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Notre droit du travail est-il assez flexible?

Le monde du travail est en pleine mutation. Dans la production, le commerce, les services et la consommation, la pénétration de l’économie par les nouvelles technologies s’est encore intensifiée; des modèles de travail alternatifs émergent. D’un point de vue juridique, comment pouvons-nous prendre en compte ces nouvelles formes de travail flexibles?

De nombreux employés trouvent que le travail flexible les aide à gérer plus facilement leur vie. Le grand avantage du flexwork est qu’il leur permet de mieux concilier leur activité professionnelle avec leurs engagements privés (famille, loisirs, etc.).

Les employés peuvent organiser leur vie professionnelle quotidienne de façon plus autonome. Cela renforce leur motivation. Ils peuvent s’occuper plus aisément de leurs enfants et de leurs proches, et maintenir un cercle d’amis plus actif.

Ces personnes qui souhaitent un travail flexible pour mieux combiner la vie professionnelle et la vie privée, ou encore parce que cela correspond à leur style de vie, sont aussi appelées flexworkers. Compte tenu de l’évolution culturelle et du développement économique, leur nombre augmente continuellement.

Or, cela entraîne également des incertitudes par rapport aux conditions cadre, au droit du travail et à la protection sociale.

Les questions juridiques spécifiques au travail flexible


Dans certains cas, la flexibilisation efface les distinctions claires qui existaient entre les salariés et les indépendants. Concrètement, la société doit faire face à deux défis: les travailleurs flexibles sont-ils suffisamment protégés? La flexibilisation du travail met-elle en péril la base de cotisation pour les systèmes de sécurité sociale?

Les travailleurs flexibles ont trois formes juridiques à disposition: un emploi classique en tant qu’employé, un job temporaire ou une position d’indépendant.

En comparant la protection sociale qui existe entre ces trois formes, on constate que les indépendants ne sont en grande partie pas assurés obligatoirement contre les risques sociaux. Par rapport aux employés selon le Code des obligations (CO), les travailleurs temporaires bénéficient d’une protection sociale équivalente, adaptée aux besoins des personnes travaillant de manière flexible.

Certains en appellent à l’instauration d’une forme de travail associant la flexibilité du travail indépendant et la sécurité sociale du travail salarié. Le droit suisse reconnaît déjà une forme intermédiaire avec la location de services.

Dans ce contexte, une autre question est de savoir si le cadre juridique devrait être révisé pour tenir compte de cette nouvelle forme de travail. En effet, la législation actuelle ne contient aucune réglementation spécifique sur le travail flexible. En principe, cependant, cette forme de travail peut être correctement couverte par les dispositions applicables. Toutefois, des problèmes peuvent survenir sur certains points précis.

Qualification du contrat et pseudo travail indépendant


Il est essentiel de bien distinguer le contrat de travail individuel d’un travailleur flexible des autres types de contrats (en particulier le mandat et le contrat d’entreprise). Le type de contrat utilisé dépend de la façon dont la personne concernée est intégrée dans l’organisation et du droit que l’employeur a de lui donner des instructions.

Les travailleurs indépendants organisent eux-mêmes leur travail. Ils assument le risque entrepreneurial. En revanche, les employés suivent les instructions de leurs supérieurs. Ils ne supportent aucun risque financier. Mais dans la pratique, les frontières s’estompent parfois. Dans certains cas, l’activité effectuée ne peut pas être clairement attribuée au statut d’employé ou d’indépendant. Et pourtant, c’est précisément cette distinction qui est essentielle en ce qui concerne la protection sociale.

Dans une large mesure, les travailleurs flexibles sont libres d’organiser leur travail. Néanmoins, ils sont économiquement très dépendants de leur employeur. Dans ce contexte, le nouveau modèle de travail en plateforme soulève de nouvelles questions juridiques.

Actuellement, la plupart des plateformes se voient comme de purs intermédiaires et laissent libre choix de la forme contractuelle aux fournisseurs et demandeurs. Il en résulte généralement des rapports contractuels de type mandat et contrat d’entreprise, qui tombent dans le domaine du travail indépendant, lequel bénéficie d’une mauvaise protection sociale.

Avec l’importance croissante du portage salarial, les travailleurs flexibles sont confrontés à des défis juridiques. Il s’agit souvent de travailleurs indépendants qui effectuent une mission chez un client, mais qui sont engagés par un prestataire de services de personnel qui leur demande de fournir une prestation à ce client.

Selon que le travailleur est intégré dans l’entreprise et que le client exerce ou non un droit d’instruction sur lui, il est considéré plutôt comme un travailleur flexible ou plutôt comme un indépendant.

Réglementation du temps de travail

La réglementation du temps de travail et de la période de repos correspondante est essentielle dans le travail flexible. À première vue, les dispositions du CO et de la loi sur le travail (LTr) semblent être suffisamment générales et flexibles pour couvrir cette nouvelle forme de travail.

Néanmoins, la LTr a été mise en place pendant la première moitié du siècle dernier. Elle est complètement axée sur l’industrie. La rigidité du temps de travail hebdomadaire ne répond plus aux exigences d’une flexibilité croissante.

Il faudrait donc examiner si les dispositions existantes ne pourraient pas être modifiées et interprétées de façon à en tirer des règles adaptées aux travailleurs flexibles, sans pour autant augmenter la durée maximale du travail ni affecter les besoins de protection par secteur.

À cette fin, l’orientation des interventions politiques en cours (initiative parlementaire de Konrad Graber visant à rendre une flexibilisation partielle de la LTr, par exemple) est manifestement la bonne, afin de tenir compte dans l’organisation du temps de travail des besoins moderne relatifs à la famille et à la vie quotidienne.

Télétravail et utilisation d’équipements privés


Une autre interrogation n’a pas encore de réponse claire: l’utilisation d’appareils privés en télétravail doit-elle être rémunérée? Et si oui, dans quelle mesure?

L’art. 327a CO règle cette question de manière contradictoire: les dépenses doivent être remboursées par principe, mais cela ne s’applique pas à l’utilisation d’équipements de travail privés. L’emploi d’appareils privés soulève également d’autres questions juridiques, en particulier la responsabilité en cas de dommages et la protection des données.

Aujourd’hui, on recommande simplement aux entreprises de vérifier si leur assurance responsabilité civile couvre certains risques spécifiques lorsque quelqu’un fait du télétravail, et de prévoir des dispositions sur ces questions dans les contrats de travail de leurs employés.

Conclusion

Il est probable que la dynamique du développement technique ne ralentira pas ces prochaines années. D’où l’importance de concevoir le cadre juridique de manière à ce que, tout en ne bloquant pas les avantages de la flexibilisation, la protection des travailleurs soit maintenue, voire améliorée.

Pour garantir un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée et offrir une protection sociale suffisante aux travailleurs, le monde du travail de demain nécessitera non seulement une culture acceptant le flexwork et des transitions dynamiques entre les différentes formes d’emploi. Mais il aura aussi besoin que les nouveaux rapports de services qui voient le jour dans l’économie de plateforme soient clairement attribués aux formes de travail existantes.

Par ailleurs, de bonnes pratiques en matière de respect du droit suisse du travail pour les start-ups en plateforme (recours au travail temporaire, par exemple) seraient souhaitables.

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Boris Eicher ist Leiter des Rechtsdiensts bei swissstaffing, dem Verband der Personaldienstleister der Schweiz.

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