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Rédiger un «bon» certificat de travail n'est pas toujours possible

Le certificat de travail est indispensable pour la recherche d'un nouvel emploi. Contrairement aux idées reçues, le collaborateur ne dispose pas pour autant d'un droit à sa voir délivrer un bon certificat de travail. L'employeur peut et même doit y mentionner, à certaines conditions, des éléments défavorables.

Le travailleur est en droit de demander, en tout temps, un certificat de travail indépendamment de la durée du contrat de travail et du taux d’activité. Cette attestation doit porter sur la nature et la durée des rapports de travail, ainsi que la qualité du travail et la conduite de l’employé (art. 330a CO).

Le certificat de travail atteste de rapports de travail passés et certifie des compétences personnelles et professionnelles du collaborateur. À ce titre, il doit donner, de manière exhaustive, tous les éléments qui reflètent la prestation du travailleur, de façon à ce que le lecteur puisse se forger une opinion sur le candidat. Il est une «photographie» du collaborateur au travail.  La rédaction de ce document obéit à un double principe, souvent contradictoire avec lequel l’employeur doit jongler. Il s’agit du principe de bienveillance et celui de véracité.  Le certificat de travail a pour objectif premier de permettre au collaborateur de rechercher un nouvel emploi et de favoriser son avenir économique. Pour ce faire, il doit être rédigé de manière bienveillante. Il ne contiendra pas de termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus.

Principe de véracité

Le principe de bienveillance trouve ses limites dans le devoir de vérité. Conformément à ce principe, le certificat doit égale-ment donner à des employeurs potentiels une image aussi fidèle que possible des tâches accomplies, de la qualité du travail et du comportement du travailleur. Il doit présenter des faits vrais. Il peut et même doit contenir des faits et appréciations défavorables si ces éléments sont fondés et pertinents. Le certificat doit mentionner une incapacité à travailler en équipe et un esprit querelleur, le non-respect des directives de l’employeur ou un comportement peu fiable au travail.

  • Un éducateur social travaillait dans une fondation active dans les soins aux personnes handicapées. Durant la pandémie de Covid-19, il a été licencié, en raison de son refus de porter le masque et d’effectuer des tests de dépistage. Le certificat, délivré par l’employeur, mentionnait le refus injustifié d’effectuer des tests et la violation de l’obligation de porter le masque. Selon le Tribunal fédéral (TF), le comportement du collaborateur a mis en danger la santé des patients. Dans la mesure où l’employeur est actif dans le domaine de la santé, l’on ne saurait critiquer la mention d’un aspect essentiel pour ce secteur d’activité. 

  • Un cadre avait enregistré ses collègues, à leur insu, lors de réunions professionnelles. Ce comportement a gravement violé la personnalité des collègues du cadre et a porté atteinte à son devoir de diligence et de fidélité. Le TF a admis que l’employeur était en droit de mentionner, dans le certificat, que «l’entreprise émet des réserves quant à la fiabilité de M. X en termes de confidentialité des données concernant les collaborateurs». 

  • Le Tribunal cantonal lucernois a considéré qu’un travailleur qui se disputait régulièrement avec ses collègues ne pouvait pas exiger que son employeur le décrive comme «très apprécié de ses collègues».

Par contre, les incidents isolés et sans signification n’ont pas à être mentionnés dans le certificat. Il en va ainsi d’un employé qui a eu une journée d’absence injustifiée ou quelques arrivées tardives durant les rapports de travail.

Réserves quant au comportement

Dans les cas graves, le principe de véracité l’emporte clairement sur celui de bienveillance. Tout comportement, de nature à rompre le lien de confiance nécessaire aux rapports de travail, doit être signalé. Il en va ainsi de vols sur le lieu de travail, de violences physiques ou de harcèlement sexuel et/ou moral commis à l’encontre de collègues. À défaut, l’employeur peut voir sa responsabilité tant pénale que civile engagée à l’égard de futurs employeurs.

