Moins d'administratif, plus de conseil
Le nouveau DRH du CHUV, Antonio Racciatti raconte ses dix premiers mois à la barre d’un paquebot de près de 10 000 collaborateurs. Il parle de sa méthode, de ses leviers et de ses surprises.
Le DRH du CHUV à Lausanne, Antonio Racciatti (au centre avec la cravate), entouré d'une partie de son équipe RH. Photo: Christophe Voisin/CHUV
Chemise sans cravate, blue jeans et barbe de deux jours. Sur la table de travail, des dossiers en chantier, quelques manuels de gestion RH dont le «must» des tableaux de bord RH, le «Kaplan & Norton», et deux bibles du droit du travail: le «Christiane Brunner» et le «Remy Wyler». C’est ainsi qu’on retrouve Antonio Racciatti dans son bureau, en train de terminer son dixième mois à la tête des ressources humaines du Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), le plus gros employeur du canton de Vaud avec près de 10 000 collaborateurs. «Nous sommes en pleines vacances de Pâques. Tout le monde est en congé», glisse-t-il pour excuser sa tenue vestimentaire décontractée. Il dirige une équipe RH de près de 100 collaborateurs.
Il est arrivé à un moment clé puisque le nouveau plan stratégique du CHUV (2014-2018) sera mis en œuvre à la fin de l’année. «J’ai participé à la définition des objectifs avec le Conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard, le directeur général Pierre-François Leyvraz et par une démarche de concertation. Il y a une volonté d’investir dans les ressources humaines pour en faire une fonction qui compte dans l’organisation», dit-il, rayonnant. Ses premiers mois, il les consacre à identifier et à comprendre les différents lieux de pouvoir de l’organisation. «Certains sont très formels, d’autres pas du tout. Si vous ne saisissez pas où se tiennent les discussions importantes, vous ne pourrez jamais influencer les décisions.» Antonio Racciatti rencontre donc rapidement les responsables RH sur le terrain ainsi que la direction médicale, soignante, financière et informatique. «Je me suis également réservé une heure par semaine pour aller à la rencontre des collaborateurs sur le terrain et en parcourant l’institution.»
Renverser le ratio administration/conseils RH
Il découvre une institution où les flux décisionnels sont très formalisés, avec des réunions bilatérales entre départements, des colloques logistiques et des rencontres trimestrielles avec les représentants du personnel. Une de ses premières décisions est d’accélérer la cadence de ces séances avec les partenaires sociaux afin de mieux sentir le pouls de l’organisation et de réagir avant que les problèmes n’éclatent au grand jour. Cette réactivité de la Fonction RH est sa marque de fabrique. Il annonce: «Actuellement, les RH font 80 pour cent d’administratif, 10 pour cent de conseil et 10 pour cent d’accompagnement stratégique. Je souhaite inverser la tendance pour arriver à 40 pour cent d’administratif, 40 pour cent de conseils et 20 pour cent de stratégie». Pour y arriver, il compte moderniser le système d’information RH (SIRH), afin de simplifier et d’automatiser les processus. «L’encadrement est demandeur de soutien RH. Mais avant de pouvoir leur apporter ce conseil RH sur mesure, nous devons assurer nos fondamentaux: gestion du personnel modernisée, formation des cadres, gestion de la relève, fidélisation et attractivité des métiers.»
Tous ses objectifs sont écrits noir sur blanc dans le plan stratégique 2014-2018, qui doit encore passer la rampe du Grand Conseil vaudois. Confiant, il assure que tout est posé, et qu’il est dans l’attente de la phase de mise en œuvre. Pour y arriver, il s’appuiera sur une équipe RH centrale de 60 personnes. «Ce sont de très bons experts mais qui ne sont pas forcément activés dans les bons domaines.» Autre nouveauté du programme Racciatti: la création d’une fonction, le Project Management Office. Piloté par un ingénieur, cette fonction va scanner tous les projets en cours au CHUV afin d’en mesurer l‘utilité, décider s’ils doivent être pour- suivis pour enfin les prioriser. «Des dizaines de projets sont initiés à tous les niveaux. Sont-ils pertinents? Sont-ils prioritaires? Notre volonté est d’amener un projet à son terme.» Il ne cache pas que cette efficacité du secteur privé butte parfois contre la lenteur des prises de décisions du secteur public. «Mais cette lenteur n’est pas forcément un désavantage. Ici, le poids de la responsabilité est différent. Ce n’est donc pas plus mal de prendre son temps avant de décider.»
Des surprises? Il y en a eu quelques-unes. Les mauvaises d’abord. «Au niveau logistique, l’hôpital commence à être à l’étroit. L’environnement n’est plus adapté au volume de travail. Des projets d’agrandissements existent, mais il faudra les accélérer car nous commençons vraiment à être serrés sur le site», s’autorise-t-il. Les bonnes surprises? «En termes de soin, nous sommes à la pointe de la technologie avec des professionnels d’exception. Cette passion du soin apporté au patient se retrouve à tous les niveaux de l’organisation. C’est assez impressionnant. L’autre surprise positive est tout le volet recherche académique. La production scientifique du CHUV est incroyable. Cela ne se perçoit pas depuis l’extérieur, mais nous sommes une organisation très innovante, avec une émulation extraordinaire.»