Manager-coach: mission impossible
Récemment est apparu au sein des entreprises, le terme «manager-coach», signe d’une nouvelle forme de management que les cadres devraient avoir pour changer les modèles et transformer les entreprises.
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En France et en Europe, dans le contexte de révolution industrielle du début du 19e, l’objectif était de fabriquer en masse des produits plus ou moins complexes avec une main-d’œuvre peu qualifiée. On recherchait la force physique des effectifs et la capacité de l’encadrement à les faire obéir dans un contexte de pérennité.
«Les principes du management scientifique» de Frederick Taylor, publié en 1911, et «Administration industrielle et générale» d’Henri Fayol, en 1916, sont deux ouvrages fondateurs du management. «Prévoir, organiser, coordonner, commander et contrôler» sont alors les cinq compétences des managers. Puis, grâce à une série d’expériences menées sur un site de la Western Electric en 1930, Elton Mayo et son équipe de Harvard montrent que les gens travaillent mieux si on s’intéresse à leurs conditions de travail. Ces travaux posent les prémisses du lien entre les bonnes conditions du travail et la performance. Enfin Peter Drucker marque la fin du 20e siècle et instaure le management par objectifs: S (spécifiques), M (mesurables), A (atteignables), R (réalistes) et T (limités dans le Temps).
Au 21e siècle, on privilégie les capacités cognitives comme la créativité et les «soft skills» comme l’adaptabilité. Les managers ne sont plus les maîtres d’apprentissage du 19e siècle qui perpétuaient une tradition ou les chefs d’orchestre du 20e. On attend des managers qu’ils pilotent des changements (digitalisation, transformations énergétiques) sans s’adosser à un modèle préétabli (que nous n’avons pas).
Mieux être au travail pour mieux performer
L’idée qu’un «bien-être» au travail puisse être profitable aux employeurs s’affirme à partir des années 1990. Il s’agit alors de comprendre les ressorts psychologiques de cet «épanouissement» et de le développer. C’est dans ce terreau que le coaching a germé. Engendré par ce changement de paradigme, au 21e siècle, le coaching n’est plus réservé à l’élite. Les entreprises reconnaissent l’efficacité de la pratique. Transformer les managers en coachs devient alors une source d’optimisation.
La pandémie, l’éruption du télétravail, la trans- formation des modèles énergétiques, la digitalisation, la montée des burnouts, les démissions et les difficultés de recrutement: les managers sont exposés à des situations inédites et complexes et doivent créer de la confiance en l’avenir, générer de «la niaque» dans une ambiance anxiogène. Le rôle du manager se rapproche de celui du coach...
Quelles que soient les associations de coachs, les chartes indiquent qu’il ne peut y avoir de relations hiérarchiques, d’emprise ou de conflit d’intérêt entre les coachs et leur clientèle et que celle-ci choisit son ou sa coach, qui garde la confidentialité des informations. Les coachs ne doivent pas baigner dans «le même bouillon de stress et de pression politique» que la personne coachée. En aucun cas les coachs ne peuvent sanctionner ou prendre des décisions pour la personne coachée. Les coachs soutiennent leur clientèle (dans le respect du droit du travail du pays) en restant dans l’ombre...
Le management s’enrichit avec plus de confiance pour améliorer la réflexion, la créativité et la motivation et quelques outils des coachs. Mais cela ne suffit pas pour faire des coachs! Le cadre hiérarchique et structurel de l’entreprise rend incompatibles les fonctions de manager et de coach. Il relèverait de l’injonction paradoxale de les fusionner...
En 2022, les managers sont davantage des explorateurs et des défricheurs que des coachs. Ils doivent innover, prendre des risques et diriger des traversées de périodes tourmentées, faire établir les nouvelles règles du jeu comme les objectifs à atteindre. Alors ils pourront engager des coachs qui, à leur tour, pourront faire leur travail...