Chronique

Quand les RH torpillent les hauts potentiels

La gestion de la relève fait parfois plus de mal que de bien aux… talents.

Gérer la relève, ce qui revient à identifier les talents ou les cadres à haut potentiel, est une des activités traditionnelles pilotées par les départements RH. Lorsque l’entreprise, faisant preuve de transparence, en informe les concernés, cette identification induit souvent des effets pervers.

Il arrive en effet fréquemment que les «victimes» – ceux qui ont été labellisés comme talents – aient de la peine à gérer la situation, dans la mesure où cette identification suscite plusieurs attentes: de promotion, de formation, de dé-veloppement personnel ou d’évolution de carrière… Certains modifient même leur compor-tement vis-à-vis de leurs collègues ou, parfois pire, vis-à-vis de leurs chefs.

Les collaborateurs ne sont pas les seuls à en souffrir. L’entreprise aussi est sous pression. En effet, elle est tenue de satisfaire les attentes de ses «talents» en matière de rémunération, formation, promotion, etc. Si elle ne le fait pas, elle prend le risque de voir les talents insatisfaits chercher leur salut ailleurs. Le label «talent» confirmant qu’ils ont le potentiel d’évoluer professionnellement, ils se mettront à l’affût de nouvelles opportunités auprès d’autres employeurs si cette évolution tarde à venir. Cette incitation est d’autant plus rapide que la génération Y a beaucoup moins de patience que les précédentes…

Face à ce constat, se pose la question de l’opportunité d’informer les collaborateurs du fait qu’ils ont été identifiés comme «hauts potentiels». Comme, parfois, le mieux – la transparence – est l’ennemi du bien, il vaut mieux faire une pesée d’intérêt pour choisir la voie appropriée en fonction de la culture d’entreprise ainsi que de sa capacité à gérer et satisfaire les attentes de ses «talents».

Sans proposer de recette miracle, je partage l’approche que j’ai retenue pour les programmes de formation que j’anime. Etant conçus pour développer l’agilité et la capacité d’innovation des participants qui y sont invités, ils ne sont plus destinés à des collaborateurs qualifiés de «hauts potentiels» mais à ceux qui ont démontré une capacité à s’investir au-delà de leur cahier des charges. Si cette sélection peut inclure des «hauts potentiels», elle comprend aussi des collaborateurs qui n’en sont pas.

L’invitation à participer à ces programmes de formation précise que, compte tenu du fait qu’ils ont démontré leur capacité à aller au-delà de ce qui est attendu, l’objectif est de leur donner de nouveaux outils pour aller encore plus loin. Il leur appartient ensuite de les exploiter pour montrer de quoi ils sont vraiment capables. La gratification portant ainsi sur le futur au lieu du passé, ce n’est que s’ils font cette démonstration que l’entreprise agira en conséquence. Sans être une recette passepartout, cette approche a au moins le mérite d’inverser le fardeau de la démonstration.

Ces formations aboutissant à la mise en œuvre en groupe de vrais projets ont, de plus, pour effet de révéler des talents qui n’avaient pas été identifiés comme tels par les RH ou même de montrer que certains «hauts potentiels» apparents ne tiennent pas leur promesse, une fois confrontés à la réalité.

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Marc Benninger est le rédacteur en chef de la version française de HR Today depuis 2006.

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