La fonction RH vue d'en bas

Que pensez-vous de vos RH?

Quel regard les collaborateurs portent-ils sur les services des ressources humaines? Entre distance, manque de suivi et outils complexes, les témoignages révèlent un décalage entre attentes et réalité sur le terrain.

«La perception des RH est ambiguë dans le milieu bancaire»

Heinz Gabathuler, collaborateur scientifique et responsable du partenariat social au sein de l’Association suisse des employés de banque (ASEB)

«En principe, les employés de banque ont peu de contact avec les RH. Ces rencontres se font surtout lors du recrutement, d’une éventuelle promotion, lors de la demande d’un certificat de travail intermédiaire ou en cas de licenciement. De façon générale, la perception des RH est ambiguë dans le milieu bancaire. D’un côté, leur présence lors d’un entretien est perçue comme un mauvais signal. Si les RH sont là, c’est qu’il y a un souci. Il s’agit souvent d’un avertissement ou d’un entretien de recadrage. Dans le milieu bancaire, les licenciements doivent suivre une procédure bien définie. Les RH sont là pour veiller à cette conformité. D’un autre côté, les RH sont vus comme des aides en cas de difficultés personnelles. Ils sont appréciés pour leur compétence en cas de conflit ou de problème de santé par exemple. En principe, un employé ira d’abord chez son n+1. Ensuite, il ou elle se tournera vers les RH, ou bien vers les représentants du personnel, un syndicat ou un avocat. Enfin, quand un employé affilié à l’ASEB nous confie une difficulté organisationnelle ou personnelle, notre premier réflexe est de nous adresser à la DRH. Nous les considérons comme des prestataires de services experts dans des situations difficiles.» 

«Les RH ont un rôle peu aisé mais passionnant d'équilibriste»

Romain Andrejewski, indépendant dans le conseil RH pour les personnes souhaitant évoluer professionnellement (recherche d’emploi, évolution interne)

«Les RH sont souvent le premier et le dernier contact de l’employé avec l’entreprise. Ils ont donc la responsabilité de cette «unique chance de faire une première bonne impression» au nom de l’entreprise. Ils ont un rôle peu aisé mais passionnant d’équilibriste où ils doivent répondre aux attentes de la direction et fidéliser les collaborateurs tout en appliquant le règlement du personnel, sans pour autant être sur le terrain. Durant ma carrière, j’ai eu deux mauvaises expériences avec les RH. La première fut une entrée en relation ratée. Un RH m’appelle un jour et me dit: «Cela fait plusieurs jours que j’ai votre dossier qui traîne sur mon bureau et je devais vous appeler...». Pas idéal pour mettre en valeur un candidat. La deuxième fut au moment de quitter une entreprise quand j’ai reçu – tardivement le dernier jour, malgré mes relances – un document de sortie récapitulatif détaillant mes droits et obligations: remise des badges, transmission des coordonnées 2ème pilier, etc... Pour le reste, globalement, mes expériences ont été positives (à l’image d’un panier garni reçu lors d’un congé maladie) où j’ai pu ressentir la proximité d’un service RH qui n’est pas délocalisé et leur expertise à travers les documents établis (contrat de travail, nomination et autres certificats).» 

«En période de restructuration, les RH doivent faire le sale travail»

Un membre de la commission du personnel d’une grande entreprise*

«D’une manière générale, notre commission du personnel rencontre le DRH trois à quatre fois par année. Nous avons donc une relation de proximité et de bons rapports avec la direction RH. Il nous consulte et notre avis est pris en compte. C’est un vrai partenariat. Un exemple? Notre entreprise a souhaité introduire des changements dans le statut du personnel avec des enjeux importants sur les classes salariales et le droit aux vacances. Nous avons été consultés et avons pu sauvegarder certains avantages de l’ancien système. Nous sommes aussi informés à l’avance des différentes décisions de la direction pouvant impacter le personnel. Depuis 5 ans, notre entreprise enchaîne les restructurations. Dans ce contexte, les fronts se durcissent et chacun défend ses intérêts. La dimension financière des revendications est toujours en arrière-plan de toutes les discussions. Durant ces périodes, le DRH est clairement le porte-parole de la direction. Sa logique n’est plus de retenir les talents, mais de limiter les coûts. Les avantages RH classiques (formations, possibilités de développement, bonus) sont biffés et la motivation baisse. Il y a donc une vraie injonction paradoxale entre la gestion RH en temps de bonne conjoncture et celle déployée en temps de crise. Une démission coûte toujours moins cher qu’un accord négocié à l’amiable. Les conditions de travail se durcissent aussi car il y a moins de monde pour faire le travail. Les augmentations salariales et les promotions sont gelées. Mais le rapport de force joue dans les deux sens. Certains collaborateurs savent aussi faire le dos rond en attendant un bon paquet de départ. Je me demande souvent comment les collaborateurs RH vivent ces périodes. Ils sont aussi des employés, sont aussi parfois impactés par les licenciements et pourtant, ils doivent faire le sale travail. Ils laissent le climat de travail se détériorer et espèrent que les collaborateurs quittent le navire. Cela ne doit pas être facile pour eux non plus de traverser ces situations.» 

