«Notre méthode de calcul du ROI d’une expatriation est relativement simple»
Véronique Bugliari est DRH Suisse chez Parker Hannifin EMEA Sàrl. Elle a rédigé un travail de Master pour mesurer le «retour sur investissement de l’expérience d’expatriation en tant qu’expérience de développement de compétences».
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Décrivez-nous brièvement votre méthode d'évaluation du ROI d'une expatriation?
Véronique Bugliari: Au vu du nombre croissant d’expatriations, des coûts très importants et de la pression grandissante sur ceux-ci, mais également l’importance stratégique pour les Ressources Humaines d’une bonne gestion des expatriations, il nous a semblé très opportun de nous pencher sur le calcul du retour sur investissement d’une expatriation. Dans le cadre de cette étude, nous avons choisi de nous intéresser spécifiquement à l’expatriation ayant principalement un objectif de développement. Le développement de compétences comme objectif d’expatriation est du reste, avec 35%, le motif d‘expatriation le plus fréquent. Plus gobalement, lorsque l’on étudie les principales raisons de faire appel à l’expatriation, nous nous apercevons qu’elles sont toutes liées à des compétences individuelles. En effet, qu’il s’agisse d’amener de l’expertise au site qui reçoit l’expatrié ou alors d’un transfert de compétences (développer une expertise managériale locale, opérer un transfert technologique ou insuffler une vision plus corporative), il s’agit toujours de compétences individuelles qui seront soit transférées, soit développées. Du reste, l’expatriation est perçue par la majorité des entreprises comme un moyen de développer leurs talents.
Afin de mesurer ce retour sur investissement, nous avons mené une étude de cas quantitative qui nous permet d’évaluer le développement des compétences de l’expatrié suite à son expatriation. Nous avons interrogé les expatriés en leur demandant d’évaluer: l’état de développement, avant et après l’expatriation, de 21 compétences en lien avec l’expatriation; si le développement de la compétence est dû à l’expatriation ou pas et finalement si ces compétences ont un impact dans leur poste actuel. Afin d’assurer une plus grande objectivité à l’évaluation des compétences, le responsable hiérarchique a procédé à la même évaluation. A l’aide de la méthode de la valeur utilité, nous avons pu pondérer ce développement et le mesurer par rapport aux coûts salariaux et aux coûts totaux de l’expatriation. Ce calcul évaluant les bénéfices (soit le développement des compétences) par rapport aux coûts de l’expatriation nous permet d’obtenir le retour sur investissement de l’expérience d’expatriation.
Quelle est la valeur ajoutée de votre approche?
Tout d’abord, le calcul est, comparativement aux autres méthodes de calcul de ROI d’une expatriation, relativement simple à effectuer pour une entreprise. En effet, les coûts sont des coûts directs et donc plus aisés à récolter. De plus, cette approche ne se focalise pas uniquement sur les coûts d’une expatriation comme on le voit souvent, mais met en lumière les bénéfices d’une expatriation, soit les compétences acquises durant l’expatriation.
Selon une étude que vous citez, seuls 27% des expatriés sont satisfaits des conditions de leur retour. Comment améliorer ce pourcentage?
Un grand nombre des expatriés interrogés ont exprimé une forte frustration par la gestion du terme de l’expatriation et de leur prochain poste au sein de l’organisation. En effet, les expatriés ont d’une part le sentiment d’avoir fait un sacrifice personnel pour l’entreprise en s’expatriant, ce qui génère des attentes importantes vis-à-vis de l’entreprise. Et d’autre part, ils ont l’impression d’avoir développé de nombreuses compétences qui ne sont pas reconnues par l’entreprise et qu’ils ne peuvent pas nécessairement mettre à profit dans le poste qu’ils prennent à leur retour. Un grand nombre d’entre eux avaient également l’impression qu’ils avaient été oubliés par l’entreprise lors de leur expatriation et qu’il leur incombait la responsabilité de se trouver un poste au terme de l’expatriation.
Afin d’améliorer ce pourcentage, l’entreprise devrait avoir une vue claire de la raison de l’expatriation, de la valeur ajoutée de celle-ci en termes de compétences acquises et du type de fonctions dans lesquelles l’expatrié pourrait mettre le plus à profit les compétences acquises. Il est étonnant de se rendre compte que l’entreprise investit aujourd’hui des sommes très importantes dans l’expatriation de talents sans pour autant avoir une vision à moyen terme de la fructification de cette expérience.