RH en secteur public

Neuchâtel: «Nous entrons dans le work smart, avec beaucoup plus de flexibilité»

Thierry Gonzalez dirige le service RH de l'Etat de Neuchâtel depuis 2001. Dès le printemps 2024, une part significative de l'administration cantonale sera réorganisée en deux pôles. Il raconte ici les enjeux de cette transformation et les répercussions sur près d'un tiers des 4'000 titulaires de l'administration cantonale.

Vous êtes en pleine transformation de l’organisation de l’État de Neuchâtel, avec le programme Vitamine, où en êtes-vous aujourd’hui? 

Thierry Gonzalez: Nous arrivons à bout touchant et la mise en œuvre va démarrer début 2024. Le programme Vitamine est un projet ambitieux qui va regrouper une vingtaine de services de l’administration cantonale sur deux pôles principaux, sur le site de Tivoli à Neuchâtel et aux Docks à La Chaux-de-Fonds. Le Conseil d’État et sa garde rapprochée se maintiennent au Château, tout comme certains grands services sur leurs sites propres.

Quels objectifs se cachent derrière cette réorganisation?

Au lieu d’une organisation basée sur une logique de départements, nous créons des pôles de compétence orientés vers nos usagers. Nous allons ainsi répartir cette vingtaine d’entités administratives sur deux sites. Les contributions, la formation, l’emploi, la culture et le patrimoine seront regroupés à La Chaux-de-Fonds. La santé, le social, les finances et les RH notamment seront réunis à Neuchâtel. Ce regroupement par pôles doit améliorer nos services à la population (centralisation, accessibilité, harmonisation de la prise en charge, ndlr).

Quelles seront les répercussions en termes d’organisation du travail?

Ce sera une rupture complète de la façon de travailler des personnes concernées. Nous entrons dans le Work Smart, avec beaucoup plus de flexibilité. Les places de travail attitrées seront supprimées et tous les documents sont en train d’être dématérialisés. Cette absence de barrières architecturales devrait faciliter les échanges et la transversalité. Nous nous sommes inspirés des nouveaux sièges de La Poste et des CFF au Wankdorf City de Berne. Il y a aussi une volonté de faire des économies en réduisant les surfaces de bureau. Enfin, il s’agit de répondre aux attentes des nouvelles générations. Nous allons par exemple offrir des possibilités de coworking sur tous nos sites. À titre d’exemple, un collaborateur habitant les Montagnes ne disposant pas de conditions idéales à la maison pourra accomplir son télétravail près de son domicile plutôt que de descendre à son lieu de travail principal sur le Littoral (le canton octroie un maximum de 40% de télétravail, ndlr).

Quelles répercussions pour les collaborateurs·trices?

Pour eux, cela représente un énorme changement. Aujourd’hui, nos collaborateurs s’identifient avant tout à leur service, voire à leur département. Nous souhaitons changer cette culture pour qu’ils s’identifient à l’État de Neuchâtel dans son ensemble. Cette évolution fait partie de la marque employeur que nous souhaitons développer. Au-delà de ces enjeux culturels, le plus gros défi est le changement d’habitudes que cette réorganisation induit. Pour certaines personnes, cela va bousculer considérablement leurs habitudes et leur rythme hebdomadaire. Il y a eu des démissions ou des demandes de réaffectations et nous prenons cette gestion du changement très au sérieux.

Comment gérez-vous ces enjeux de mobilité du personnel?

La mobilité des collaborateurs fait partie intégrante du programme Vitamine, avec la mise en place d’un véritable plan de mobilité. Aujourd’hui, 65% du personnel de l’État se déplace avec un véhicule privé. Le Conseil d’État souhaite baisser ce taux à 30% et favoriser les transports publics et la mobilité douce. Les deux nouveaux pôles ont été construits proches de plusieurs lignes de train et de bus, le nombre de places de parc sera réduit, des vestiaires seront mis à disposition pour les cyclistes et les marcheurs, et nous allons octroyer un eco-bonus de 30.- par mois pour celles et ceux qui renoncent à leur voiture.

Comment va évoluer le service RH?

Nous allons développer les compétences transversales de nos collaborateurs et décloisonner nos différentes entités. Les attentes en termes de soutien RH des services et métiers de l’État augmentent. Nous digitalisons déjà un maximum de prestations administratives et une partie de notre offre en formation. Les prestations RH resteront les mêmes, par contre, nous allons lancer plusieurs grands projets RH en 2024. Le premier sera lié à notre marque employeur, avec des actions à l’interne et à l’externe. Nous allons aussi travailler sur notre culture, le marketing RH, un projet de blended learning et la refonte de nos entretiens d’évaluation, notamment pour les dynamiser et faire remonter les attentes des collaborateurs. En termes de santé et sécurité, nous allons accélérer le déploiement de la solution de branche des cantons latins en nous appuyant sur le réseau de correspondants mis en place durant la crise sanitaire. Le grand avantage des administrations publiques, c’est que nous pouvons apprendre des expériences des autres cantons ou des grandes communes, qui entretiennent d’excellentes relations de collaboration.

Et quel est le désavantage d’une administration publique par rapport au privé?

Tout ce que nous faisons est scruté en permanence par les médias et la population. Si nous commettons une erreur, ce sera dans le journal le lendemain (sourire). Cela explique parfois la relative lenteur de mise en œuvre de certaines actions; nous devons nous assurer que les grands projets soient bien ficelés avant de les faire valider auprès des autorités compétentes.

L’État de Neuchâtel est-il un employeur attractif ?

Oui. Les candidats apprécient nos valeurs humaines et éthiques. Nous avons des conditions de travail particulièrement adaptées aux familles, avec un bon positionnement salarial pour la plupart des fonctions, du télétravail et beaucoup de temps partiel y compris pour les cadres. L’intégration des personnes issues de la migration ou en situation de handicap nous préoccupe, tout comme le respect de l’égalité entre femmes et hommes Nous venons d’ailleurs d’auditer nos salaires au moyen de la solution Logib et les résultats sont bons.

Votre service RH est-il impliqué dans les recrutements?

Uniquement pour les postes de cadres. Cela représente entre 10 et 30 recrutements par année. Pour le reste, nous administrons le recrutement sur une e-plateforme, fournissons des services, du coaching et de l’accompagnement, validons et formalisons les engagements mais nous ne recrutons pas directement. À noter que la mobilité professionnelle interne est fortement soutenue puisqu’un tiers des postes sont repourvus à l’interne, de même que l’intégration de personnes en recherche d’emploi (avec une proportion comparable qui s’est réduite avec le quasi plein emploi actuel).

Quels sont vos défis en termes de santé du travail?

Nous devons lutter contre l’absentéisme et investir dans la formation des cadres et le case management. Notre réorganisation en pôles de compétences devrait aussi nous permettre de réaliser des actions de prévention plus visibles.

Le service RH de l'Etat de Neuchâtel

Le Service des ressources humaines (SRHE) assume la gestion du personnel administratif et technique de l’administration cantonale (2630 EPT) ainsi que du personnel enseignant du secondaire 2 (620 EPT), ce qui représente environ 4000 collaborateurs. Le SRHE est rattaché au Département de l’économie, de la sécurité et de la culture, sous la direction du Conseiller d’État Alain Ribaux. L’équipe RH compte 35 personnes pour 24 EPT, ainsi que quelques apprenti-e-s et stagiaires.

 

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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