*Nom connu de la rédaction

Les RH vus par ceux qui les vivent


«De mon expérience, je dirais que le rôle des RH étant dense et multiple, les salariés peuvent ressentir une certaine distance avec ce service. Les échanges quotidiens sont laissés aux managers (N+1). Cette distance peut parfois être dommageable pour les collaborateurs, car elle limite la perception de soutien que les RH peuvent apporter. Un exemple? J’étais en arrêt de travail pendant 4 mois et les RH ne m’ont jamais contactée. C’est moi qui ai dû les contacter pour convenir de mes modalités de retour, me renseigner sur les questions administratives et financières. Cela donne l’impression que ma situation était ignorée. Un vrai sentiment d’indifférence qui a fragilisé le lien de confiance entre moi et l’entreprise.»
Une responsable service client

«Chez nous, on n’a pas vraiment de relation directe avec les RH: ce sont nos cadres qui jouent ce rôle au quotidien. Une fois par an, les RH passent dans notre service avec des chocolats, un petit geste sympa qui leur donne des airs de pères Noël. Et, au-delà de ça, on reçoit pas mal d’attentions et de cadeaux dans différentes occasions».
Sage-femme, secteur hospitalier

«Nous avons un portail RH avec les informations nécessaires. Si on ne trouve pas l’info, on peut ouvrir un ticket et ils le traitent assez rapidement. Sinon, les RH de proximité sont les managers. Mais eux ne connaissent pas bien les prestations RH de l’entreprise. Il y a aussi des RRH au service des managers de proximité. Et là tout va dépendre de la personne.»
Business analyst en multinationale

«Dans toutes les boîtes où je suis passé, je n’ai jamais vraiment saisi ce que le H de RH voulait dire.»
Head of Data, secteur du luxe

«Les RH sont éloignées des préoccupations des employés. Nous avons un référent RH qui ne nous connaît pas et ne se préoccupe pas de ses équipes. Les RH proposent aussi des formations mais qui ne sont pas adaptées à nos fonctions.»
Une assistante de direction

«Nous ne recevons aucun support des RH, tout passe par le manager. Ce n’est pas l’idéal car ça peut enfreindre un certain degré de confidentialité et ça ne marche que si l’on s’entend parfaitement bien avec son manager, ce qui n’est pas toujours le cas. Si on a besoin des RH, on fait une ouverture de ticket sur une plateforme. Le mien est toujours en attente de réponse après plus de 3 semaines!»
Responsable des ventes en multinationale

«Lors d’un conflit avec un collaborateur, une personne des RH est venue pour une médiation et pour apporter des propositions de solutions. La personne était très bien formée pour ce genre de situation… Et parfois, je trouve qu’ils écoutent beaucoup mais sans suivi derrière. Cela donne l’impression de parler dans le vent.»
Manager en multinationale

«Selon moi, les RH devraient être plus étoffées pour faire de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, mieux connaître les métiers».
Responsable secteur social

«Pour moi, le RH de mon entreprise n’apporte pas la valeur de son coût. Un RH n’a de valeur que s’il a une compétence technique que le cadre n’a pas. (…) Je constate aussi des mises en place de nouveaux systèmes IT complètement compliqués et non intuitifs aussi. Plein de systèmes IT différents pour les RH au lieu d’un système unique… C’est d’une complication! À peine s’est-on habitué à un nouveau système qu’une nouvelle transformation arrive!»
Un responsable de la planification, secteur des transports

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Texte: hrtoday.ch
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