  • Un employé a commis un abus de confiance d’un montant de CHF 25 000.– à l’encontre de son employeur. Ce dernier a renoncé à porter plainte, moyennant le remboursement et la démission du collaborateur. L’entreprise a ensuite délivré un certificat élogieux. Grâce à ce document, l’employé a retrouvé un emploi et a commis un nouvel abus de confiance au détriment de son nouvel employeur pour un montant conséquent de CHF 500 000.–. L’ancien employeur a été condamné à rembourser la moitié du dommage. 

  • Après 10 ans de service, un serveur est surpris en train de quitter le restaurant avec une bouteille de vin grossièrement dissimulée dans son sac. Après l’avoir licencié avec effet immédiat, l’employeur lui a remis un certificat de travail qui précisait que le serveur avait adopté «un comportement propre à rompre la confiance qu’impliquent les rapports de travail». Le TF a considéré que cette réserve, dans le certificat de travail, était légitime compte tenu du caractère avéré du vol. Le licenciement immédiat était justifié. Il y a rupture du lien de confiance, peu importe la valeur du bien dérobé et l’ancienneté du collaborateur.

Maladie et addiction

Une addiction ne devra être mentionnée que restrictivement. Ainsi, les états d’ébriété peuvent figurer dans le certificat de travail, s’ils sont répétés et ont une grande influence sur la prestation et/ou le comportement du travailleur.

La maladie du collaborateur ne doit pas figurer dans le certificat de travail, sauf si elle a empêché durablement le salarié d’exécuter ses tâches, si bien qu’elle a constitué un motif objectif de licenciement. Sa durée doit encore être significative au regard de la durée totale des rapports de travail.

  • Le TF a jugé qu’il est justifié de mentionner, dans le certificat, une maladie qui perdure à la fin des rapports de travail et qui a empêché le travailleur d’exécuter ses tâches durant près d’un an et demi, sur une durée totale de 4 ans et 7 mois. Le contrat de travail a été résilié en raison de la longue durée de la maladie. À la fin des rapports de travail, on ne pouvait pas savoir si et quand l’employé retrouverait sa pleine capacité de travail.

  • Le Tribunal des prud’hommes de Zurich a considéré qu’une maladie de 6 mois sur les 25 mois de la relation contractuelle ne devait pas figurer dans le certificat de travail. 

  • Le TF a jugé qu’il se justifiait de faire état de la maladie de 6 mois d’un Directeur général adjoint sur une période totale d’emploi de 9 ans. Cette mention était pertinente. Le collaborateur n’occupait sa fonction de cadre que depuis 4 ans, à compter de la survenance de l’incapacité de travail. Ne pas mentionner l’absence donnerait une fausse impression quant à l’expérience acquise.


    Principes de rédaction

    Tout l’enjeu de la rédaction du certificat de travail porte sur la qualification de la qualité du travail et du comportement du travailleur. Selon les termes utilisés par l’employeur, l’interprétation du certificat sera plus ou moins favorable au travailleur.

    Le choix des mots appartient à l’employeur, de sorte que le travailleur ne dispose d’aucune prétention à une formulation déterminée. Il ne peut, en principe, pas exiger la reprise d’un texte d’un précédant certificat de travail, même en l’absence d’un changement fondamental de circonstances. La liberté rédactionnelle trouve ses limites dans l'interdiction de recourir à des termes péjoratifs, peu clairs ou ambigus, voire constitutifs de fautes d'orthographe ou de grammaire.

    Selon le TF, l’appréciation «à notre entière satisfaction» ne peut être exigée par le travailleur que s’il prouve avoir fourni une prestation supérieure à la moyenne. Le libellé «à notre pleine et entière satisfaction» se rapporte à une prestation exceptionnelle, qui sera réservée à des situations où la qualité du travail a dépassé de beaucoup ce qui était attendu de l’employé.

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Marianne Favre Moreillon, spécialisée en droit du travail, est Directrice et Fondatrice du cabinet juridique DroitActif à Lausanne. 

Lien: www.droitactif.ch

 
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