? Est-ce que la déconstruction de l’homme, donc de nos collaborateurs, fait partie de nos enjeux? Réfléchissons-nous à les soutenir ou les accompagner dans ce voyage vers une image redéfinie d’eux-mêmes? Cela pourrait être utile, pour prévenir nombre de dépressions, burn-out ou effondrements intérieurs. Voyons-nous d’un œil favorable les inclusions? Comment agissons-nous pour promouvoir l’entrée dans nos équipes de salariés·es en situation de handicap, par exemple? Si nous voulons entrer dans cette grande déconstruction, du mâle, de l’injustice, des exclusions, n’est-il pas préférable d’agir et de bouger les lignes avec courage, plutôt que d’entendre dire avec fatalisme que l’inclusion scolaire est un échec?

commenter 0 commentaires HR Cosmos
EMK

Ève-Marie Klima a fondé l’École Germaine de Staël en 2009, en créant une pédagogique unique pour les enfants HPI ou hautement sensibles. Elle dirige l’école et gère l’entreprise depuis 15 ans, dont elle est unique actionnaire. Après une formation de juriste et d’avocate en Officialité, Ève-Marie s’est tournée vers l’entrepreneuriat pluriel. Elle a aussi fondé en 2020 la société LoveMakesHomes qui développe la rénovation bio-sourcée et durable de bâtiments anciens. Sa passion est de donner la place, au travers de ses entreprises, à une société plus humaine, plus durable et plus harmonieuse, qui valorise et respecte la différence de chacun.

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