Pour un monde du travail plus inspirant et gratifiant
Dix ans d'accompagnement en entreprise m'ont permis de constater que l'absence ou l'insuffisance d'échange des attentes et besoins réciproques entre collaborateurs et employeurs est souvent un point d'achoppement!
Photo: Brooke Cagle / Unsplash
Comment adapter le fonctionnement de l’entreprise à celui de l’humain plutôt que l’inverse? C’est la question à laquelle je vous propose quelques pistes afin de procurer la sécurité psychologique nécessaire au développement, à l’épanouissement et à l’engagement de toute personne active en entreprise.
Clarifions d’abord ce que l’on entend par «inspirant». Étymologiquement et selon Larousse, la signification de l’inspiration est: le souffle, mouvement intérieur, impulsion qui porte à faire quelque action, à créer, à imaginer; c’est source de vie! À titre d’exemple, l’inspiration m’a guidé dans la profession que j’ai embrassée il y bientôt 10 ans: accompagner des personnes dans leur évolution de manière à ce qu’elles trouvent, retrouvent, du sens et de la motivation dans leur activité professionnelle. Nous comprenons maintenant ce que signifie «être inspiré» par son travail; il y a ce souffle qui vient de l’intérieur de l’individu. Comment peut-on alors rendre notre monde du travail plus inspirant? Les accompagnements en entreprise que j’ai le plaisir de pratiquer me démontrent systématiquement que la relation humaine est centrale et prioritaire dans toute organisation professionnelle.
Aussitôt que nous nous trouvons dans nos organisations, nous sommes, de fait, amenés à interagir, à être en relation! Avec soi-même d’abord, tout autant qu’avec les autres, nos collègues, responsables et partenaires. Au même titre, dans notre société de consommation, une relation se crée entre celles et ceux qui offrent des produits et services, les vendeurs et celles et ceux qui en demandent, les acheteurs! Il devient dès lors intéressant et utile d’appréhender les grandes lignes du fonctionnement humain que je vais décliner en 5 parties.
Besoins psychologiques
Abraham Maslow a élaboré la pyramide des besoins et leur ordre hiérarchique; chaque niveau pourra être satisfait pour autant que le précédant le soit. Ce qui n’empêche en aucune façon des allers-retours au long de notre vie. D’aucuns disent même que batterie et chargeur de smartphone font depuis peu partie de la catégorie des besoins vitaux!
Edward Deci et Richard Ryan ont quant à eux travaillé plus précisément sur la motivation en milieu professionnel. La théorie de l’autodétermination en est issue; elle établit le fait que tout individu cherche à satisfaire 3 besoins psychologiques fondamentaux:
- Autonomie: capacité à se gouverner soi-même.
- Compétence: capacité, habileté à exercer une fonction, à réaliser une tâche.
- Appartenance sociale: être lié à autrui.
Comme ces besoins sont à l’origine d’une grande partie du sens et des intentions sous-jacentes à l’activité humaine, notre désir de les satisfaire est ainsi vu comme un but naturel de la vie; ils sont présents en chacun de nous!
Compétence émotionnelle
Pardon? Seront tentés de rétorquer certains! Des émotions présentes dans nos environnements de travail? C’est ce que j’entends encore régulièrement! Qui peut m’expliquer la raison pour laquelle nous devrions laisser nos émotions à la maison avant de nous rendre à nos places de travail? Nous sommes aussi nombreuses et nombreux à avoir appris dans nos éducations à refouler nos émotions (par exemples une fille ne crie pas, n’exprime pas sa colère ou un garçon ne pleure pas, n’exprime pas sa tristesse...) Porter un masque, se cacher mène à quoi?
En fait qu’est-ce que l’émotion? C’est un guide. E-motion = Ex movere = sortir de! C’est un signal qui nous alerte sur le niveau de satisfaction de nos besoins, de nos attentes! Il existe six émotions de base décrites par Daniel Goleman, psychologue américain:
- La peur: je suis crispé, je me protège d’un danger
- La tristesse: je suis prostré, je fais le deuil pour accepter une perte
- La colère: je suis énervé, excédé, je me défends contre une agression
- Le dégoût: je suis écœuré
- La surprise: je suis pris de court, déstabilisé, interloqué
- La joie: je suis joyeux, heureux, un de mes besoins est comblé
C’est ainsi que se manifeste le vivant qui est en nous! Tout ce que nous disons, ou pas, tout ce que nous faisons, ou pas, a pour intention, souvent inconsciente, de satisfaire l’un ou l’autre de nos besoins, tout naturellement! Nous avons donc tout intérêt à prendre en compte les émotions dans nos organisations professionnelles; ce sont nos moteurs! Oui, quand nos besoins peuvent être satisfaits, ce qui est un but naturel..., nous devenons épanouis et plus efficaces, non? Plus enclins à oser et à s’engager car l’on trouve du sens à satisfaire nos attentes, nos besoins!
