«Nous ne reviendrons plus en arrière à 100% sur le télétravail»
Luciano Ponti, DRH de Groupe E (énergie) – dont le siège est à Granges-Paccot (FR) – raconte ici comment son équipe RH a traversé la crise et tire quelques enseignements.
Luciano Ponti est le DRH de Groupe E depuis 2016. Photo: tous droits réservés.
Comment votre équipe RH a-t-elle vécu cette crise?
Luciano Ponti: Les impacts ont été assez différents selon le domaine d’activité. Tous nos points de vente par exemple ont fermé du 15 mars jusqu’au 15 mai. Nous avons fait des demandes de RHT et le moral des équipes est resté positif. C’est sans doute l’avantage de travailler pour un groupe solide et responsable. Nous ne licencions pas au premier pépin.
Et pour les équipes sur le terrain?
Les équipes d’installateurs techniques sur les chantiers ont dû faire face à une réduction de l’activité de 20% dans un premier temps, puis de 15% en avril. Aujourd’hui, l’activité est presque revenue au niveau d’avant la crise. Pour ces populations-là, nous avons eu énormément de travail pour adapter les normes de sécurité. Entre la mi-mars et le début avril, les normes sanitaires ont changé quotidiennement. Cela a nécessité un gros effort des équipes RH pour adapter et ces normes dans nos directives internes.
Le télétravail a-t-il bien fonctionné?
Oui, très bien dans son ensemble. Il y a eu quelques petits pépins techniques au début mais rien de grave. A partir du 17 mars, environ 95% des collaborateurs administratifs de Groupe E sont passés en télétravail. C’était la recommandation de la direction. En termes RH, nous sommes très peu intervenus, les équipes se sont organisées elles-mêmes.
Quels étaient les sujets RH importants à gérer?
Les deux premiers mois de la crise furent très intenses. Il a fallu opérer des réglages permanents. Le contact humain nous a manqué et depuis que l’activité reprend, je constate qu’il faut remotiver les équipes sur des projets de plus longue durée (produits, marque employeur, réorganisations).
Comment a fonctionné le leadership à distance?
La question n’est pas de savoir s’il est possible de conduire des équipes à distance mais comment. Nous avons donné des indications et des conseils à notre encadrement. Par exemple que sans la confiance, le travail à distance n’est guerre possible. Il ne faut pas perdre le contact non plus. La volonté de s’engager dans les projets n’est pas la même chez chaque collaborateur, donc il y a tout de même un suivi à faire. Nous avons constaté aussi que les séances de vidéoconférences restent très factuelles. Le contact humain, le ressenti, les petits moments d’échanges plus informels autour d’un café sont importants. Certaines de nos équipes ont d’ailleurs organisé des «Skype Cafés».
Y aura-t-il un impact de la crise sur l’utilisation de vos espaces de travail?
C’est probablement encore trop prématuré pour le dire. Dans notre bâtiment principal à Granges-Paccot pour respecter les deux mètres de distanciation sociale nous avons réduit le taux d’occupation des bureaux dans les faits à 50%. Nous avons laissé le libre choix aux équipes quant à l’organisation. Une sorte de «desk sharing» s’est mise en place naturellement, surtout afin de respecter les distances.
Allez-vous réduire la surface de vos bureaux sur le long terme?
Pas forcément. Nous allons plutôt les aménager différemment. Nous construisons par exemple un nouveau centre d’exploitation dans le canton de Neuchâtel et nous allons maintenant revoir l’agencement des bureaux à la suite des enseignements tirés de cette crise.
Quelles sont les autres pratiques RH qui vont perdurer après la crise?
Nous ne reviendrons plus en arrière à 100% sur le télétravail. La pratique s’est généralisée, les collaborateurs y ont trouvé leur intérêt. Il serait même faux de l’arrêter complétement à mon avis. Si vous voulez que les collaborateurs viennent travailler au bureau, il faut leur en donner envie. J’ai aussi appris que le rôle des RH n’est pas celui de tout vouloir régler: les gens sont intelligents et savent très bien s’organiser. Les séances à distance fonctionnent bien et elles sont tout à fait justifiées, même dans notre cas, où les distances entre les sites ne sont pas très grandes. Il y a certains outils à mettre en place et il faudra sans doute que l’encadrement apprenne à gérer une équipe par les résultats et non par le contrôle des heures de présence.