Recrutement web 2.0: le «sourcing» des candidats arrive en Suisse romande
Un nouveau segment d’affaires lié au recrutement est en train de voir le jour en Suisse romande. Le «web-sourcing» consiste à sélectionner les meilleurs profils parmi les centaines de résultats trouvés sur le Net. En parallèle, l’Université de Fribourg a conduit une grande enquête sur les incidences des réseaux sociaux sur le recrutement*.
Claus-Peter Sommer, CEO de Staffvision et Eric Davoine (à droite), professeur de GRH à l’Uni de Fribourg. Photo: Pierre-Yves Massot/arkive.ch
Créé en novembre 2009 à Fribourg, Staffvision (groupe Contaplus) est une des premières sociétés de Suisse romande à offrir un service de sourcing de candidats sur le Net. Pour en parler, son nouveau directeur Claus-Peter Sommer nous accueille dans ses locaux fribourgeois avec le professeur de ressources humaines de l’Université de Fribourg Eric Davoine, qui vient de réaliser une enquête* sur l’utilisation des réseaux sociaux dans les processus de recrutement. Regards croisés.
Quel est le profil de vos clients ?
Claus-Peter Sommer: Notre client idéal dispose d’un volume de recrutement constant d’environ 50 à 300 postes par année. Ce sont donc des sociétés de taille importante, qui cherchent une solution sur le moyen à long terme. A l’heure actuelle, nous travaillons avec cinq clients. Une entreprise pharmaceutique, du high-tech, une société pétrolière et des sociétés de services. Elles ont toutes une présence internationale, avec des sièges en Amérique, en Italie et en Suisse.
Ce profil correspond-il à vos résultats?
Eric Davoine: Selon notre enquête auprès de plus de 150 recruteurs romands, le recours aux réseaux sociaux électroniques n’est pas lié à un secteur d’activité. Cela dépend plutôt du profil du recruteur et de son réseau. Ce sont surtout les entreprises de plus de 250 salariés qui utilisent ce type de sourcing. Etonnement, nous avons découvert que les profils les plus actifs sont des femmes entre 35 et 50 ans. En général, elles y recourent pour les recrutements difficiles. Et ces réseaux électroniques ne sont qu’une méthode parmi d’autres, il y a aussi les réseaux professionnels «réels», les agences de placement et les chasseurs de tête.
La difficulté est de réussir à faire le tri parmi les centaines de profils disponibles. Comment procédez-vous?
Claus-Peter Sommer: Les habitudes des candidats ont changé. Avec l’arrivée du Web 2.0 (portails emplois, réseaux sociaux électroniques) les candidats sont devenus passifs. C’est-à-dire qu’ils sont approchés par les recruteurs avant qu’ils ne se mettent activement en recherche d’emploi. Il y a dix ans, on estime que la part de candidats actifs était de 60 pour cent. La tendance s’est inversée.
Eric Davoine: Oui, mais cette transparence ne vient pas des candidats, elle a été rendue possible grâce au Net, qui a rendu disponibles des millions de CV. Votre valeur ajoutée est d’offrir un filtre pour trier tous ces profils.
Claus-Peter Sommer: Je préfère le terme catalyseur. Nous avons effectivement accès à tous les réseaux et à tous les newsgroups (micro communautés sur le Net). Avec nos outils, nous sommes en mesure de sélectionner très précisément les bons profils, que nous présentons ensuite au recruteur. Une fois la liste validée, nous approchons les candidats pour les mettre en contact avec la société. Notre grande force est notre rapidité. En général, il faut compter sept jours de l’ouverture de la position à la mise en contact du candidat avec le recruteur.
En quoi les réseaux sociaux ont-ils modifié les processus de recrutement?
Eric Davoine: Deux études récentes montrent que les employeurs les utilisent surtout pour contrôler la traçabilité des individus et pour voir comment ils parlent de leurs anciens employeurs. Mais on peut aussi repérer des candidats grâce à des compétences clés identifiées, maintenir des relations avec d’anciens employés, animer des groupes de discussion… En Suisse romande, les réseaux sociaux semblent encore peu utilisés à des fins de recrutement. Les recruteurs que nous avons interrogés emploient surtout les réseaux sociaux pour maintenir à jour leur carnet d’adresses.
Claus-Peter Sommer: Chez nous, chaque collaborateur est spécialisé dans un secteur d’activité (finance, controlling, vente, IT, engineering, …), puis nous travaillons le marché de manière très intensive, huit heures par jour. Nous disposons d’un moteur de recherche propre qui permet des recherches ciblées sur certains réseaux très spécifiques. Il faut également connaître le jargon des différentes professions pour entrer les mots clés.
Eric Davoine: Le Net a sans doute révolutionné la manière de recruter et d’approcher les candidats. Mais il y a encore trop d’informations qui circulent, d’où l’intérêt de recourir à ce genre de filtre. Le jour où ces méthodes seront à la portée de tout le monde, les sociétés de sourcing seront face à un vrai challenge.
* «L’utilisation des réseaux sociaux dans le recrutement», réalisé en octobre 2009 par Florence Martin sous la direction du professeur Eric Davoine et avec le soutien de Conciliat, société de conseils en ressources humaines.