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Management et spiritualité
Pas de santé au travail sans spiritualité
L’ancien directeur de l’Institut universitaire romand de santé au travail, Michel Guillemin, explique ici pourquoi la spiritualité au travail doit être prise au sérieux.
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Photo: iStockphoto
Dans le domaine de la Santé et Sécurité au Travail, nous vivons, en Occident, une période paradoxale. D’un côté des progrès réels sur le plan des accidents et des risques physico-chimiques (malgré de nouveaux défis: nanoparticules, etc.) grâce aux professionnels (ingénieurs de sécurité, hygiénistes du travail, ergonomes, médecins, etc.) et de l’autre une montée en puissance irrésistible des risques psychosociaux qui détériorent les conditions de travail et conduisent au burnout, à la dépression et parfois au suicide. S’y s’ajoutent des dérives éthiques toujours plus choquantes: salaires indécents vers le haut (grands dirigeants) et vers le bas (working poor), comportements cyniques de certains trusts... Cette situation provoque une indignation qui s’amplifie et fait naître un besoin grandissant de recours à des valeurs éthiques, pour une société plus «propre». De plus, l’opinion publique a été frappée de découvrir que la souffrance au travail touche aussi les managers, dont certains vont jusqu’au suicide.
Alors, que faire? Certainement pas ce que font actuellement certains «décideurs» en coupant les subsides aux professionnels de la santé et sécurité au travail qui développent la recherche, la formation et la mise en pratique de la prévention sur le terrain! Des solutions existent déjà, mais il manque surtout la volonté politique de les mettre en œuvre. Pour que le travail ne continue pas à se dénaturer et à détériorer la santé d’un nombre croissant de personnes, ce sont les concepts mêmes du travail et de la santé qu’il faut revisiter.
La santé n’est pas seulement une absence de maladie, c’est, selon la définition de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) – revue il y a quelques années – un état de complet bien-être physique, mental, social et spirituel. Attention à ne pas confondre santé mentale et santé spirituelle. La première concerne notre fonctionnement intellectuel, les mécanismes de notre cerveau et la seconde concerne l’adéquation avec nos valeurs «intangibles». La science encore malheureusement trop peu connue, qui étudie la santé sous son aspect global, est la «salutogénèse». Elle ouvre la voie à un concept bien éloigné de la médecine (qui est la science de la maladie) et où le mot clé est «cohérence». La bonne santé est en lien avec le fait d’être en cohérence avec nos valeurs et le sens des événements de notre vie.
Le travail n’est pas l’instrument de torture que son étymologie évoque. Au contraire, il doit «construire» l’homme et non pas le détruire. Il joue ce rôle quand il a du sens. Ce sont les conditions extérieures qui le dénaturent et non son contenu et son objectif. Les jeunes recherchent un travail qui va donner du sens à leur vie et même si le salaire en est un aspect important – car c’est une forme de reconnaissance de sa valeur – il ne sera pas toujours décisif dans leur choix. Se sentir utile dans son activité professionnelle permet de s’épanouir, d’acquérir un statut social, de développer ses qualités et trouver l’équilibre «juste» avec sa vie privée.
Tout cela est possible dans un environnement de travail sain. C’est pourquoi diverses institutions ont développé des programmes allant tous dans ce sens: l’OMS, avec «Healthy Workplace», l’Institut national américain de santé et sécurité au travail (NIOSH) avec le concept du «Total Worker Health»; la Fondation «Promotion Santé Suisse» avec le label, «Friendly Workplace»; et d’autres encore. Toutes ayant pour but d’aider les entreprises à mettre en place des conditions de travail «saines» en utilisant toutes nos connaissances en matière de prévention et de promotion de la santé.
Et «la bonne santé» étant indissociable de la santé de l’esprit, on peut bien l’affirmer: oui! La spiritualité débarque dans le monde du travail! Ne pas en tenir compte serait bien... incohérent!