Manager ses anciens collègues: entre joie et déconvenues
Prendre la direction d’une équipe dont on faisait partie est une des situations les plus complexes à gérer pour le nouveau manager. Et, dans 90% des cas, cette transition n’est pas accompagnée par l’entreprise.
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Valorisé et promu, le collaborateur qui devient le responsable de ses anciens collègues doit subitement changer de positionnement et de statut. Passer d’une relation d’égalité, de complicité, voire d’amitié, à une relation dans laquelle on doit décider, dire non et parfois annoncer de mauvaises nouvelles est difficile et peut générer bien des questionnements.
Mardi matin. Vous avez organisé une réunion dans laquelle vous devez présenter les objectifs trimestriels à votre équipe. Il y a un mois encore, vous pouviez considérer, à la machine à café, que, sans effectifs supplémentaires, ils étaient inatteignables. Vos collègues ne manqueront d’ailleurs pas de vous déstabiliser en vous rappelant vos discussions à ce sujet.
Aujourd’hui, vous allez devoir «vendre» ces objectifs, car le manager, c’est vous. Cela vous posera sans doute un problème de loyauté, occasionnant tourments ou insomnies.
Vous avez joué et rejoué la scène pour vous préparer aux questions de vos anciens collègues, dont vous connaissez tous les arguments. Pourtant, juste avant de rentrer en réunion, vous éprouvez beaucoup de doutes et d’angoisse car vous entrevoyez tous les désagréments et problèmes auxquels vous allez être exposé ces prochains mois.
Premièrement, être confronté aux considérations du choix du candidat et à la question: «pourquoi lui et pas moi?», vous exposant à des jalousies, s’il y a notamment dans l’équipe des personnes ayant postulé. Ensuite, expert reconnu dans votre domaine, vous l’êtes certainement ; moins sûr en revanche que vous soyez un bon manager, n’ayant probablement jamais expérimenté ce type de responsabilités.
Enfin, il y a fort à parier que vous soyez perçu à présent comme celui qui est passé du «côté obscur». Vos anciens camarades risquent en effet de ne plus souhaiter voir en vous un confident.
Posez-vous prioritairement la question fondamentale : ce nouveau poste est-il une bonne nouvelle? Si oui, alors lancez-vous…tout en n’oubliant pas que pour toutes les raisons qui vous appartiennent ainsi qu’à vos anciens collègues, cette transition sera certainement difficile.
Comment devenir un bon manager en gardant de bonnes relations
Avant la prise de poste
- Renseignez-vous sur les candidatures produites en même temps que vous sur le poste
- Demandez à votre hiérarchie de clarifier votre mission, votre cahier des charges et vos responsabilités
- Soyez sûr d’être bien préparé en identifiant vos points forts et axes d’amélioration; estimez vos éventuels besoins de formation
- Définissez vos objectifs vis-à-vis de l’équipe, puis assurez-vous qu’ils puissent être réalisables en les validant avec votre responsable
- Exigez une communication claire de votre hiérarchie envers votre équipe sur votre nomination
- Organisez un entretien avec chacun des membres de l’équipe pour clarifier votre position; recueillez leur sentiment et expliquez-leur leur rôle dans ce nouveau deal relationnel
Une fois installé dans le poste
- Osez demander un accompagnement à votre direction et toute modalité de soutien qui vous permettront de trouver l’équilibre
- Ne vous mettez pas à changer votre attitude et le fonctionnement de l’équipe pour incarner le «chef»: trouvez la bonne posture entre copinage et rigidité
- Développez de nouvelles bonnes relations en tant que supérieur hiérarchique
- Appuyez-vous sur votre expérience pour remettre en perspective les missions de chacun afin de ne pas demander plus (ou moins) que ce que vous connaissez des possibilités de tous
- Déléguez des missions valorisantes à vos collaborateurs
- Ne cherchez pas à tout prix à vous faire «aimer» de vos anciens collègues
Quelques mois plus tard
Si malgré tous vos efforts, les choses ne fonctionnent pas (réticences, bypass de certains membres de l’équipe vers votre N+1, manque d’adhésion, etc.) :
- Sachez prendre du recul et cherchez à détecter ce qui ne fonctionne pas, sans faire de démagogie auprès de l’équipe mais en investiguant sur les motifs de rejet et les axes d’amélioration (360°, entretiens)
Texte écrit en collaboration avec Eric Druliolle, directeur des opérations chez Ismat Consulting