Modification de la LEg

Plus de trois-quarts des entreprises favorables

Le Conseil fédéral propose d'obliger les sociétés d'au moins 50 personnes à procéder régulièrement à une analyse des salaires. Deux études ont cherché à mieux comprendre ce que font les entreprises en matière d’égalité salariale ainsi que leurs positions vis-à-vis du projet de modification de la LEg.

La première étude a été mandatée auprès d’Infras par l’Office fédéral de la justice et le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes. Elle a porté sur toute la Suisse et a été complétée par 1305 entreprises de plus de 50 employés. Parmi ces entreprises, 50 ont encore été interviewées par téléphone. La seconde étude a été mandatée par le Centre patronal auprès de M.I.S. Trend et porte sur 660 entreprises de Suisse romande.

Favorables sous certaines conditions

Selon les résultats de l’enquête menée par M.I.S. Trend, il apparaît que 76% des entreprises jugent le projet opportun ou acceptable. Les résultats des entretiens menés par Infras confirment cette tendance, puisque deux tiers des entreprises interrogées trouvent qu’il est pertinent de mettre en place des mesures étatiques en vue de l’égalité salariale

Selon l’enquête M.I.S. Trend, les entreprises ont malgré tout certaines revendications vis-à-vis de ce projet. Elles souhaitent, entre autres, qu’un seuil de tolérance soit pris en compte, qu’elles puissent expliquer les différences salariales ou encore que ces contrôles n’aient pas lieu trop souvent (entre 3 et 5 ans).

Peu de vérifications

Les deux études révèlent que seul un tiers des entreprises a déjà évalué si leur pratique salariale respectait l’égalité entre femmes et hommes. De surcroît, les données de l’étude Infras montrent que seules 6% des entreprises qui n’ont pas encore évalué leur pratique salariale ont prévu de le faire.

Cette situation pourrait s’expliquer par le fait que les entreprises ont la conviction qu’elles respectent déjà l’égalité. En effet, 77% des employeurs sondés par M.I.S. Trend estiment que l’égalité salariale entre femmes et hommes est tout à fait appliquée dans leur entreprise.

Il est toutefois possible que des inégalités apparaissent à l’insu des entreprises dans la mise en pratique de leur système salarial. Ce risque ne peut être complètement écarté. De ce point de vue, il est intéressant de relever que la moitié des entreprises interviewées par Infras qui ont fait une analyse ont ensuite adopté des mesures correctives.

Il paraît donc pertinent de procéder, comme le font 16% des entreprises sondées par Infras, à un monitoring régulier de sa pratique salariale.

Différentes méthodes utilisées

Selon les données de l’enquête Infras, 67% des entreprises évaluent elles-mêmes leur pratique salariale. La plupart (57%) le font par comparaison directe des salaires, 31% utilisent une méthode de régression et 12% ont recours à une méthode d’évaluation analytique du travail neutre vis-à-vis du genre.

Ces résultats méritent un bref commentaire car la comparaison directe des salaires peut poser certains problèmes du fait de sa nature subjective. Il peut en effet être difficile pour une personne non-juriste de savoir quels facteurs non-discriminatoires peuvent être utilisés pour justifier les différences salariales et dans quelle proportion.

Ce problème devient d’autant plus important lorsque l’on ne compare pas deux personnes mais deux groupes de personnes. Jusqu’à présent, le Tribunal fédéral a accepté seulement deux approches pour examiner l’égalité salariale : l’analyse statistique par la méthode de régression et l’évaluation du travail qui permet de déterminer la valeur des fonctions.

Logib jugé comme approprié

Selon les données du sondage Infras, 66% des entreprises qui ont réalisé, à l’interne et sans aide extérieure, une analyse statistique de leur pratique salariale ont eu recours à Logib, l’instrument de contrôle de l’égalité salariale mis à disposition par la Confédération. De plus, environ la moitié des analyses effectuées à l’externe ont été réalisées avec cet instrument.

Logib est jugé par 72% des entreprises qui l’ont utilisé comme approprié pour mettre en évidence les inégalités salariales entre femmes et hommes.

Les entreprises ayant utilisé Logib estiment qu’il faudrait compter deux jours de travail pour une entreprise moyenne (50 à 249 travailleurs), trois jours pour une grande entreprise (250 à 999 travailleurs) et huit jours pour une très grosse entreprise (plus de 1000 travailleurs).

Cette charge de travail est divisée par deux dès la seconde analyse. Dès lors, il n’est pas étonnant que 90% des entreprises jugent la charge administrative liée au contrôle comme peu voire pas importante.

Le projet du Conseil fédéral en bref

L’avant-projet de modification de la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg) ne vise que les entreprises d’au moins 50 employés. Il ne concerne donc que 2% des entreprises mais touche 54% des personnes actives en Suisse. Le texte prévoit que les entreprises analysent tous les quatre ans leurs salaires selon une méthode reconnue. Les employeurs feront ensuite vérifier l’analyse par des tiers, qui pourront être une entreprise de révision, un organisme d’autorégulation reconnu par l’Etat ou les partenaires sociaux. Le contrôle portera uniquement sur la manière dont l’analyse a été effectuée et non sur son contenu. Les organes de contrôle devront établir un rapport sur la manière dont l’analyse a été effectuée à l’intention des organes dirigeants de l’entreprise contrôlée. À compter de la réception du rapport, les employeurs auront un an pour informer les travailleurs du résultat du contrôle. Les sociétés cotées en bourse devront en plus indiquer ce résultat dans leur annexe au bilan pour que les actionnaires soient informés des efforts entrepris en vue de l’égalité salariale. Une variante est aussi envisagée, qui obligerait les organes de contrôle à signaler à l’autorité compétente les employeurs qui n’ont pas effectué d’analyse dans le délai imparti ou qui ne l’ont pas faite contrôler.

Felfe, C., Trageser, J., & Iten, R. (2015). Etude des analyses appliquées par la Confédération pour évaluer l’égalité des salaires entre femmes et hommes. Rapport établi sur mandat du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes.

M. I. S. Trend (2015). Enquête auprès des entreprises romandes concernant l’égalité salariale entre hommes et femmes. Enquête réalisée pour le Centre Patronal.

Stern, S., Trageser, T., Iten, R., Rüegge, B., & Schultheiss, A. (2015). Regulierungsfolgenabschätzung zu den geplanten Massnahmen zur Durchsetzung der Lohngleichheit. Enquête réalisée auprés d’entreprises de toute la Suisse pour la Confédération

commenter 0 commentaires HR Cosmos
SB

Après avoir réalisé une thèse de doctorat liée à la discrimination au travail, Steve Binggeli a travaillé plus de six ans dans les bureaux de l’égalité de la Confédération et du canton de Vaud. Aujourd'hui, il est membre du Comité de Direction du Service du Personnel de la Ville de Lausanne, responsable de la rémunération et de l’analytique RH. Il préside aussi le conseil de la fondation Pacte qui a pour mission de promouvoir l’égalité des chances et la mixité en entreprise

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