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«Pour rester pertinentes, les ONG internationales devront engager un processus de transformation»

Steven Fricaud est chief of staff à la fondation Terre des Hommes. Il a rédigé un mémoire sur les enjeux RH de la localisation de l'aide humanitaire, dans le cadre de son MAS RH des universités de Genève, Lausanne, Neuchâtel et Fribourg.

Le principe de localisation implique de renforcer les capacités des acteurs locaux à répondre aux besoins dont ils sont les premières victimes et de mieux les intégrer dans les décisions qui les concernent. En quoi la pandémie a accéléré ce processus?

Steven Fricaud: La pandémie de Covid-19 a joué un rôle d’accélérateur de l’agenda du secteur de l’aide internationale autour d’une plus grande localisation des actions. Elle a mis en évidence les inégalités structurelles du système mondial, mais a également bouleversé les méthodes de travail dans le secteur de l’aide. De nombreux éléments qui avaient été imaginés à l’horizon 2030 (financement, répartition des rôles, nature des projets, etc.) se sont imposés en quelques mois. Les acteurs locaux ont naturellement été considérés comme la «première ligne» de réponse à la crise, tandis que leurs partenaires internationaux les ont accompagnés à distance. Le retrait d’une partie du personnel local comme expatrié des pays d’intervention et l’obligation du travail à distance des Organisations Non Gouvernementales Internationales (ONGI) a placé les acteurs nationaux et locaux davantage en première ligne.

Est-ce que la multiplication des crises a aussi joué un rôle?

Oui. Les besoins en matière d’aide humanitaire ou de développement augmentent de manière exponentielle alors que les ressources pour y faire face stagnent. Il y a donc un réel besoin de trouver une façon de travailler plus efficiente et plus durable pour répondre à ces besoins.

La localisation de l’aide va-t-elle permettre cette efficience?

Oui, cet enjeu était déjà au centre des débats lors du sommet humanitaire mondial d’Istanbul de 2016. Entre 2016 et 2020, la situation a peu évolué malgré quelques avancées, aussi parce que certains acteurs internationaux n’avaient pas intérêt à ce que cela change pour différentes raisons, comme celle du contrôle des flux financiers et du contrôle des exigences en matière de qualité et de redevabilité vis-à-vis des donateurs. Mais depuis 2020, les choses sont en train de changer. Les pays contributeurs de l’aide internationale sont en train de faire évoluer leurs stratégies pour s’adapter à ces enjeux, ce qui nous oblige à repenser notre manière de travailler.

Quels changements ce principe de localisation implique-t-il?

D’une relation asymétrique de pouvoir, dans laquelle les acteurs internationaux récoltaient des fonds pour financer des projets, en sous-traitant certaines activités à des acteurs locaux, nous allons vers une relation de pouvoir plus symétrique, plus équilibrée, où c’est l’acteur national ou local qui définira ses besoins et nous, acteur international, les aiderons à atteindre leurs objectifs.

En quoi ce renversement de pouvoir impacte-t-il les pratiques de GRH?

Cette évolution du rôle des ONGI concerne directement les pratiques de GRH. Le développement ou l’acquisition de nouvelles compétences sera nécessaire pour le mettre en œuvre et soutenir la transformation de l’organisation. Le développement continu d’une expertise de pointe soutenu par la recherche et l’innovation seront probablement des clés pour être un acteur pertinent dans la relation avec les acteurs nationaux et locaux, mais aussi vis-à-vis des donateurs institutionnels et privés. Pour rester pertinentes face à cette évolution du secteur, les ONGI devront renforcer leurs processus de gestion stratégique et/ou engager un processus de transformation de leurs rôles pour s’engager pleinement dans la localisation de l’aide.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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