Motivation
Vous connaissez certainement la question perpétuelle: comment motiver quelqu’un? Comment je peux motiver mon fils à...? Comment je peux motiver mon collègue à...? Eh bien, sachez qu’on ne peut motiver... personne! Tout individu est naturellement motivé. Douglas Mc Gregor, psychologue et professeur en management au MIT a reformulé cette question ainsi: «Comment créer un environnement où les gens se motivent eux-mêmes?»
En fait, comment fonctionne la motivation? Elle se décompose en trois types: extrinsèque, de source extérieure (récompenses ou sanctions) qui agit sur le court terme, intrinsèque, de source intérieure (moteur de sa propre satisfaction) qui agit sur le long terme et enfin l’amotivation, ou l’absence de motivation.
On comprend maintenant clairement tout l’intérêt à nourrir les sources de motivation intrinsèque tout en veillant à maintenir un équilibre entre les 2 types de motivation! Inspiration et motivation vont donc de pair.
Perceptions
Autre sujet déterminant dans notre fonctionnement, c’est celui de nos perceptions. Tout en donnant du relief à nos relations, elles les rendent complexes! Chacune, chacun les siennes propres, c’est la fameuse carte du monde exclusive qui se construit au cours de notre vie en fonction de nos filtres censoriaux. Prendre conscience de cette partie de nous, c’est réfréner nos préjugés et donc rendre nos relations plus... harmonieuses! Ce sont les premiers pas vers l’empathie: simplement comprendre ce qui se passe chez l’autre sans pour autant se mettre à sa place.
Communication
Nous sommes ici en présence de la base et du vecteur de toute relation; tant avec soi-même qu’avec tout autre individu. Qui dit relations humaines, dit communication. Parce qu’en fait, on ne peut pas ne pas communiquer! C’est Paul Watzlawick, psychologue américain d’origine autrichienne, qui l’a démontré. Il s’agit donc d’un facteur déterminant pour la qualité de nos relations au travail et y être attentif devient essentiel! Vous voulez de bonnes relations? Pratiquez une bonne communication!
Mais alors, qu’est-ce qu’une bonne communication? Être conscient, en tant qu’émetteur, de l’impact que je vais avoir chez le récepteur en fonction de ce que j’attends de lui, d’elle, et de ce qu’il, elle, attend de moi. Voici quelques leviers de bonne communication:
L’assertivité: oser s’exprimer, savoir dire non, savoir demander pour satisfaire ses attentes, ses besoins, défendre ses droits sans empiéter sur celles et ceux d’autrui. C’est une conception des relations humaines qui s’appuie sur le refus de produire ou de subir des comportements négatifs tels que l’agression, la domination, la soumission, la fuite, l’abandon et la manipulation.
La Communication Non Violente: ce processus développé par Marshall Rosenberg, psychologue américain, m’a énormément inspiré; je le préconise régulièrement dans mes accompagnements et formations en tant que structure de «feedback évolutif». C’est la ressource par excellence dans toute culture du droit à l’erreur car elle est source d’apprentissage! Elle permet également d’oser se dire les choses à chaud car elle prend en compte les sentiments et besoins des uns et des autres!
Éviter les pièges de la communication. Thomas d’Ansembourg, psychothérapeute et promoteur de la CNV, en a quant à lui identifié quatre: les jugements, les croyances, les pensées binaires (vrai ou faux) et le langage déresponsabilisant (il faut que, tu dois...). Des relations humaines de qualité reposent sur une communication de qualité!
C’est ainsi que nous, humains, fonctionnons. Prendre soin de nos relations en entreprise est une clé d’évolution manifeste et éprouvée dans les organisations professionnelles qui réussissent. Prendre en considération les attentes et besoins humains, les émotions, la motivation, les perceptions et le mode de communication, voici quelques ingrédients qui rendent le monde du travail plus inspirant et gratifiant.
Dans nos organisations professionnelles où les plans de carrière et la sécurité à laquelle ils contribuaient sont clairement révolus, le temps est venu de libérer leurs structures et de structurer les libertés pour y transformer la méfiance induite en confiance construite!